L’innovation, une affaire d’assurance
Le temps est révolu où les acteurs de la profession étaient simples suiveurs ou passifs face aux innovations du monde bancaire. Dans un contexte de crise et d’évolutions réglementaires peu favorables, les compagnies d’assurance s’organisent pour oser, innover et se différencier. Les entités dédiées à l’innovation se multiplient, à l’instar de l’Axa Lab créé fin 2013 ou du Cardif Lab en 2014, prêtes à relever le défi de la course aux produits et services innovants. Cette tendance émergente dans le milieu de l’assurance invite à se reposer la question des bonnes pratiques de la mise en place d’une démarche d’innovation et au-delà, des facteurs clés de succès pour l’inscrire dans la durée.
Un prérequis : identifier son terrain de jeu
Avant toute chose, esquissons brièvement les fondamentaux d’une démarche d’innovation en entreprise.
La démarche type se compose de quatre étapes…
- L’inspiration, pour collecter de la matière brute, à ce stade sans concept ni but précis
- L’idéation, pour identifier et structurer des idées ou concepts via des brainstorming ou boîtes à idées
- L’implémentation, pour tester l’idée à travers des POC (proof of concept ou démonstration de faisabilité), pilotes ou encore prototypes
- La valorisation, pour tirer les enseignements des tests et communiquer sur les résultats
…pouvant se décliner, indépendamment du public (interne ou externe) visé par l’innovation, selon deux modes :
- Le mode participatif, restreint aux collaborateurs internes
- Le mode ouvert, élargi aux clients et partenaires de l’entreprise
Premier constat, opter pour de l’innovation purement participative s’avèrerait être un facteur limitant, dans la mesure où les assureurs visent la mise sur le marché de nouveaux services ou produits. En particulier, impliquer clients et fournisseurs durant l’étape d’idéation améliore la pertinence des services ou produits imaginés. De même, les retours des clients pendant la phase d’implémentation facilitent la valorisation de chaque service ou produit innovant et l’arbitrage sur une éventuelle industrialisation.
Deuxième constat, pour les projets dotés d’une dimension technologique, l’équipe innovation se positionne en éclaireur de la Direction des systèmes d’information (DSI). L’innovation se situe en effet en amont d’une industrialisation que porterait la DSI. Pour poser le cadre propice à l’accueil de la démarche, il s’avère indispensable de délimiter le périmètre de l’équipe innovation et d’identifier les synergies avec la DSI à toutes les étapes.
Les bonnes pratiques pour effectuer ses premiers pas en innovation
Une fois le terrain de jeu identifié, il convient de positionner trois piliers pour initier la démarche : un processus inspiré des pratiques agiles, des personnes dédiées soutenues par un sponsor, une ambition forte.
Les comités d’arbitrage et les critères de réussite ou d’abandon d’un projet doivent être décrits, et plus globalement, les méthodes et le processus d’innovation doivent exister en propre au sein de l’entreprise. À titre d’exemple pour un projet technologique, s’inspirer des méthodologies de développement agiles durant le prototypage – loin des cycles projets traditionnels des DSI – favorise souplesse et réactivité dans la déclinaison opérationnelle du processus. Autre illustration pour l’idéation, replacer les ateliers de créativité dans le cadre spécifique de l’innovation permettra de mettre les participants sur le même plan, gommer les différences hiérarchiques et assurer davantage de spontanéité.
Un acteur essentiel du processus est le sponsor, à identifier au niveau de la direction, dont le rôle sera d’insuffler l’élan et de relayer l’alignement de la démarche d’innovation à la stratégie d’entreprise. Les acteurs opérationnels du processus sont à recruter parmi les employés sensibles à l’innovation. Ils doivent être dédiés à l’innovation, faute de quoi le management de l’innovation risque d’être relégué au second plan derrière les priorités quotidiennes.
L’enjeu sur le plan RH est ainsi de constituer un noyau dur de profils touche-à-tout et volontaires. L’équipe veillera ainsi à démarrer humblement tout en affichant une ambition forte. Elle gagnera en légitimité en valorisant les projets menés, la valorisation étant par ailleurs un bon vecteur de recrutement pour l’équipe innovation. En outre, concrétiser une telle ambition implique de s’affranchir des contraintes du système d’information existant, et ce tout au long du processus d’innovation. En effet, brider les propositions en phase amont les empêcherait d’atteindre l’étape de prototypage. Cela pourrait tuer dans l’œuf de bonnes idées qui réussiraient le test.
Les facteurs clés de succès pour assurer la pérennité de la démarche d’innovation
Pour transformer l’essai et éviter que la démarche ne s’essouffle, deux points clés sont à garder en tête : autonomie budgétaire et communication régulière.
L’allocation de moyens dédiés à l’entité innovation est essentielle. Nous l’avons évoqué plus haut sur le plan RH, cela s’applique également sur le plan financier : l’innovation doit disposer d’un budget alloué à ses projets d’implémentation. De surcroît, elle doit avoir toute latitude pour répartir son budget dédié aux projets, pour au moins deux raisons visant à préserver le côté innovant des projets. D’une part, parce que les décisions d’affectation sont prises au fil de l’eau : l’innovation ne se planifie pas. D’autre part, parce que cela assure l’allocation du budget aux projets les plus innovants, l’équipe innovation étant neutre vis-à-vis des différents acteurs de l’entreprise.
Cette autonomie de gestion ne dispense pas l’innovation de communiquer sur ses travaux. Bien au contraire, il s’agit pour l’innovation de maintenir un niveau de participation adéquat (ne pas se faire oublier) et de varier les participations (ne pas tomber dans la routine). La communication en toute transparence sur les suites données aux idées exprimées permettra de garder la motivation haute. L’enjeu est également de susciter l’intérêt chez les personnes n’ayant jamais participé : montrer les problèmes concrets résolus via la démarche d’innovation peut les encourager à contribuer aux phases d’idéation. La valorisation joue le rôle de recruteur et moteur pour l’idéation. Au-delà, l’équipe innovation aura soin d’être régulière dans sa collecte et de varier les méthodes utilisées (canaux, animation, …) : une alliance indispensable pour réussir l’idéation dans la durée.
En complément de cette approche conceptuelle de l’innovation, découvrez-en une perspective concrète dans l’assurance via un retour sur les derniers Trophées de l’assurance.