Il y a quelques semaines, nous évoquions les averses de grêle qui sévirent notamment à Chablis, Cognac et Beaujolais et qui mirent une nouvelle fois en exergue le rôle primordial que joue l’assurance récolte au sein des économies nationales. Au-delà de ce mécanisme d’assurance relativement récent, la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) demanda au gouvernement le classement à l’état de catastrophe naturelle des zones concernées, rappelant au passage l’importance d’un autre dispositif assurantiel, celui de l’indemnisation des catastrophes naturelles, qui combine solidarité nationale et privée.  

Le régime des catastrophes naturelles : une coopération public/privé qui fonctionne depuis 34 ans

Orage en bord de merNe disposant pas de capacités financières suffisantes pour faire face rapidement à des catastrophes naturelles d’une certaine ampleur, les assureurs peuvent aujourd’hui se réassurer auprès d’un organisme public, la Caisse centrale de réassurance (CCR) laquelle dispose de la garantie de l’État.

Cependant, l’idée d’une solidarité nationale mêlant assureurs privés et soutien public ne s’est pas concrétisée en un jour : elle s’est plutôt imposée peu à peu au vingtième siècle, en raison, notamment, de l’augmentation des risques liée à la concentration urbaine :

  • Elle s’est d’abord manifestée par des aides d’extrême urgence aux victimes par prélèvement sur le budget du ministère de l’Intérieur ;
  • Puis, un compte budgétaire d’affectation spéciale intitulé Fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités a été créé par une loi de 1956, et était abondé par des subventions de l’État, des collectivités et établissements publics;
  • Enfin, c’est avec la loi du 13 juillet 1982, plusieurs fois modifiée depuis, qu’apparait un véritable régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Le système ainsi mis en place présente la particularité, on l’a dit, de reposer sur la solidarité nationale, tout en étant confié aux assureurs, dont le législateur de 1982 a estimé qu’ils disposeraient d’une capacité d’indemnisation plus rapide que si la gestion des fonds de garanties avaient été confiée à l’Administration.

Des incertitudes quant à la pérennité de ce système

Les violentes inondations qui ont récemment frappé la moitié nord de la France, et dont le bilan des dommages se précise, donnent elles aussi pleinement corps à l’importance de ce mécanisme original.

Néanmoins, les dernières projections de la Caisse Centrale de Réassurance montrent que le montant des pertes annuelles assurées liées aux catastrophes naturelles devrait doubler en France, à plus de 2 Md€ d’ici 2050. Or, si le régime Catnat en France dispose encore, via la CCR, d’une solvabilité robuste, qu’en est-t-il dans une perspective où le coût des catastrophes naturelles est appelé à augmenter significativement à horizon 2050 ?

De plus, le régime de l’assurance Catnat a déjà fait l’objet de demande d’adaptation. L’Association Française de l’Assurance, par exemple, a demandé en 2012 une adaptation du régime dans le sens d’une meilleure responsabilisation des collectivités et des assurés.

Des leviers pour le maintien des engagements financiers

Quoi qu’il en soit et malgré les projections de la CCR, trois leviers existent pour que le réassureur public puisse maintenir ses engagements financiers :

  • Le premier consisterait à indexer les primes sur les biens assurés. L’augmentation du niveau de primes se traduirait alors mécaniquement par une hausse des recettes pour la CCR à taux de surprime constant ;
  • Le second reviendrait à réviser à la hausse le taux de surprime ou de le rendre modulable en fonction du public assuré. Par exemple, en moyenne, pour la couverture des risques professionnels, 86€ sont dédié à la garantie cat’nat’, quand 3€ d’un contrat auto sont nécessaires ;
  • Enfin, le troisième levier serait celui de la prévention. La mise en place des Plans de Préventions des Risques Naturels (PPRN), dont près de 14 000 ont été approuvés par les communes à fin 2015, ont permis de réduire de façon drastique la sinistralité de certaines communes exposées. L’écart en terme de fréquence de sinistre entre les communes dotées de PPRN et celles qui n’en disposent pas et même chiffré : 40% ! La prévention passe également par des campagnes de communication à destination d’un large public. Or, un sondage récent de l’Ifop réalisé entre le 10 et le 13 juin montre que 82% des sondés se disent « inquiets » mais que 50% s’estiment « assez mal » ou « très mal » informés sur les risques naturels. Ce besoin d’information est donc quantifiable et connu.

Il ne faut pas non plus oublier que toute réforme du régime cat’nat’ est nécessairement liée aux pouvoirs publics, et donc, in fine, au calendrier politique. Les mécanismes de l’assurance catnat ne semblent donc pas devoir évoluer sur les prochaines années.