Maturité des acteurs bancaires et assurantiels sur l’usage des données pour la personnalisation des expériences
En septembre 2022, Qorus, en partenariat avec Wavestone recevait sur son plateau , Frédéric Hoehn, Directeur Commercial du Crédit Agricole Alpes Provence ; Nofel Goulli, Directeur Général délégué Métier Assurances de Personnes au sein des Assurances du Groupe BPCE ; et Julien Moez, Responsable Groupe Data Innovation et Intelligence Artificielle de la Société Générale, sur le thème de la « Maturité des acteurs bancaires et assurantiels sur l’usage des données pour la personnalisation des expériences »
Le webinar présente les résultats d’une étude menée au préalable : un questionnaire quantitatif fut diffusé au printemps 2022 aux différents acteurs financiers du monde, et pour lequel une centaine de réponses ont été recueillies. Cette conférence en ligne est non sans rappeler le besoin d’accentuer la personnalisation client, une demande en perpétuelle croissance. A cet égard, 90% des clients déclarent dépenser plus auprès d’une enseigne qui propose une expérience personnalisée et le taux d’engagement bondit de 14% sur la période 2021-2022. Les secteurs financiers ont par ce biais suivi la même directive. Les banques ont notamment fait progresser leur NPS de 5 à 12 sur cette même période. Toutefois, une interrogation demeure au sujet du degré de maturité des entreprises de ce secteur.
La data, un outil aux multiples enjeux pour les acteurs bancaires et assurantiels
L’étude confirme l’actualité, puisque 85% des banques & assurances considèrent l’engagement client et prospect. Effectivement la personnalisation de l’expérience client vient renforcer cette dimension car elle est l’une de leurs cinq priorités stratégiques. De même, 80% des acteurs indiquent prioriser leurs investissements sur cet enjeu, et 95% du panel interrogé estime que ces investissements vont augmenter à horizon trois ans. L’observation des résultats au niveau des investissement montrent que pour la moitié des banques et assurances, le ROI est rapide (atteint en moins de deux ans) sur les projets de personnalisation client.
La data, élément essentiel d’une personnalisation réussie
L’étude met en corrélation l’atteinte d’un ROI rapide grâce aux données utilisées et l’analyse de celles-ci. En effet, le recourt aux données augmente de 10 points l’atteinte d’un ROI en moins de deux ans. L’analyse de ces données passe par de l’intelligence artificielle et joue un rôle étant donné que 73% des acteurs ayant un ROI rapide utilise cette technologie contre 58% pour ceux qui ne l’utilisent pas.
Pour bien comprendre la maturité du secteur financier, il faut recontextualiser les différents types de données exploitées dans la personnalisation client. Les acteurs de ce secteur ont atteint un niveau de maturité sur les données de type socio-démographiques[1] (elles sont communiquées à 67%). Néanmoins, d’autres types de données restent à enrichir comme celles de type voix du client – préférence client[2] (collectées à hauteur de 57%), et les données comportementales[3] (recueillies à environ 36%) qui ne constituent pas encore la règle.
Aussi, l’étude dévoile que le type de segmentation employé a un impact sur la personnalisation client. Les éléments recueillis pointent 21% des banques et assurances réalisant une personnalisation à l’individu, à contrario, 79% d’entre eux vont continuer de travailler avec une personnalisation par segmentation. Pourtant la personnalisation à la maille la plus fine semble être essentielle car les acteurs la pratiquant, atteignent un ROI rapide. Cette dernière s’apparente à de l’hyperpersonnalisation client.
Le pilotage des données au service de la satisfaction client
La personnalisation axée sur l’individu va porter sur les différents aspects de la relation client comme les messages ou argument délivrés, les canaux d’interaction, les offres & services proposés, ou encore la tarification. De ce point de vue, le secteur financier a encore une belle marge de progression à réaliser puisque seulement 28% des acteurs considèrent avoir un dispositif pleinement omnicanal. Le pilotage de la data exprime clairement l’exigence du consommateur dans sa capacité à être accompagné sur l’ensemble des canaux disponibles. Il en est de même pour le parcours personnalisé en temps réel[4]. Seulement 2/10 des acteurs financiers l’ont mis en place et pourtant 83% d’entre eux atteignent un ROI rapidement.
Sur la question du pilotage, 22% des banques et assurances considèrent leur système comme complètement satisfaisant. Derrière ce chiffre se cachent deux pivots fondamentaux. Le premier agit sur la mise en place d’un réel suivi dédié aux dispositifs de personnalisation, et donc de leur impact business. Le second est lié à l’orientation de ce système de pilotage. Il s’avère que le pilotage au niveau quantitatif[5] reste largement majoritaire pour l’ensemble de nos acteurs, comparé au pilotage orienté sur la valeur[6].
La réussite de ce type de projets repose sur certains éléments clés, autour desquels un consensus semble se dégager parmi les répondants. Le premier élément concerne l’adaptabilité des parcours et fait bien écho à l’importance de la personnalisation à la maille de l’individu, ainsi qu’à la notion de temps réel. Le deuxième élément s’applique à la confiance du client envers la marque, son interlocuteur commercial dans le réseau mais aussi envers le dispositif de protection des données qui est mis en place par la marque. Et le dernier élément implique la notion de compétences et d’engagement des employés. Il vient appuyer l’importance de l’humain au sein du secteur financier et marque la puissance de l’ensemble des réseaux de distribution.
Les concepts de la personnalisation de demain
Un équilibre humain – technologie
Une distinction s’opère au travers de deux typologies de clientèle. D’une part, nous avons les consommateurs confortables avec les usages digitaux. Ils sont en demande d’autonomie perpétuelle et attendent une relation de plus en plus personnalisée. D’autre part, nous avons les consommateurs un peu plus frileux avec ces usages. Ils vont s’appuyer sur la force du réseau commercial et la proximité des acteurs du secteur. Ces clients vont s’assouvir au travers d’une complémentarité du triptyque : digital – agence – plateforme téléphonique ou à distance. Dans ce cas de figure, la personnalisation doit se mettre au service du conseiller et inclure différents process afin de simplifier la gestion des portefeuilles clients (Exemple : fiche de synthèse pour rappeler les éléments essentiels avant un rendez-vous client).
On observe aussi le phénomène de complémentarité des canaux, pour autant il est fondamental de ne pas prôner la technologie. Aujourd’hui la data apparaît comme disponible au sein du secteur mais elle semble limitée dans sa capacité d’exploitation par l’homme. Par conséquent elle restreint l’atteinte d’une relation aussi riche par le biais du digital que par celle d’un entretien en physique. De facto, il n’y a pas encore d’équivalent de l’interaction humaine mais bien des systèmes qui s’en rapprochent et qui améliorent l’expérience client. Somme toute, rien ne remplace l’humain entre empathie et compréhension globale de la relation. Ainsi, il demeure une complémentarité des deux acteurs, humain et technologie.
Par conséquent, une nouvelle dimension à cultiver apparaît autour de la conduite du changement à l’égard des équipes commerciales. Expressément un phénomène s’obverse côté conseiller, celui de la réticence à prendre contact avec son client. Certes, la personnalisation est très appréciée des clients mais elle vient dérouter les habitudes des conseillers. Ces derniers ont eu l’habitude d’agir en leur qualité de répondant aux flux réactifs / entrants. Avec la personnalisation, le conseiller voit son rôle évoluer et tendre vers de la proactivité. Il doit rebondir à la suite d’une analyse qui a été réalisée sur le profil du client, et lui proposer une solution en adéquation avec ses recherches. Les conseillers peuvent alors être désorientés face à cette nouvelle attitude à adopter, et craignent d’être intrusifs dans leur approche client. Il est donc nécessaire de rassurer sur l’utilisation de la technologie en lien avec la relation traditionnelle conseillers – clients.
Les tournants de la personnalisation
On peut naturellement se questionner sur le coût de la personnalisation : est-elle appliquée à chaque client ou réservée à une élite ? La personnalisation permet à la banque d’adresser toutes les typologies de clients, et pas forcément dans un objectif de développer ses ventes ou son PNB. Il n’y a pas d’exclusion à avoir sinon ce serait discriminant. Elle permet de saisir l’ensemble des données clients afin de cerner leurs besoins. Prenons l’exemple de clients qualifiés haut de gamme. Dans les faits, leurs flux bancaires importants peuvent les classer dans la clientèle patrimoniale alors que dans la pratique, leurs comportements peuvent évoquer l’inverse, et les distinguer comme clients fragiles. Le rôle de la personnalisation ne doit pas s’effectuer sur le potentiel client mais bien s’adapter aux comportements et besoins de ces derniers. De plus, la personnalisation devient le nouveau standard de la relation bancaire, légitimement elle doit concerner tous les publics. En revanche, des distinctions peuvent s’opérer en privatisant certains services premiums personnalisés tel que le conseil sur investissement.
On peut aussi s’interroger sur les nouvelles frontières de la data, notamment quelles données exploiter pour aller plus loin dans la relation personnalisée ? Les banques et assurances aspirent à pouvoir exploiter les moments de vie / comportements de leurs clients. Certains moments de vie sont saisis grâce aux produits associés comme le crédit immobilier mais ce n’est pas une généralité. Cette insuffisance s’avère être une ouverture au champ des possibles :
- Récupérer les transactions des autres banques afin d’avoir une vision complète des clients multi bancarisés
- Enrichir les parcours retraites en mettant à disposition du client, des services et des partenaires
- Initier de meilleur taux client en laissant la possibilité aux organismes financiers d’effectuer une analyse transactionnelle de leurs comptes pour tirer des optimisations de leurs dépenses et réaliser des économies
Ce potentiel à exploiter est renforcé par l’appétence des clients qui sont demandeurs de personnalisation et n’hésitent pas à être proactifs sur ce sujet. Assurément, le défi des établissements financiers réside dans le choix de la data à exploiter. Pour cela, ils peuvent faire appel à leurs ressources internes ou externes afin de gagner du temps car ces derniers possèdent des compétences et le temps nécessaire pour développer ces projets clients.
Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez retrouver le livre blanc publié en janvier 2023 en partenariat avec Qorus.
[1] Données types âge / lieu / revenus / devis / contrats / etc.
[2] Données de type canal de contact de prédiction / avis / retour enquête / etc.
[3] Données de type navigation web / géolocalisation / etc.
[4] Personnalisation à chaque étape du parcours en fonction des actions et des réactions de l’utilisateur
[5] Pilotage au niveau quantitatif signifie au nombre de sollicitations / nombre de parcours lancés / etc.
[6] Pilotage orientée sur la valeur correspond à la valeur client, valeur pour la banque, valeur pour l’assurance, etc.