Après la révolution du secteur bancaire par les Fintech, ces jeunes pousses de la finance, c’est maintenant le marché de l’assurance qui connaît l’essor de start-up de ce type. L’Assurtech, ou Insurtech, a pris son envol outre-Atlantique courant 2016 et les prévisions sont prometteuses pour cette année. Si l’Assurtech n’a représenté l’année dernière que 34% de l’investissement des fonds de capital-risque, l’intérêt que les assureurs portent à ces trublions de l’assurance laisse à penser que le concept va connaître un essor important. On dénombrait en 2016 environ 1 300 start-ups à travers le monde en rapport avec le marché de l’assurance. Mais comment explique-t-on un tel développement à l’international sur marché aussi vaste et complexe ?

« Assurtech, vous dites ?  – Enchanté, nous venons bouleverser l’Assurance »

A l’évocation du secteur de l’assurance, il vient en tête un milieu dominé par les mastodontes courtiers, les mutuelles, les grands groupes spécialisés ou encore les Bancassureurs. C’était sans compter l’arrivée du numérique, du développement des applications mobiles et des objets connectés qui permettent d’inventer de nouvelles façons de faire presque n’importe quelle activité. Un tout nouvel écosystème est en train de voir le jour. Petit tour d’horizon des Assurtech qui ont lancé le concept et marqué l’année qui vient de s’écouler.

Amérique du Nord

  • Oscar (USA), start-up proposant un certain nombre de services tels que des téléconsultations et check-up gratuits, l’accès aux médicaments de base et aux vaccins antigrippaux sans visite et sans frais.
  • Collective Health (USA), propose des services de santé transformant l’expérience de consommation de l’assuré
  • Lemonade (USA), l’un des premiers assureurs « peer-to-peer » ou « particulier à particulier »
  • League (Canada), met à disposition des services de santé : localisation de médecins, salle de marché (réservation, paiements de consultations médicales…)

 

Amérique du Sud

  • Compara Online (Chili), le premier site chilien pour comparer les assurances voyages, automobile et santé

 

Asie

  • ZhongAn (Chine), propose une assurance habitation en ligne
  • Policybazaar (Inde), comparateur d’assurances et assureur vie en ligne

 

Europe

  • Knip (Suisse), est une application qui permet d’optimiser son budget assurance
  • Anivo (Suisse), combine des services de comparateur d’assurance et de courtier
  • Fluo (France), permet d’analyser de manière détaillée la totalité des contrats d’un foyer afin de réaliser des économies
  • OSeven Telematics (Royaume-Uni), plateforme d’assurance basée sur le comportement (« pay how you drive »)
  • Pair Finance (Allemagne), concept qui repose sur l’intelligence artificielle pour prévoir le comportement des débiteurs

Ce panel des start-up les plus innovantes démontre le maillage international et la diversité des business models du mouvement de l’Assurtech. Si les États-Unis disposent de l’un des écosystèmes de start-up dans l’Assurance les plus importants du secteur, d’autres régions du monde voient leur nombre d’Assurtech augmenter significativement. C’est notamment le cas de l’Asie, avec en figure de proue Singapour, qui s’est fixé pour objectif de devenir une Smart Nation. Il y a dans cette région du monde une volonté forte de favoriser le mouvement Assurtech, de se positionner en Global Insurtech Hub. Cela se traduit par la mise en place de stratégies concrètes, d’abord en investissant fortement dans le développement des start-up via des accélérateurs ou incubateurs, mais aussi en leur proposant un environnement réglementaire moins contraignant. Ce marché est aussi attractif par sa taille -environ 625 millions de personnes rien que pour Singapour, contre 504 millions en Europe et 319 millions aux USA – et surtout par son fort potentiel assurantiel. En effet, moins de 6% de la population asiatique dispose d’une couverture assurance.

Et rassurons-nous, sur ce segment la France n’a rien à envier aux continents asiatique et américain. Deux raisons majeures peuvent expliquer ce constat. Selon un expert du secteur, la première serait la taille. En effet, la France est le 5e marché de l’assurance dans le monde, notamment en raison d’une dimension réglementaire forte rendant l’assurance obligatoire. La deuxième raison serait liée à la structure des entreprises. Les acteurs du marché français sont des grands groupes qui innovent peu et sont en retard de phase avec la montée en puissance de l’Assurtech.

Une question se pose cependant : comment ces nouveaux acteurs ont-ils su se faire de la place sur un marché mondial déjà saturé et dont les barrières à l’entrée sont très fortes ?

Assurtech: une offre 100 % digitale et spécifique

L’une des forces de ces jeunes entreprises est d’avoir rapidement compris qu’elles ne pourraient remplacer leurs aînées. Les offres riches proposées par les leaders du secteur, les contraintes réglementaires ou encore la diversité des marchés (retraite, prévoyance, santé, habitation, automobile…) ne peuvent toutes être prises en compte par des acteurs naissants. La stratégie mise en place est donc de s’attaquer à une partie d’activité, à un marché précis voire une niche.

L’aspect différenciateur se traduit à travers une spécialisation forte et une utilisation des nouvelles technologies. Grâce aux applications mobiles, aux objets connectés ou encore à l’intelligence artificielle, ces start-up mettent en place de nouveaux modes de services assurantiels qui se placent à différent moments de la chaîne de valeur. On peut les trouver en aval des processus de commercialisation d’offre d’assurance, notamment via des services de comparateurs ou des fonctions de courtiers. Ils interviennent donc au niveau du mode de distribution, ne modifiant pas les offres assurantielles, mais proposant une expérience 100% digital. Leur objectif : offrir un accès plus transparent aux services et favoriser une réduction des prix de vente.

Les Assurtech peuvent aussi se positionner sur la création d’offre aux entreprises d’assurance. C’est notamment le cas de l’intégration de solutions totalement digitales dans la gestion de la clientèle, le back-office ou encore la protection des données. Le positionnement de ces acteurs est donc plutôt dans une optique de complément des services des assureurs traditionnels que de concurrence franche. Nous assistons donc à la création de nouveaux écosystèmes où assureurs et Assurtech souhaitent créer des synergies.

Des stratégies de synergies tournées vers l’international

Il existe déjà un certain nombre de partenariats entre ces deux types d’entreprises. Les assureurs ont rapidement compris l’opportunité qu’offrent les nouveaux business models de l’Assurtech. A l’instar d’Axa qui a commencé à investir via un fond spécialisé dès 2015, et intensifie fortement cette stratégie avec un investissement de 20 millions de dollars dans la start-up américaine One Inc, la majorité des assureurs investissent dans ces nouveaux modèles. Que ce soit le Crédit Mutuel Arkéa avec son investissement dans les start-up Fluo (comparateur d’assurance), Yomoni (robot-advisor pour la gestion d’épargne sous mandat) ou Linxo (agrégation et analyse de données financières) ou encore Allianz qui a pris une participation dans la berlinoise Simplesurance (assurance aux consommateurs lors d’un achat sur internet), des partenariats fleurissent et permettent aux assureurs de capitaliser sur les innovations proposées. Dans un objectif de digitalisation de leurs offres, de leurs process, voire plus largement du métier d’assureur, ces nouvelles relations sont en train de redéfinir le marché de l’assurance.

La stratégie d’investissement sous forme de mise en place de partenariats stratégiques ou d’intégration des Assurtech dans leurs écosystèmes n’est pas la seule nouveauté dans le comportement des assureurs. Ces derniers ont également mis en place une veille permanente, afin d’observer les nouvelles tendances. Cela passe notamment par une présence dans des pôles d’innovations majeurs à l’international, tels que la Silicon Valley ou encore Londres.

Si les États-Unis disposent d’une stratégie bien rodée pour investir dans la Fintech en combinant prise de participation et créations d’incubateurs – la majorité des incubateurs et des fonds d’investissements se trouvent dans cette région du globe – les pays asiatiques quant à eux capitalisent sur l’attractivité via une offre assurantielle encore peu développée et sur un savoir-faire technologique avancée offrant un vaste environnement d’innovation aux Assurtech. L’objectif, à terme, sera d’arriver à combiner l’expertise et la connaissance historique des compagnies d’assurance, agissant sur des marchés singulièrement différents à travers le monde, avec la capacité d’innovation et l’agilité des Assurtech.

La nouvelle vague de start-up dans l’assurance insuffle donc une dynamique d’innovation digitale très convoitée par les compagnies d’assurance. Contrairement aux banques, qui avaient sous-estimé et perçu l’arrivée des Fintech comme une menace, les Assureurs ont rapidement compris les opportunités de ces nouveaux modèles. Ce mouvement se développant à l’échelle internationale, tout l’enjeu repose sur une capacité à créer des synergies sur un périmètre faisant abstraction des frontières.