L’assurance à la demande, un modèle pour demain ?
Plages bondées, randonnées escarpées, chutes de ski… avant de partir en vacances, vous vous inquiétez pour votre dernier smartphone ou votre casque audio flambant neuf. Et si vous les assuriez le temps d’une semaine ?
Les assureurs et assurtechs tentent de répondre à ce nouveau besoin ponctuel par des couvertures personnalisables, limitées dans le temps et totalement contrôlables par l’assuré. Ce concept de « micro assurance » appelé assurance à la demande est une tendance forte du secteur.
Un modèle d’assurance émergeant en réponse aux attentes clients et permis par la digitalisation des services financiers
L’assurance à la demande ou le bouleversement des business models
Ce modèle est rendu possible par la digitalisation croissante des services financiers, qui s’accompagne de l’émergence des fintechs et assurtechs. En effet, les business models et les dispositifs de distribution évoluent dans tous les secteurs de l’économie ; l’assurance ne fait pas exception ! Du côté de la demande, ce sont les modes de consommation qui changent, entraînant un besoin d’innover dans les parcours et l’expérience client pour répondre à des enjeux d’attractivité et de fidélisation.
L’exemple phare est la start-up Trov, qui propose depuis 2012 une assurance pour les objets portables référencés par l’application (smartphones, tablettes, montres connectées…). La durée de couverture est totalement contrôlée par l’assuré via des options d’activation et de désactivation. Trov est un distributeur : il n’intervient qu’en front office et laisse la gestion du métier d’assureur aux acteurs historiques comme Axa au Royaume-Uni. Ces partenariats lui permettent de s’implanter rapidement sur de nouveaux marchés et de se concentrer sur l’expérience client et la vente.
La digitalisation et l’évolution des attentes consommateurs à l’origine de ce changement
Les attentes clients en matière d’assurance évoluent et impactent trois facettes de l’offre : la distribution, l’expérience client et le business model.
Les consommateurs recherchent plus de flexibilité et de liberté afin de mieux maîtriser leur consommation. Le rapport à la propriété change notamment chez les jeunes générations et les clients connectés qui privilégient désormais l’usage et la possibilité de se rétracter à tout moment. Ce refus des contraintes explique la multiplication des offres sans engagement et l’uberisation de certaines industries avec les success stories que l’on connait : Uber, Netflix, Spotify… L’assurance à la demande s’inscrit dans cette logique en donnant à l’assuré le contrôle sur sa couverture et ses dépenses.
En outre, les clients assurés sont aussi consommateurs de transport, de commerce en ligne, ils sont utilisateurs de réseaux sociaux, etc. Parmi ces services, les meilleurs en termes d’expérience client fixent les nouveaux standards, comme la facilité d’utilisation, la fluidité et la disponibilité via l’omnicanal. Les acteurs de l’assurance à la demande répondent donc à ces exigences de simplification et d’instantanéité en offrant une assurance en quelques clics, via des applications ergonomiques, à l’instar de Leocare.
Enfin, ce nouveau modèle assurantiel résulte d’une évolution des modes de consommation vers plus de volatilité et la recherche d’hyper-personnalisation. Le secteur de l’assurance, qui reposait depuis de nombreuses années sur le même modèle, connait lui aussi la nécessité d’évoluer. En effet, selon une étude Opinion Way 2019 « Les Français et l’assurance de demain », la moitié des français seraient insatisfaits de leur couverture contre les risques du quotidien ou de leur protection numérique. Ils recherchent une couverture plus efficace sur des besoins ponctuels ou liés aux nouvelles mobilités. En réaction à cela, 65% d’entre eux seraient enclins à utiliser de l’assurance à la demande, démontrant ainsi une attente forte du marché.
Quel avenir pour ces nouveaux acteurs ?
Nous n’en sommes qu’aux prémices de l’assurance à la demande : de nombreuses initiatives voient le jour autour du globe, via différentes assurtechs proposant des solutions sur des segments précis du marché, ou répondant à des besoins spécifiques.
Peu d’acteurs historiques ont développé une offre à la demande. Leurs premières initiatives concernent surtout les assurances auto/moto à l’usage (« pay as you drive ») grâce à l’IoT embarquée. De nombreuses variantes existent (au kilomètre, à la journée ou même à la minute) : ce sont des assurances à la demande dans le sens où la couverture se déclenche seulement quand elle est nécessaire.
Les assurtech qui offrent des solutions à la demande se positionnent en tant que courtier-distributeur ou proposent leurs services directement aux assureurs. Les opérations, à savoir la gestion du risque, du sinistre, l’assistance et la protection contre les fraudes, sont laissées aux acteurs plus traditionnels (modèle adopté par Trov). Ils se placent donc en aval de la chaîne de valeur, ce qui peut au long terme peser sur le rapport de force avec leurs partenaires concernant la captation de la valeur. En d’autres termes, l’émergence de l’assurance à la demande va-t-elle faire évoluer la chaîne de valeur assurantielle et la distribution des offres ? Les assureurs vont-ils développer leurs propres assurances à la demande ? A moyen terme, le plus probable serait une vague de rachat des assurtechs ayant prouvé la rentabilité, qui serviront alors de canal de vente privilégié pour les clientèles cibles.
Le mapping ci-dessous regroupe quelques initiatives les plus poussées en matière d’assurance à la demande, à travers le monde :
Si ce modèle venait à se développer plus largement, il concurrencerait en premier lieu les assurances optionnelles et les extensions de garantie en magasin. En effet, l’assurance à la demande est davantage perçue comme un complément aux assurances classiques selon les conclusions du World Insurance Reports de Cap Gemini et de l’Efma. Un enjeu pour les assureurs serait alors de renforcer la lisibilité pour les clients et la compréhension des garanties déjà acquises dans le cadre de leur contrats habituels (MRH notamment), afin d’éviter les éventuels doublons.
Un modèle en cours de perfectionnement dont la rentabilité reste néanmoins à prouver…
Une opportunité de croissance comportant certains risques à ne pas négliger
L’assurance à la demande est inévitablement porteuse de risque en raison d’un taux de sinistre plus élevé – les clients ne s’assurant que pour les moments où ils sont exposés. Il fait également peser sur l’assureur des coûts supplémentaires de gestion dû à la flexibilité inhérente à ce type d’assurance. Toutes ces charges sont reportées sur les tarifs pratiqués : le contrôle a un prix.
Même avec une bonne équation, les revenus générés seront-ils suffisants ? Rien n’est moins sûr, sachant que les clients peuvent être incités à activer leur assurance uniquement en cas de survenance du risque. Ce modèle doit donc se doter de garde-fous pour éviter les fraudes. Le calcul du niveau de risque et des primes associées constitue un troisième point de difficulté dû à la jeunesse de ce modèle. Ainsi un partenariat avec des acteurs bien implantés et experts du métier apparaît donc intéressant. Étant donné sa nature flexible, l’assurance à la demande ne promet pas de revenus stables et prévisibles et pourrait fragiliser la trésorerie de l’entreprise. L’augmentation du nombre de client pourrait permettre une meilleure rentabilité grâce à la mutualisation des risques.
Une offre qui reste prometteuse car touchant une large cible et pouvant être enrichie grâce à l’apport des dernières technologies
D’un autre côté, l’assurance à la demande présente plusieurs avantages dont le premier est de lever les réticences à l’engagement en proposant une couverture facilement activable et désactivable, et ce à volonté. Cette levée des contraintes et la possibilité d’assurer des objets du quotidien, permet de toucher une population cible plus vaste (jeunes générations, personnes sans MRH…). Ce potentiel de conquête client apparaît alors comme une opportunité de croissance pour les acteurs traditionnels. Enfin, avec des primes supérieures aux contrats habituels, il est plus rentable pour les assureurs d’amener les clients à conserver leur assurance sur le long terme. Pour ce faire, ils ont tout intérêt à communiquer efficacement sur les différents cas d’usages possibles. De même, la vente contextuelle de ces contrats est un bon moyen de mettre en avant leur utilité et leur valeur. La dimension de conseil est importante car il s’agit de proposer le bon contrat, au bon moment, au bon endroit, au bon client.
Au long terme, des synergies avec des technologies émergentes peuvent apparaître, notamment avec la blockchain. En effet, l’usage de smart contracts (un contrat s’exécutant automatiquement selon des conditions définies dans une blockchain, donc inaltérables), et la gestion des données en temps réel permettraient d’activer automatiquement l’assurance suivant un événement extérieur spécifié. Par exemple, l’assurance peut s’auto-activer lorsque le véhicule quitte le garage, se désactiver quand il revient, où déclencher une déclaration sinistre suivants les informations données par l’IoT embarqué. Cela assurerait un accompagnement continu, personnalisé et sans effort pour le client, promettant une expérience de l’assurance sans précédents.
Pour conclure, le modèle d’assurance à la demande n’a pas prouvé sa rentabilité : il est majoritairement proposé par des distributeurs, ou n’est perçu que comme un complément aux assurances habituelles. En parallèle, trois caractéristiques font obstacle à la rentabilité : un niveau de risque supérieur, une volatilité des revenus et un coût d’acquisition client. Les différentes initiatives en cours permettront de vérifier s’il existe un modèle viable. Si la rentabilité est prouvée, il est possible que les acteurs majeurs du marché envisagent des partenariats avec les assurtechs comme des relais de croissance externe, et un moyen de renouveler leur distribution. L’assurance à la demande devrait poursuivre son envol et s’affirmer comme une innovation majeure notamment grâce à l’apport des nouvelles technologies.