7%, c’est le taux de croissance prévu pour la Chine en 2015. Bien loin des niveaux qu’a connus le pays ces 30 dernières années (10,4% en 2010 !). Dans le même temps, la Chine est en passe de devenir le second marché de l’assurance mondiale d’ici 2025. Ce ralentissement de la croissance chinoise est-il synonyme de ralentissement de la croissance du secteur Assurance du pays ?

Le marché de l’assurance en Chine

En 2014, l’industrie mondiale de l’assurance a connu une croissance totale des primes de 3,7% (source : étude sigma Swiss Re « L’assurance dans le monde en 2014 : retour à la vie »). Alors que la majeure partie des pays développés à travers le monde présentent des résultats en timide hausse, la Chine, elle, affiche une performance nettement supérieure, et ce dans les deux segments de l’assurance. En effet, les primes d’assurance non-vie – tirées principalement par l’auto (l’assurance auto représente plus de 70% des primes d’assurance non-vie) – ont augmenté de 17%, et la croissance des primes vie s’élève à +13% (Internet, bancassurance et une baisse des rachats).

Il est à noter que l’Internet joue un rôle prépondérant dans la croissance de l’assurance en Chine. D’après l’Association chinoise des assurances, les ventes en ligne se sont élevées à 85,9 milliards de yuans en 2014 (une augmentation de 195% par 2013), représentant ainsi 4,7% de l’ensemble des souscriptions d’assurance, et ce sont 12,8 milliards de dollars qui ont été dépensés par les internautes chinois pour des produits d’assurance début 2015 (contre 4,3 milliards$ en 2014, soit trois fois plus). D’ailleurs, des règlementations devraient être mises en œuvre très prochainement dans l’optique de réguler les activités commerciales des assureurs en ligne.

En Chine, le marché de l’assurance est très concentré avec trois principaux acteurs (China Life, Ping An et PICC Life) qui détiennent environ 50% du marché de l’assurance-vie, et près des deux tiers du secteur de l’assurance non-vie.

Si l’on compare la Chine aux pays développés en matière de prime d’assurance, on constate que celle-ci détient une place déjà significative. Selon l’étude « Insurance Market Outlook » (2015) du réassureur allemand Munich Re, avec 328 Md$ de primes totales (+15,2%) – et 6,87% de parts de marché au niveau mondial – la Chine est quatrième derrière les Etats-Unis (1280 Md$), le Japon (480 Md$) et le Royaume-Uni (351 Md$). La France se trouve en cinquième position avec 271 Md$ de primes totales.

L’assurance en Chine : de belles perspectives de développement

Le marché de l’assurance chinois affiche des perspectives de développement intéressantes, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, grâce à sa taille : une population croissante, une hausse du revenu disponible et une urbanisation soutenue. La Chine connaît de plus un vieillissement rapide de sa population. Elle devrait ainsi compter 223 millions de personnes âgées de 65 ans ou plus d’ici 2030 selon la Banque Mondiale, ce qui laisse supposer une forte demande en produits de santé et retraite.

De plus, les ménages épargnent massivement – jusqu’à 30% du revenu disponible en zone urbaine – pour compenser la faiblesse du régime de sécurité sociale.

Ensuite, le rythme de développement économique du pays, et plus généralement de toute la région asiatique, sont des éléments prépondérants.

Un autre argument en faveur du développement du marché chinois trouve sa source dans le taux de pénétration de l’assurance : dans la région, ce dernier était d’environ 3% du PIB en 2013 contre 6,3% en moyenne dans le monde, toujours selon une étude sigma Swiss Re alors que le gouvernement prévoit une hausse de la pénétration de l’assurance à 5% d’ici 2020 (3,3% en 2015).

Après le ralentissement économique de la Chine et les perturbations sur ses marchés financiers en août dernier, certains observateurs ont mis en garde contre un impact sur le secteur de l’assurance.

A en croire Denis Kessler, le PDG de Scor, le marché chinois ne devrait être que peu impacté par le ralentissement économique du pays.

Par ailleurs, une implantation en Chine permet de s’ouvrir plus globalement sur tout le marché asiatique. La compréhension et l’adaptation à la complexité du marché chinois avec sa nature des risques et sa règlementation, couplées à une stratégie de croissance efficiente, est indispensable pour s’implanter en Chine. En ce sens, le partenariat avec un acteur local semble indispensable tant la puissance des assureurs chinois est importante. Si tous ces facteurs sont réunis, l’immersion au sein du marché chinois peut s’avérer très avantageuse et pourrait même constituer une véritable porte d’entrée vers le marché asiatique. Ainsi, AXA s’est fixé un objectif ambitieux : à travers son association avec ICBC (Industrial and Commercial Bank of China ou Banque Industrielle et Commerciale de Chine, première banque du pays), l’assureur compte conquérir 100 millions de clients en Asie d’ici 2030, dont une majeure partie en Chine.

Enfin, les belles perspectives de développement du marché chinois de l’assurance sont soutenues par les réformes réglementaires en cours.

Une règlementation difficile pour les compagnies d’assurance étrangères, mais qui évolue vers plus de souplesse

Pénétrer le marché chinois n’est pas chose aisée pour une compagnie étrangère. Le partenariat avec un acteur local (à travers une coentreprise) est indispensable, notamment pour les assureurs opérant en assurance vie. Encore faut-il convaincre les acteurs locaux de nouer un partenariat.

En outre, il est nécessaire de passer par la China Insurance Regulatory Commission (CIRC) – Commission de supervision des assurances en Chine – pour exercer dans le pays. La CIRC délivre une licence qui autorise l’assureur à exercer son activité seulement dans la province où il s’est installé et seulement pour un type de produit. Impossible donc de s’implanter sur plusieurs secteurs de l’assurance.

Mais cette règlementation contraignante pour les acteurs étrangers semble s’assouplir. Par exemple, ils peuvent désormais acquérir des acteurs locaux qui disposent d’une licence nationale. En outre, depuis 2014, les compagnies d’assurance peuvent désormais racheter des participations de plusieurs concurrents – et non plus d’un seul – sur le même segment de marché.

Cette règlementation évolutive devrait permettre aux compagnies étrangères de renforcer leur présence en Chine et même en Asie.

Néanmoins, il demeure tout de même une volonté de préserver les acteurs nationaux, ces derniers rayonnant sur la scène internationale. A ce titre, le classement 2015 de l’étude BrandZ de l’institut MillwardBrown qui dresse un classement des 10 marques mondiales d’assurance les plus puissantes fait la part belle à deux marques chinoises. Ping An, dont la valorisation atteint 12,4 Md$, occupe la première place et China Life, qui compte une valorisation de 12 Md$, arrive en seconde position.

Même si ces résultats sont à nuancer dans une certaine mesure (puisque Ping An doit beaucoup à son activité banque), ils en disent long quant au poids des grands groupes chinois sur le marché de l’assurance mondiale.

Le marché chinois de l’assurance présente des perspectives de développement intéressantes. Avec une réglementation qui évolue et une volonté du gouvernement de faire de l’assurance un secteur clé du développement économique du pays, il semble logique de croire en son développement, malgré le ralentissement de l’économie chinoise qui n’aurait finalement que peu d’impacts sur le secteur.