Do you speak Hackathon ?
Pour commencer, je tiens à prévenir les quelques lecteurs qui se seraient malencontreusement perdus sur internet. Non, cet article ne traite pas d’une variante poissonnière de la danse rituelle chantée par les Maoris et rendue célèbre par l’équipe de rugby de la Nouvelle-Zélande. Je tiens donc à m’excuser auprès des fans de cette pratique fort réjouissante qu’est le haka-thon et à les prévenir qu’il s’agit tout de même d’une espèce en voie de disparition (à pratiquer avec précaution donc).
Mais qu’est-ce que le Hackathon ?
Dans un registre moins alevinique mais non moins distrayant, intéressons-nous plutôt au hackathon. Contraction non pas du haka et d’un pauvre thon, mais du mot « hacking » (le fait de s’introduire dans un système informatique) et de « marathon » (il y avait donc bien une notion sportive). De manière très abrupte en ouvrant un dictionnaire (comme si vous alliez le faire) vous pourrez lire qu’un hackathon est « un événement au cours duquel des spécialistes se réunissent durant plusieurs jours autour d’un projet collaboratif de programmation informatique ou de création numérique ».
Dit comme cela, ce n’est pas hyper sexy. On pourrait croire que cet évènement est uniquement destiné à une communauté informatique de développeurs et autre geeks assoiffés de péplum à la Tolkien, passant leurs week-ends à jouer à Donjons et Dragons. Mais désormais le hackathon se décline sous toutes les formes. J’en prends pour preuve le fait que LVMH, a déjà organisé plusieurs hackathon sur l’univers du luxe, notamment un dans son atelier historique d’Asnières nommé « Unlock the Future of Luxury » en 2015. Autre exemple prouvant la démocratisation de ces évènements, l’un des projets gagnants du hackathon organisé par le Club Med en juillet dernier était basé sur Pokémon GO (niveau démocratisation je ne vois pas mieux).
En réalité, le hackathon a connu de nombreuses mutations et depuis sa naissance aux États-Unis à la fin des années 1990, au sein de la communauté des développeurs adeptes des logiciels libres, on peut distinguer trois types de hackathons :
- La première vague de hackathon rassemblait des entreprises technologiques comme Facebook, Samsung, Google ou encore Microsoft qui souhaitaient nouer des liens étroits avec la communauté de développeurs.
- La seconde vague est celle des hackathons externes -appelés aussi open innovations- pour des entreprises plus traditionnelles de différents secteurs : de la banque, de l’énergie, des services (en France on peut citer Orange, la SNCF, la RATP, Pernod Ricard …) etc. Ces entreprises cherchant à innover se sont alors ouvertes à des startups et des développeurs pour trouver rapidement des solutions à leurs problématiques.
- Enfin, la troisième et dernière vague est celle des hackathon internes. Cette fois-ci, les participants sont des collaborateurs internes de l’entreprise et ces évènements répondent à des logiques d’acculturation d’entreprise et de cohésion interne.
Le Hackathon, moteur de l’innovation
Ainsi le concept de base a été récupéré par toutes sortes d’entités sur des thèmes très diversifiés :
- La BNP a organisé un Hackathon dans le but de faciliter le parcours clients.
- Un hackathon est en ce moment-même organisé par l’Assurance maladie visant à encourager le développement de nouveaux outils pour faciliter la vie des personnes diabétiques.
- En janvier 2016 la Ville de Paris et la Préfecture de Police ont organisé un Hackathon inédit en partenariat avec l’École 42 sur la sécurité pour concevoir et développer des solutions de prévention, d’alerte et de gestion des crises.
Mais alors quel est l’objectif d’un hackathon ? Comme les différents exemples que j’ai pu citer le prouvent, à chaque hackathon son objectif mais avec toujours le même ledmotiv : I-N-N-O-V-E-R.
Et le monde de l’assurance dans tout cela vous allez me dire ? Il ne fait pas exception à la règle. Le hackathon a déjà conquis différents acteurs de l’assurance. Les différents hackathons organisés par AXA, sur la relation client ou encore sur les objets connectés le prouvent. AXA avait d’ailleurs participé au hackathon sur la sécurité organisé par la ville de Paris, ce qui assez logique pour un acteur de l’assurance.
Plus récemment l’IMA (Inter Mutuelles Assistance) a organisé cet automne un hackathon visant à ubériser l’assistance : durant 24 heures des développeurs, designers, ingénieurs, marketeurs, créatifs, informaticiens, professionnels, étudiants et même retraités ont travaillé sur l’assistance du futur avec pour seule consigne « IMA n’existe plus, vous êtes IMA ».
La Matmut quant à elle, a organisé l’été dernier un hackathon faisant participer 86 étudiants en Normandie sur le thème de l’e-assurance des jeunes conducteurs et ayant pour problématique : « Comment la Matmut peut-elle devenir une référence numérique vis-à-vis des jeunes conducteurs ? ». Le projet gagnant « On the road – comment simplifier la vie du jeune conducteur dans ses débuts ? » est une application web regroupant tous les services utiles au jeune conducteur dès 16 ans : livret de conduite accompagnée, examen blanc de Code, E-constats, calcul automatique de son éco-conduite, mise à jour en temps réel de son nombre de points … Ainsi le hackathon permet aussi de toucher directement un client cible : qui mieux que des jeunes conducteurs pour exprimer le besoin des jeunes conducteurs ?
Plus qu’imaginer, créer
Aujourd’hui le hackathon s’est complètement intégré à la stratégie d’innovation des entreprises. La plupart des hackathons organisés par des sociétés sont de types externe (open innovation). Ils sont ouverts à des personnes aux talents divers : développeur, étudiants, start-up, entrepreneurs, designer ou simple curieux qui s’affrontent en équipe pour créer dans un temps relativement court un service, une application numérique, ou un site web. Et finalement exposer leur projet lors d’un pitch présentant le concept, une maquette ou un prototype, et un modèle économique devant un jury. Tous, ils contribuent alors à l’effort de recherche et développement de l’entreprise.
Une des spécificités et grand atout du hackathon, c’est qu’il apporte du concret, il ne s’arrête pas à la partie d’idéation. Ce n’est pas simplement de trouver des idées innovantes mais bien d’en sélectionner, et de les créer. On concrétise l’idée, on l’a fait. Aussi surprenant que cela puisse paraître le verbe « faire » l’emporte sur celui de « penser ». Pour cette raison, le hackathon s’inscrit dans la logique du « test and learn » : se lancer, apprendre, adapter, avancer. C’est véritablement la value proposition du hackathon : on ne s’arrête pas à une idée, on la crée. Et pour les plus intellects parmi vous qui seraient choqués que l’on puisse dire que le fait de faire l’emporte sur la pensée, je me permets de leur rappeler ces quelques mots d’Henri Bergson « En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer les objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication ». Et le hackathon c’est exactement cela : un « outil pour faire des outils ». Côté philosophie, le hackathon nous réconcilie donc avec l’Homo Faber (nous voilà sauvés).
Et n’oubliez pas l’après Hackathon
Le hackathon est donc un outil. Il ne suffit pas d’organiser un hackathon pour tout résoudre. Non, ce n’est pas un remède magique capable de faire des miracles en un week-end. Le hackathon ne doit pas être vu comme une fin en soi, le but n’est pas d’innover pour innover, il doit au contraire être vu comme un point de départ d’un projet de développement à plus moyen/long terme et être en cohérence avec la stratégie de l’entreprise. S’il n’y a pas d’accompagnement pour les projets qui ont émergé, les projets initiés resteront dans un vieux placard à prendre la poussière et tous les efforts mis en place seront vains. C’est souvent la critique que ses détracteurs portent au hackathon mais en réalité, ce pas tant le hackathon qu’il faut remettre en cause mais bien la façon de l’appréhender et de l’organiser.
Le hackathon est un moyen devant servir l’entreprise dans sa stratégie d’innovation. De même, comme tout outil, s’il est mal employé, il ne permettra pas d’arriver à l’objectif fixé. Pour qu’un hackathon prenne toute sa valeur il doit être suivi par un accompagnement qui prend la forme de gestion de projet. Permettant par exemple, à des startups d’aller au bout de leur idée avec des grands comptes : ces deux univers n’ayant pas les mêmes codes, il faut pouvoir les aider à collaborer et s’assurer que le projet gagnant puisse voir le jour. Et finalement pour le hackathon comme pour le rugby, l’objectif est le même : transformer l’essai.