La judiciarisation de la société et le nombre croissant de conflits conduisent à un développement de l’activité de protection juridique qui peut s’avérer très lucrative.

Évalué récemment à 1 milliard d’euros rien qu’en France, le marché de la protection juridique fait l’objet de stratégies variées de la part des assureurs qui décident soit d’internaliser, soit d’externaliser ce service.

Réalisons un rapide tour d’horizon de l’activité et de quelques-uns de ses enjeux.

 

La protection juridique, en bref

L’objectif de la protection juridique est d’apporter à un assuré une assistance juridique (amiable et judiciaire) dans le cadre de litige qu’il pourrait rencontrer. Somme toute, on peut distinguer dans un contrat de protection juridique trois  domaines principaux :

  • Conseil juridique : explication de la législation ou de textes juridiques
  • Assistance dans la résolution à l’amiable de conflit voire sollicitation d’avocat le cas échéant
  • Prise en charge de frais : honoraires d’avocats, experts, huissiers,…

L’activité principale consiste en la gestion de dossier de l’assuré, de son accueil, avec la prise de connaissance du contexte et du sujet, à son règlement (dans une situation idéale). La gestion pure et simple du dossier peut s’apparenter dans un premier temps à ce que l’on peut retrouver dans un service de gestion de sinistre dans les assurances, à la différence notable que la prestation repose sur l’expertise juridique alors que le gestionnaire n’en assure que l’exécution dans un domaine purement assuranciel (remboursement, réclamation,….).

En effet, soit le juriste dispose de tous les éléments pour exercer son recours à l’encontre de la partie adverse. Soit, pour instruire son dossier, il lui faut auparavant recourir à un expert ou un huissier. En parallèle, il doit également optimiser ses choix en matière de stratégie juridique pour limiter au maximum les coûts de la procédure qui peuvent s’envoler lorsqu’un expert judiciaire est désigné. En somme, il se doit d’accompagner et d’aider l’assuré tout en limitant l’impact budgétaire de la stratégie retenue.

 

Renforcer la confiance du client

L’activité de protection juridique permet de tisser des liens avec les assurés de manière suivie tout au long d’un litige entre l’assuré et un tiers. En ce sens, il est l’occasion de densifier et mieux connaître le client sur une période relativement étendue. Le juriste en charge du dossier apparaît donc comme le représentant de l’assureur apte à connaître le mieux l’assuré et l’évolution de sa situation. Un lien peut se tisser et renforcer la confiance de l’assuré ce qui peut permettre de fidéliser l’assuré sur le long terme et favoriser le taux de recommandation (NPS). Les échanges assuré / assureur ne sont pas simplement dématérialisés et le volet humain entre en ligne de compte à l’heure où l’on parle de plus en plus de digitalisation. Dans ce cas précis, elle ne se fait pas au détriment de l’humain mais permet de concentrer les échanges « à forte valeur ajoutée » sur le canal le plus pertinent.

Ainsi, l’assuré peut être accompagné et donc apprécier son assureur autrement que par le seul prisme de l’appel de cotisations ou du service de gestion des sinistres où il apprend parfois qu’il ne rentre pas dans le périmètre d’indemnisation de son contrat.

Prenons en ce sens un exemple en tentant de comparer cette activité à la gestion. En effet, avec la digitalisation des processus (self care), la charge de travail a tendance à diminuer ce qui permet de dégager du temps à consacrer à certaines actions commerciales. A la différence de la gestion, les activités de protection juridique ne sont pour l’heure pas encore digitalisées, voire totalement digitalisables, ce qui laisse peu de temps aux juristes pour développer leur sensibilité commerciale. Néanmoins, peut-être que certaines bonnes pratique ou réflexes pourraient être partagées afin d’améliorer cet aspect en protection juridique.

 

Une industrialisation des processus pertinente ?

La tentation d’industrialiser les processus est grande tant ils paraissent à première vue simplifiables, répétitifs et partagés par un certain nombre de personnes. Certes, on retrouve des tâches classiques qui peuvent être rationnalisées, mais l’assistance voire le « conseil » juridique sont plus complexes à formaliser et à documenter. Selon que l’option retenue par le conseiller consiste à confier le dossier à un avocat ou à recourir à une expertise peut certes se catégoriser, mais difficilement être industrialisé de prime abord.

Il pourrait donc être pertinent de distinguer les tâches « juridiques » des tâches purement « administratives » ou qui peuvent être confiées à l’assuré comme la constitution de dossier en coffre fort numérique pour y déposer les pièces du dossier, consultables également par le juriste. En ce sens, la fluidité des processus serait la pierre angulaire du succès d’une telle démarche

Ainsi, en optimisant la 2ème catégorie il serait possible de dégager du temps pour s’appesantir davantage sur les options juridiques envisageables et d’analyser l’évolution du dossier sous un angle orienté satisfaction client.

 

Quelles limites à ces évolutions ?

Activité rentable, elle suscite l’appétit des assureurs qui cherchent à diversifier leurs produits et donc à développer leur service de protection juridique. Ils peuvent être également incités à développer des produits dédiés à la protection juridique même s’ils peuvent créer un effet d’aubaine auprès des assurés prompts à souscrire une protection juridique qui souhaiteraient donc l’utiliser coûte que coûte. De même, la rentabilité de telles solutions semble être différente de contrats de protection juridique souscrits dans le cadre d’offres plus génériques (MRH,….) où ils sont moins visibles.

En outre, le changement d’attitude des juristes face aux assurés pour améliorer le taux de recommandation client, n’est pas naturel. Il doit s’accompagner d’une vraie politique de formation et d’une évolution dans la manière d’aborder la relation qui doit transparaître dans le fonctionnement du service. Néanmoins, cette nouvelle orientation ne peut réussir que si elle est progressive, partagée et comprise par les juristes sous peine d’une incompréhension et d’un taux de rejet des équipes élevé.

 

L’évolution de la réglementation européenne qui impose aux assureurs de compléter un questionnaire sur les assurés ne procède pas de la simplification de l’activité. Même si la protection juridique en assurance individuel a de beaux jours devant elle, on est en droit de s’interroger sur sa pertinence pour les entreprises. Existe-t-il un marché à forte croissance des entreprises qui sont dépendantes de leurs avocats pour régler tout litige et qui souhaiteraient bénéficier d’un « conseil » juridique à moindre frais et qui pourrait de la même façon leur éviter de recourir à des solutions juridiques lourdes et nécessairement conduites par des experts des prétoires ?