Résumé de la première partie

La directive 2016/97 sur la distribution en assurance (DDA) adoptée le 20 janvier 2016 par le parlement européen s’inscrit dans une démarche d’uniformisation de la réglementation de la distribution des produits d’assurance afin de garantir une protection homogène en Europe et accessoirement de renforcer la confiance des consommateurs avec un marché mieux intégré. Cette directive qui concerne quasiment tous les acteurs du marché de l’assurance induit de profonds changements et va les conduire à adapter leurs modes de fonctionnement à des règles toujours plus protectrices des consommateurs.

Après avoir replacé la directive 2016/97 dans son contexte, nous avons initié l’exposé des principales conséquences de celles-ci sur l’organisation, les règles de gestion, le commissionnement.

Cet article se fait l’écho de la conférence ACPR du 25 novembre 2016 concernant les pratiques commerciales ainsi qu’à la sanction prononcée le 22 décembre 2016 à l’attention de la société Santiane. Liste des aspects passés en revue dans cette première partie :

L’introduction d’une véritable gouvernance et surveillance des produits : La DDA instaure la mise en place de POG (product oversight and governance), qui permettent de garantir l’adéquation continue de l’offre par rapport au besoin du marché.

Un durcissement des règles de prévention des conflits d’intérêt : les situations potentielles de conflit d’intérêt devront dorénavant être décrites dans une politique, elle-même revue chaque année.

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Vers un commissionnement très encadré et restrictif

La DDA aborde en partie l’épineuse question des incitations et ce, un peu plus précisément dans les actes délégués. Ces incitations ne doivent pas avoir d’effet négatif sur la qualité du service au client et surtout respecter l’obligation d’agir d’une manière honnête, impartiale et professionnelle au mieux des intérêts du client. En ce sens, les actes délégués devraient prévoir une liste de situations où le risque, que l’incitation entache la qualité du service, est fort sans pour autant interdire ces situations.

La DDA pose l’obligation d’adopter un système de rémunération indépendant des performances des commerciaux et de le communiquer au client. En pratique, adieu le précompté et les courbes anticipatrices privilégiant une incitation de maintien à un horizon court terme dans le portefeuille, bienvenue aux incitations à base de critères qualitatifs (taux d’attrition, % de non conformités lors de la souscription et des opérations d’après-vente, qualité des compte-rendu renseignés dans le CRM, ..). Autant de gages, vis-à-vis du régulateur, pour montrer que le commissionnement va dans le sens de l’augmentation de la qualité. Pour les profils expérimentés, des idées telles que des actions de partage de la connaissance, semblent être des pistes à explorer ; enfin, la question du financement des actions qualitatives reste en suspens.

Les assureurs sont donc prêts pour une énième refonte du système de commissionnement …, ce qui va, au passage, provoquer une séance de négociation entre DRH et IRP, ainsi qu’un round de modification des conventions entre producteur et distributeur.

Un élément nouveau largement impactant est l’obligation d’affichage sur les documents pré-contractuels à destination du client, du montant de commissionnement que va toucher l’intermédiaire. Autant déjà anticiper les remarques que les adhérents ne manqueront pas de faire aux commerciaux…

Le sous-système d’information du commissionnement se verra, lui aussi impacté. En effet, les données relatives au commissionnement direct (i.e, le commissionnement qui est directement imputable à l’économie du contrat) affichées sur la proposition de contrat, devront être cohérentes avec celles issues du sous-système de commissionnement, soit « quelques jours » d’étude et de recette en perspective.

Enfin, il est fort probable que chacun se régalera à récupérer les propositions commerciales de ses concurrents afin d’y relever les règles de commissionnement.

Vers une formalisation du conseil de plus en plus exigeante

conseilEn amont de la contractualisation, la DDA vient renforcer la standardisation de l’information précontractuelle en obligeant le distributeur de produits d’assurance à transmettre au client toutes les informations objectives sur le produit, afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.

L’information pré-contractuelle prendra la forme d’un document d’information normalisé afin de présenter le produit d’assurance sans avoir l’objectif de le comparer avec d’autres produits. Au contraire la DDA précise que ce document devra être simple et compréhensible, succinct, autonome, et écrit sans langage technique inutile.

Pour illustrer le niveau de langage admissible, l’adhérent, sans avoir une culture financière poussée (par exemple, au moyen de la lecture quotidienne des Echos de l’économie ou de la tribune), est censé connaître toute expression française qui ne serait :

– ni spécifique à l’assurance (exemple : subrogation, apérition, …),
– ni employée que par les juristes entre eux (exemples : forclusion, immixtion, … )
– ni expliquée dans des dictionnaires spécialisés, comme le Vernimmen pour la finance

Lors de la contractualisation, le principal défi pour les assureurs va être le passage d’un conseil oral orienté vers la vente d’un produit disponible dans la gamme, vers un conseil personnalisé et formalisé, preuve à l’appui.

Plus que de la formation académique, il s’agit d’un véritable changement de posture. Quel est le secteur d’activité qui a déjà vécu une telle transformation ?

Le courtier qui travaille avec un nombre très limité de producteurs devra mesurer au cas par cas sa capacité à « …fonder ses conseils sur l’analyse d’un nombre suffisant de contrats d’assurance offerts sur le marché… », des nouveaux partenariats seront à mettre en place ou par défaut des renoncements.

Tout intermédiaire va chercher à développer de nouveaux moyens permettant à la fois d’être sûr de la pertinence du conseil et de sa formalisation, tout en minimisant le coût de celui-ci. Les assistants à la vente vont se développer, la convergence vers le full digital va s’accélérer.

La question du recueil du besoin du client et de la formalisation du conseil adapté, en cas de vente en ligne, va appeler à une refonte, même partielle, d’un certain nombre d’OAV (outil d’aide à la vente). Des listes de choix telles que « un peu/modérément/beaucoup » associées aux questions telles que la consommation de soins, vont devoir faire place à des questions plus précises et plus nombreuses telles que « avez-vous un inlay ? onlay ? implant ? plusieurs ? » « À quelle fréquence précise allez-vous chez le dentiste ? »

Un autre point pas encore arrêté de manière définitive dans les textes est celui de la facturation éventuelle et séparée de la dispensation du conseil. Si ce sujet se confirme, les impacts porteront sur les documents précontractuels, sur le SI, mais aussi sur les schémas comptables.

L’obligation de formation enrichie par la DDA

On serait presque déçus par la mesure consistant à ne rendre obligatoire qu’un quota de 15 h de formation par an pour « le personnel des entreprises d’assurance » ; cette dernière notion restant néanmoins à préciser, car il serait intéressant de faire porter les efforts auprès des autres acteurs en contact avec la clientèle (gestionnaires, hot liner…).

Même si certains grands acteurs du secteur de l’assurance semblent remplir d’ores et déjà cette obligation (pour leurs commerciaux tout au moins), c’est loin d’être le cas pour d’autres structures de plus petites tailles ainsi que chez certains intermédiaires (courtiers, agents généraux, etc) qui auront des efforts non négligeables à fournir sur ce sujet.

Au-delà du fait de planifier ce quota horaire de formation, un autre enjeu de taille sera d’être en capacité de suivre l’avancement de cette formation continue pour chaque personne : à ce jour en effet, une grande partie des acteurs du secteur ne semblent pas être en capacité de se prononcer sur leur conformité ou non à la nouvelle législation.

Conclusion générale

Les impacts de la DDA sont nombreux et nous commençons tout juste à en percevoir l’exhaustivité. Mes systèmes de gouvernance et de contrôle interne sont-ils adaptés à ces nouvelles exigences ? Quelles seront les conséquences sur mes conventions de partenariats ? Mes schémas de rémunération seront-ils conformes ? Quelle segmentation de clientèle dois-je adopter pour ma gamme de produit ? etc. Tous les assureurs doivent d’ores et déjà se poser ces questions pour anticiper les évolutions et éviter les situations de non-conformité.

Les sous-systèmes d’information gérant les commissionnements devront gagner en flexibilité, tout comme les produits. Les assistants à la vente et les OAV devront gagner en finesse afin de s’adapter au besoin réel du client et générer la formalisation du conseil adapté.

Au-delà, c’est un véritable changement de posture auquel nous sommes en train d’assister. Il s’agit de passer d’un conseil facultatif doté de fondements pouvant être remis en cause, à une obligation de conseil formalisé et engageant la responsabilité du distributeur. Ne sommes-nous pas ici devant l’expression d’une montée en gamme dans le métier ? Ou bien tout simplement une convergence des pratiques commerciales des assureurs vers celui des banquiers ?

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016L0097&from=FR

http://www.fsma.be/~/media/Files/fsmafiles/press/div/fr/2016-08-26_eiopa.ashx?la=fr