L’accroissement du nombre d’évènements liés au terrorisme international depuis le 11 septembre 2001 a remis le concept de risques géopolitiques sur le devant de la scène. Preuve en est que le 4° baromètre des risques 2015 proposé par Allianz place le défi des risques géopolitiques en 9° place de son classement prenant ainsi 11 places par rapport au baromètre précèdent. Qu’est-ce que le risque géopolitique et comment est-il appréhendé par le monde de l’assurance? Quelles sont les alternatives possibles à l’assurabilité de ces risques? Voilà autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cet article.
La notion de risque géopolitique et sa prévisibilité
Le risque géopolitique peut être défini comme « l’ensemble des évènements ou décisions d’ordre politique ou administratif, nationales ou internationales pouvant entraîner des pertes économiques, commerciales ou financières pour l’entreprise, importatrice ou exportatrice, ou investissant à l’étranger. »
La notion de risque politique est un des critères d’analyse le plus difficile à évaluer en matière d’assurance. En effet, ce n’est pas tant le risque en lui-même qui est difficile à appréhender mais son fait générateur. Pour la Coface, « la notion de fait générateur permet d’identifier clairement l’origine d’un sinistre puisque les garanties qui couvrent le risque politique ne portent pas sur la survenance de faits politiques mais sur les conséquences qui en résultent ». Ainsi, parmi les faits générateurs pouvant entrer dans la définition du risque géopolitique, nous pouvons citer la guerre avec une puissance étrangère, la confiscation, le non-paiement ou encore le risque juridictionnel ou les embargos.
Selon Francis Van Den Heste, «les risques politiques correspondent désormais à l’une des préoccupations grandissantes des risks managers français. Traditionnellement on pense aux dangers inhérents aux investissements étrangers comme la confiscation ou l’expropriation ou encore le risque de crédit». Selon lui, il faut désormais prendre également en compte les dommages et pertes liés au transport notamment via des garanties de risques de guerre, aux biens car le terrorisme est un risque géopolitique aux personnes.
Une adaptation nécessaire du monde de l’assurance
Le monde de l’assurance a dû s’adapter car tous les risques couverts traditionnellement prennent une dimension imprévisible voir même intentionnelle. Selon Denis Kessler, il y a deux risques que l’assureur ne sait pas couvrir : les sinistres à caractère intentionnel et ceux qui n’ont pas de limites connues….deux caractéristiques que présente le risque de terrorisme par exemple!
Comment le monde de l’assurance doit-il et peut-il s’adapter à ces nouveaux risques ?
En effet, l’une des principales conditions pour l’existence d’un marché d’assurance est une réelle sécurité juridique, or, les conditions géopolitiques sont longtemps apparues comme ayant un impact très limité sur les grands enjeux du secteur de l’assurance.
En 2002, l’administration Bush met en place une législation introduisant une participation de l’État fédéral sous la forme d’une réassurance plafonnée afin de rendre ce risque de nouveau assurable. Selon Edmond Alphandéry, cette législation ouvre le débat entre les partisans du « laisser-faire », pour qui il convient de ne pas interférer dans le marché de l’assurance et de la réassurance et ceux, qui estiment a contrario que l’intervention de l’État est inévitable pour ce type de risque.
Ainsi, la couverture des risques géopolitiques par le mécanisme de l’assurance, implique nécessairement l’évaluation des conséquences que peuvent avoir des décisions ou des évènements d’ordre politique. Ces évènements pouvant engendrer des pertes économiques, financières ou encore commerciales pour une entreprise titulaire de contrats d’exportation, d’importation ou pour une entreprise possédant des actifs à l’étranger ou encore pour une banque finançant des opérations à l’étranger. Mais cette prise en compte ne peut se faire qu’avec l’appui et l’intervention des États qui seuls sont à même d’appréhender et d’anticiper les risques géopolitiques.
La Coface et l’assurabilité des risques géopolitiques
En France, l’intervention de la Coface dans l’assurance de crédit export est un exemple frappant de jumelage entre le monde privé de l’assurance et le monde public étatique dans l’appréhension des risques internationaux.
La Coface gère notamment pour le compte et avec la garantie de l’État français, les garanties publiques destinées à encourager et soutenir le développement international des entreprises françaises.
La Coface entend répondre au mieux à la multiplicité des risques encourus par l’exportateur durant les différentes phases du déroulement du contrat d’exportation, ou encore par les banques qui mettent en place les schémas de financement ou de refinancement. La Coface propose de garantir les risques durant la période d’exécution du contrat commercial et/ou le risque d’interruption du remboursement du crédit.
Le souscripteur peut choisir de faire garantir les faits générateurs de sinistre politique ou les faits générateurs de sinistre commercial uniquement ou les deux types de faits générateurs de sinistres. Selon l’option retenue, les garanties de la Coface couvriront les risques d’interruption du contrat et/ou de non-paiement des créances détenues sur des débiteurs étrangers.
Mais est-ce suffisant ? Selon Cyrille Charbonnel, Directeur France de la Coface, l’assurance-crédit des TPE/PME connaît deux freins majeurs. Selon lui, « dans ce type d’entreprise, le dirigeant est un homme-orchestre qui fait tout, et s’assurer n’est pas sa première préoccupation ». On comprend ainsi que les risques géopolitiques sont assurables mais ne se développent que dans les grandes structures et pour des contrats dont les montants sont très élevés. Or selon lui l’assurance est un vrai ballon d’oxygène pour les entreprises souhaitant exporter et se prémunir contre les risques géopolitiques et afférents aux contrats d’exports.
Finalement la notion de risque géopolitique est aujourd’hui protéiforme. Se prémunir contre ces risques divers et imprévisibles, est nécessaire pour la survie et la compétitivité des entreprises. Les État participent de plus en plus à la protection de leurs entreprises en leur proposant notamment des garanties via des compagnies d’assurances privées, semi publiques ou publiques comme c’est le cas des États-Unis.
Certains considèrent qu’il s’agit ici de protectionnisme d’autre d’un passage obligé à l’appréhension des risques géopolitiques et à la protection de l’économie mondiale. Cependant, même si les États participent à l’assurabilité de ces risques, le marché reste ouvert aux sociétés d’assurance purement privées et celles-ci n’hésitent pas à s’engouffrer dans l’assurance de ce type de risques. On voit désormais surgir des contrats protégeant contre les risques liés à un acte terroriste ou encore à la confiscation d’actifs par des gouvernements étrangers. Certains vont même jusqu’à protéger contre le risque de sanctions financières.
Ainsi les risques géopolitiques sont non seulement assurables mais ces assurances deviennent de plus en plus répandues. La prochaine étape pourrait être une démocratisation de cette pratique à des structures plus petites pour lesquelles la survenance d’un de ces risques pose la question de leur survie.