Gouvernance & Big Data : mission impossible ?
On nous dit souvent d’un projet Big Data réussi est un projet qui allie Volume, Variété et Vélocité des données. Bien que cela soit vrai, un dernier « V » tout aussi vital reste à vérifier : la Véracité de la donnée, ou plus globalement la gouvernance des données.
Une technologie aux besoins spécifiques et non-maîtrisés…
Contrairement aux dispositifs de gouvernance des SI « classiques », la gouvernance des données Big Data s’avère relativement plus complexe. La structure des données Big Data et la diversité des sources (internes et externes) est l’une des premières raisons de cette complexité, car si les entreprises amorcent progressivement des travaux sur les données structurées, elles manquent encore de recul et d’expertise pour mettre en place un dispositif de gouvernance adapté aux données non-structurées. Ceci s’explique principalement par la variété des formats de ce type de données (mails, tweets, documents, vidéos, audio, etc.) et le fait qu’elles ne soient pas liées à un système d’information, mais plutôt des données issues de sources externes.
Le développement rapide et souvent non maitrisé des données de type Big Data pose à son tour un autre défi au système de gouvernance, qui doit alors d’adapter au rythme de croissance des données. Les données non structurées seraient à l’origine de ces préoccupations, avec un taux de croissance de 60% par an.
Enfin, l’insuffisance des compétences analytiques requises pour les données Big Data limiterait les champs de possibilité en matière de gouvernance. En effet, selon une étude réalisée par Mckinsey, seules 18% des entreprises estiment disposer des compétences nécessaires pour exploiter efficacement les données Big Data.
… mais génératrice de grande valeur pour les assureurs
Face à ces défis, la mise en place d’un dispositif de gouvernance adapté s’avère nécessaire. Mais avant de se lancer dans ces travaux, il est important de préciser que l’approche stratégique du Big Data conditionnera en grande partie le déroulement voire le succès du dispositif de gouvernance. En effet, une stratégie partant des données pour ensuite décider des usages associés demandera un effort conséquent puisqu’elle se voudra exhaustive. En revanche, une stratégie tirée par le besoin de l’organisation et la valeur attendue des données Big Data permettra de concentrer les efforts sur les enjeux prioritaires. Cette deuxième approche est d’autant plus intéressante qu’elle permet de fixer le niveau acceptable de la politique de gouvernance du Big Data. Ainsi, plus l’enjeu est important et le risque est grand, plus celle-ci sera fermement établie et inversement. Prenons l’exemple d’une compagnie d’assurance qui veut mettre en place un système de tarification personnalisée en exploitant des données Big Data (données internes, déclarations du client, contenus publiés par le client sur les réseaux sociaux, etc.).
Pour la compagnie d’assurance, deux principaux enjeux se cachent derrière cette démarche :
- Enjeu de performance, ici commerciale : une erreur dans l’estimation des tarifs peut signifier un manque à gagner pour l’entreprise
- Enjeu de rentabilité : une erreur dans l’appréciation du profil risque du client peut générer des coûts liés à une indemnisation élevée
- Enjeu réglementaire : la tarification personnalisée exige l’accès à des informations nominatives du client, dont certaines pourraient être sensibles voire confidentielles. Il convient donc à l’assureur de s’aligner sur les dispositions légales applicables en matière de protection des données clients
Les règles de gouvernance applicables dans ce cas de figure devront donc assurer un niveau élevé de fiabilité des données, notamment celles d’origines externes ou non structurées.
Prenons maintenant l’exemple d’un assureur qui souhaite affiner la segmentation de ses clients via le Big Data, l’objectif étant de définir un ciblage plus pertinent et donc une stratégie marketing plus adaptée. L’enjeu est donc essentiellement commercial. De plus, il ne s’agit pas de descendre au niveau de l’individu mais d’agréger des données afin d’avoir une image globale de la base client, ce qui limite le risque réglementaire. Par conséquent, les règles de gouvernance à mettre en place devront assurer la « cohérence » globale des données sans pour autant garantir une fiabilité sans faille du processus de collecte et d’analyse.
Aujourd’hui, force est de constater que les organisations enclenchent doucement leur marche vers l’univers Big Data. En effet, seules 18% des entreprises françaises auraient un plan d’action concernant cette technologie en cours de déploiement et le secteur de l’assurance n’apparait pas dans les premiers rangs. Pour y parvenir, il sera nécessaire de mettre en place un dispositif de gouvernance en phase avec la stratégie de l’assureur et son environnement.