Quel cadre assurantiel pour les usagers des nouveaux véhicules électriques individuels ?
Depuis quelques années, trottinettes électriques, gyropodes et hover boards ont débarqué avec force dans nos vies, sur nos chaussées et sur nos trottoirs. L’arrivée de géants du service de mobilité en free floating (Lime, Bird, Bolt, etc.) pousse plus de français à acquérir un de ces nouveaux moyens de mobilité. Ces opérateurs intègrent une assurance dans leur service de location. Pourtant la législation reste à la traîne en termes de catégorisation de ces engins, et donc de définition des droits et devoirs, notamment assurantiels de leurs usagers. Alors qu’en est-il aujourd’hui ?
Quelques éléments de définition et de constat
Les Nouveaux Véhicules Électriques Individuels (NVEI) ou Engins de Déplacement Personnel (EDP) électriques, pour le législateur, regroupent aujourd’hui les trottinettes électriques, gyro roues, gyropodes, hover boards, skates électriques, rollers électriques, etc.
Les vélos à assistance électrique (VAE) forment une catégorie à part. Leurs usagers sont soumis aux mêmes règles que les cyclistes « traditionnels ». Ils n’ont pas l’obligation d’être assurés. Toutefois, en cas de débridage de la puissance du moteur (limitée à 250 Watts) ou de la vitesse plafond de l’assistance électrique (inactive au-delà de 25 km/h), le véhicule est considéré comme un cyclomoteur et requiert une homologation, une assurance adaptée, mais aussi un permis de conduire de catégorie AM.
Aujourd’hui, les NVEI peuvent circuler sur les trottoirs dès lors que leur vitesse est inférieure à 6 km/h. La chaussée leur est interdite, sauf pour les trottinettes électriques qui doivent théoriquement être immatriculées au-delà de 25km/h. L’utilisation des pistes cyclables peut être tolérée dans certaines agglomérations. En pratique, les usagers des NVEI sont bien souvent hors-la-loi, en circulant trop vite et/ou sur des voies de circulation qui leur sont interdites.
L’apparition de ces nouveaux moyens de transport qui séduisent de plus en plus de Français (3% d’utilisateurs, 17% prêts à les utiliser) a des conséquences significatives sur le nombre d’accidents de la circulation pour les utilisateurs de ces engins, mais aussi pour les piétons et autres véhicules avec lesquels ils se disputent les voies de circulation piétonnes et routières. Ceux-ci ont augmenté de 23% en 2017 parmi les utilisateurs de trottinettes et rollers, faisant 284 blessés et 5 tués. L’attrait de populations moins sportives et plus âgées pour ces engins explique également cette hausse.
La difficile interprétation de la loi
Pour l’heure, il n’existe pas de texte spécifique pour l’assurance des Engins de Déplacement Personnel (EDP) électriques. Il convient donc de se référer au droit commun.
La loi Badinter du 5 juillet 1985 prévoit un droit d’indemnisation de tous les dommages engendrés à la suite d’un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur (VTM).
Le Code des assurances précise que les véhicules terrestres à moteur sont « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique […] » (article L. 211-1). Les NVEI sont a priori bien concernés par cette définition et requièrent donc au minimum une assurance responsabilité civile.
Par ailleurs, la conduite sans assurance d’un véhicule motorisé constitue un délit sanctionné par des peines sévères en cas d’absence d’assurance (article L. 324-2 du Code de la route). En cas d’accident, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) interviendra pour indemniser la victime, mais se retournera contre le conducteur non assuré du NVEI pour récupérer les sommes versées à la victime, majorées de 10 %.
Toutefois, des jurisprudences successives ont complexifié cette définition. En 1998, les voitures électriques pour enfant ont été exclues de la catégorie des VTM. En revanche, en 2004 et en 2015, les tondeuses autotractées et les mini-motos ont été catégorisées comme VTM, et requièrent donc une assurance.
Vers un éclaircissement de la loi
Face à ce casse-tête, le gouvernent a décidé de faire évoluer la réglementation, afin d’anticiper les difficultés et d’éviter une classification des Engins de Déplacement Personnel (EDP) électriques au cas par cas jurisprudentiel après la survenue d’accidents graves.
En cours d’examen, le projet de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), présenté fin novembre 2018, souhaite donner un cadre réglementaire afin de permettre aux maires d’adapter les règles de circulation à ces nouveaux véhicules (article 21).
Il est aussi attendu que le Code de la route détermine des règles de circulation pour chaque type de NVEI. En effet, cette catégorisation reste incomplète dans le projet de loi LOM en l’état, ce que déplore notamment la Fédération des Professionnels de la Micro-Mobilité.
La classification des Engins de Déplacement Personnel (EDP) électriques, ainsi que la précision des droits et devoirs de leurs utilisateurs devra donc attendre quelque peu tant la loi est tentaculaire (50 articles), les intérêts opposés (collectivités, associations d’usagers de la route, de piétons…), dans le contexte difficile du mouvement des Gilets jaunes protestant notamment contre le coût des transports.
Une couverture assurantielle indispensable pour tout usager
En tout état de cause, il est fortement conseillé à l’usager (propriétaire ou locataire) d’un EDP électrique de vérifier s’il est couvert par la garantie responsabilité civile notamment celle de son contrat multirisque habitation, ou le contrat d’utilisation de l’opérateur dont il utilise le service de véhicule partagé ; et si tel n’est pas le cas, de se prémunir en demandant à son assureur l’extension de sa couverture responsabilité civile à l’usage d’un EDP électrique par lui-même ou un membre de sa famille ou en souscrivant un contrat spécifique pour NVEI.
En attendant des éclaircissements réglementaires indispensables, les usagers les plus prudents souscriront également une garantie individuelle accident (IA). Cette dernière couvre les dommages matériels causé à leur engin, mais surtout les dommages corporels qu’ils pourraient subir si le responsable de l’accident n’est pas identifié ou s’ils en sont eux-mêmes les responsables, à l’instar de la garantie des accidents de la vie.