Les réseaux sociaux : mine d’or ou course à fonds perdus pour les assureurs ?
Selon l’institut de recherche Forester, les investissements médias des entreprises européennes sur les réseaux sociaux représentaient 2,6 milliards d’euros en 2014 et devraient croître de 10,5% annuels sur les quatre années à venir. Cette activité effrénée touche tous les secteurs économiques et notamment les assureurs comme l’attestent les grandes campagnes lancées sur ces réseaux. Que viennent y chercher les assureurs ? Quelles sont les limites de ces opérations ?
Facebook, Twitter, Linkedlin : un terrain de jeu nouveau mais à la concurrence déjà féroce
Depuis la création de Facebook en 2004, les réseaux sociaux sont présentés comme le nouvel El Dorado des grandes marques à l’échelle planétaire. Il est aujourd’hui possible, pour une entreprise, d’entrer directement en contact avec sa communauté (ses clients, les consommateurs) à travers le monde pour un coût minime. De plus, les communications ascendantes (du consommateur vers la marque) et entre consommateurs sont désormais possibles. Ce potentiel, tous les secteurs économiques l’ont très vite compris et de grands projets de transformations ont eu lieu.
Ainsi dans le secteur de l’assurance, Axa fait figure de leader. Après avoir signé un partenariat avec le réseau de Mark Zuckerberg, le géant de l’assureur européen a, en juin 2014, fait de LinkedIn l’un de ses relais de croissance, que ce soit dans l’augmentation de sa clientèle ou dans l’attraction de nouveaux talents.
Néanmoins les activités sur les réseaux sociaux sont déjà très concurrentielles et peuvent, par conséquence, être l’occasion d’échec. Le comparateur Mister Assur ou le Caisse d’Épargne ont ainsi pu mesurer les conséquences d’une communication non maîtrisée. D’autres acteurs ont décidé d’aller plus loin, notamment en lançant leur propre réseau. Fédérer une communauté, asseoir une éventuelle nature mutualiste, rendre service aux assurés : les avantages paraissaient nombreux. Néanmoins la réalité a été dure pour ces projets. Il est ainsi possible d’évoquer l’initiative nommée « rézo+ » lancée en 2010 par la Mutuelle d’assurances du corps de santé français (MACSF). Ce réseau, pensé comme une plateforme d’échange entre étudiants en médecine, devait permettre de rapprocher les professionnels (en devenir) de la médecine, mais aussi développer l’image de la mutuelle auprès de ces futurs clients. Malheureusement l’expérimentation n’a pas rencontré son public et le site est désormais fermé.
Une bataille aux multiples enjeux pour les assureurs
Si les risques de dérapages sont si nombreux, comment expliquer la perséverance dont font preuve les assureurs pour être bien positionnées sur ces réseaux ?
Le premier enjeu d’une présence sur les réseaux sociaux est évidement de notoriété. À l’époque du marketing 360°, un canal délaissé par une entreprise est une porte ouverte à ses concurrents. Ainsi il est primordial pour un assureur d’être présent sur les principaux réseaux sociaux (Facebook et Twitter notamment en France) afin de pouvoir communiquer, savoir ce qu’il se dit à son propos et ainsi réagir.
Les réseaux sociaux sont aussi des canaux pertinents pour gérer la relation client. Ainsi Malakoff Mederic a développé une chaîne You Tube dont l’objectif est de communiquer sur ses produits, ainsi que sur la réglementation. Ces informations, produites sous format vidéo permet de mieux répondre aux attentes des consommateurs, notamment en termes d’accès mobile et de lisibilité.
Enfin, l’enjeu principal réside dans la connaissance collectée sur les assurés et prospects.
Les réseaux sociaux, mine de données client et de développement commercial
Avoir une présence sur les réseaux sociaux, c’est l’occasion, pour les assureurs, d’être au plus près de leurs clients et prospects. Tout en respectant les conditions d’utilisation du site et la législation en vigueur, il est possible de mesurer les intérêts de sa communauté, de tester sa réaction à de nouvelles offres, etc.
Axa, dans son projet de numérisation de son activité, a ainsi incité tous ses agents à avoir leurs propres pages sur Facebook. Ils entrent alors en contact directement avec leurs clients et sont plus à même de les accompagner grâce à une détection plus aisée des grandes étapes de leur vie (naissance, projet d’achat de maison, de voiture, etc.). Ce projet a conduit à une augmentation de 10 à 20% du chiffre d’affaires des 600 premiers agents présents sur le réseau social.
Plus encore, c’est la reconnaissance des réseaux sociaux comme un canal de communication à part entière – au même titre que le téléphone – qui permet de servir la relation client. Grâce à la mise en place d’un parcours client omni-canal, il est alors possible de capter et de répondre à toutes les sollicitations du client et surtout d’en apprendre plus sur lui. Cette connaissance permet alors de rendre encore plus fiables les modèle de prédictions de l’entreprise, mais aussi de proposer des offres de plus en plus personnalisées et génératrices de valeurs.
Des freins et limites divers et nombreux
La présence des assureurs sur les réseaux sociaux est donc indispensable et génératrice de valeur. Néanmoins elle est aussi accompagnée de freins et comprend des limites.
Le premier élément à trancher est ainsi le positionnement de chaque réseau social dans la stratégie de communication de l’assureur : discussion et communication décontractées comme Cerise de Groupama ou conseil précis et sérieux comme les experts de Malakoff Médéric ? Plus celle-ci sera claire et plus facile sera la gestion des échanges. L’animation de cet espace doit également être réalisée par des professionnels. Au vue de l’explosivité de ces réseaux, un bad buzz est toujours à portée de clic.
L’exploitation des données personnelles, quant à elle, impose un respect strict des contraintes réglementaires, notamment celle du CNIL, mais également de l’éthique, dans la mesure où le respect de la vie privée est un sujet très sensible auprès internautes. De plus l’utilisation de ces données pour personnaliser les offres remet en cause le principe même de mutualisation des risques qui est à la base de l’assurance, comme le souligne Jacques RICHIER, PDG d’Allianz France.
La prise de pouvoir des espaces d’échanges à distance en direct (téléphone, chat, réseaux sociaux) pose également la question du business model associé au réseau d’agence physique. Cette limite est néanmoins à nuancer par une étude récente qui montre que les français continuent à plébisciter le contact humain en présentiel, notamment pour faire face à la complexité apparente des produits d’assurance.
En conséquence, la présence sur les réseaux sociaux, couplée à un environnement marqué par la digitalisation des activités, le développement du Big Data et l’approfondissement de la connaissance client, impose aux assureurs d’innover, voir même de repenser leurs business models. Ces tendances n’appellent cependant pas à la mort de l’assurance, mais peut-être plus à une concentration accrue sur les activités de prévention, de conseil et d’accompagnement.