Le transport maritime : une activité historique des assureurs exposée à de nouveaux risques
Écotaxe des poids-lourds en Île-de-France, inquiétude d’Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS) sur la sécurité des transports maritimes, ou encore première édition du livre blanc sur la cyber-sécurité, publié par cinq associations d’armateurs, en collaboration avec l’association internationale des assureurs maritimes (IUMI), l’actualité de l’assurance transports est riche. L’occasion d’un passage en revue de son rôle historique et d’un aperçu des problématiques actuelles et futures du transport maritime.
L’assurance des transports : un besoin historique et indispensable pour la sécurité économique du commerce international
Historiquement, l’assurance connait ses premières heures de gloire avec le « prêt à la grosse aventure« , première forme d’assurance maritime qui promettait le remboursement du prêt si les marchandises arrivaient à bon port. L’assurance maritime a ainsi été longtemps la seule forme d’assurance connue du fait de l’importance de la mer dans les échanges commerciaux internationaux d’envergure.
Aujourd’hui, l’assurance transport doit procurer aux professionnels du transport (armateurs, transports aériens, chantiers de construction, industriels, commerçants etc.) une protection efficace contre les risques de perte ou d’avaries de leurs moyens de transport
(navires, aéronefs) et de leurs marchandises. Cette sécurité est d’autant plus stratégique que les sommes engagés dans ces activités sont souvent considérables.
Dans ce contexte, l’assurance maritime occupe toujours une place très importante dans l’assurance des marchandises transportées et cela pour au moins deux raisons :
- La voie maritime est le mode de transport favori des acteurs du commerce international avec 80% des marchandises qui transitent par cette voie;
- Les règles et principes de l’assurance maritime régissent l’ensemble du transport assuré, dès lors qu’il y a trajet maritime, même si une partie du voyage assuré est effectuée par un autre mode de transport, aérien, terrestre ou fluvial. Cela est en partie due au fait que l’assurance des nouveaux moyens de transport s’inspire largement des règles et pratiques consolidés depuis le XIVe siècle dans le domaine maritime.
Ce faisant, les conséquences financières assurées résultant d’événements survenus au cours du transport sont généralement réparties comme suit :
- Destruction partielle ou totale des biens de l’assuré ;
- Dommages causés à des tiers dont l’assuré est juridiquement responsable ;
- Pertes et avaries causées aux marchandises transportées vis-à-vis desquelles la responsabilité du transporteur peut être légalement ou contractuellement engagée.
Le marché de l’assurance maritime et transports justifie donc d’une longue pratique – notamment en France – qui explique sa place et son rôle parmi l’économie mondial. Cependant, des freins existent qui peuvent venir, sur les prochaines années, fragiliser les assureurs et leurs clients au cœur même de leurs modèles économiques.
Des pertes stables, mais une pression sur les coûts liée à un environnement économique incertain
Le rapport d’AGCS sur le transport maritime en 2015 nous éclaire en effet sur quelques points majeurs de la sinistralité en mer, et notamment que :
- Pour l’année 2015, le nombre de pertes est resté relativement stable par rapport à l’année précédente (88 pertes enregistrées) ce qui en fait l’année la plus sûre du transport maritime depuis 10 ans. Sur une échelle de temps plus longue, les pertes maritimes globales ont diminué de 45% depuis 2006 en raison d’un environnement très sûr et grâce à l’autorégulation, même si des disparités par région et par type de navire demeurent ;
- Concernant les accidents, on recense en 2015 2867 accidents de transport maritime dans le monde (sinistres incluant les pertes totales), soit 4% de moins que l’an dernier.
Néanmoins, outre la diminution des accidents et pertes enregistrés, la faiblesse persistante de l’économie et des conditions de marché d’une part et la baisse des cours des matières premières d’autre part exercent une pression sur les coûts et remettent la sécurité des transports en cause.
En effet, la pression des coûts peut impacter l’investissement pour l’entretien des navires mais également les conditions de travail de l’équipage, la sécurité des navires de passagers et les capacités de sauvetage. En outre, le niveau de formation s’avère insuffisant dans certains secteurs, tels que la navigation électronique, qui seront pourtant porteurs de transformations rapides – et de nouveaux risques – dans les prochaines années.
Cyber-risques et cyber-pirates
Surtout, la dépendance du transport maritime vis-à-vis des technologies interconnectées engendre aussi des risques. En effet, le secteur maritime est dorénavant totalement dépendant de ce qu’on appelle la « marétique », soit l’ensemble des systèmes d’information et de traitement des données relatifs aux activités maritimes et portuaires. Navigation, propulsion des bateaux, contrôle du trafic en mer… toutes ces activités sont maintenant largement automatisées et portées par des SI mais n’intègre que très rarement les problématiques de cybersécurité. De plus cette exposition aux cyber-risques évolue au-delà de la perte de données, et peut se matérialiser par le vol de cargaisons entières.
C’est pourquoi, l’évolution rapide des progrès technologiques, que représentent notamment l’Internet des objets et la navigation électronique, laisseront probablement peu de temps aux acteurs du secteur pour se préparer au risque de pertes de marchandise et de navire.
L’assurance des transports maritimes est un pilier historique et vital pour l’économie internationale. Toutefois, si, ces dernières décennies, la pacification des océans a permis au transport maritime de devenir un acteur majeur de la mondialisation, l’ère du numérique expose ce secteur à de nouvelles menaces. C’est pourquoi, les assureurs devront probablement investir massivement ces prochaines années – en capital et en solutions nouvelles – s’ils veulent garder le cap.