« Si l’on ne sait pas ce que sera le modèle de l’assurance demain, il est certain en revanche qu’il sera transformé par l’Intelligence Artificielle. Alors anticipons son impact sur les métiers […] et faisons de l’Intelligence Artificielle un vrai sujet de transformation et de service augmenté ! » affirmait Jacques Richier, PDG d’Allianz France, dans sa tribune libre du 18 janvier 2018. En effet, l’IA joue un rôle de plus en plus important dans le secteur de l’assurance et ce, en proposant des modèles assurantiels toujours plus personnalisés et individualisés qui peuvent parfois devancer les besoins des clients. Ainsi, ce bouleversement touche non seulement les consommateurs, mais aussi tous les niveaux de la chaîne de valeur des assureurs, notamment le cœur de leur métier.

Les technologies de l’intelligence artificielle dans le secteur de l’assurance

Au fil des années, les assureurs ont réussi à développer leurs modèles assurantiels à travers différents outils de l’IA. Cependant, parmi l’ensemble de ces outils, ceux du Machine Learning restent les plus utilisés. Ces derniers représentent principalement des dispositifs d’apprentissage automatique qui servent à produire des analyses prédictives en établissant des corrélations entre un grand nombre de données et d’événements. La plus récente utilisation de ce type d’outils a été effectuée par une compagnie d’assurance française en collaboration avec Expert System (entreprise spécialisée dans le développement des logiciels informatiques basés sur des algorithmes d’intelligence artificielle). Le but étant de permettre à cette compagnie d’améliorer ses dispositifs de prévention des risques dommages.

Les acteurs du secteur des services financiers ont aussi élargi le champ d’utilisation de ces outils de Machine Learning en les associant avec le Big Data et les objets connectés. Cela leur a donc permis de progresser sur 3 aspects clés :

• La gestion et l’anticipation des risques
• La définition de nouveaux risques assurables
• La détection des fraudes

Des exemples concrets d’outils permettant :

La gestion et l’anticipation des risques

L’exemple le plus connu de ce cas de figure est celui de « Pay how you drive ». Il s’agit d’un dispositif qui combine à la fois l’IA et les objets connectés, qui a été mis en place par différents assureurs (Direct Assurance et Allianz France). Il permet d’ajuster l’offre de l’assurance auto selon le mode et le comportement de conduite des assurés et ce, en installant un capteur connecté dans les véhicules qui servira à collecter des informations telles que l’accélération, le freinage, les prises de virages ou encore le kilométrage… Ensuite, ces informations seront transmises aux plateformes de Machine Learning afin de produire des analyses prédictives.

La définition des nouveaux risques assurables

Dans ce cas, il s’agit d’un exemple de programme (Chronos) développé par une compagnie d’assurance basée en Caroline du Nord et en collaboration avec une start-up américaine Lapetus Solutions qui, a elle-même, créé une technologie permettant, à travers une analyse faciale d’un selfie, d’extraire des informations telles que : le sexe, l’IMC (Indice de Masse Corporelle), l’âge et la classification tabagique. Par ailleurs, le programme Chronos est capable de repérer l’espérance de vie et quelques maladies comme le diabète, les troubles génétiques ou les signes de dépression. La compagnie d’assurance en question s’en sert lors de la souscription des assurances Vie de ses clients.

La détection des fraudes

Il s’agit, pour cette illustration, d’une plateforme créée par la start-up Shift Technology et qui permet aux assureurs de détecter les déclarations frauduleuses. Jérémy Jawish, l’un des fondateurs de l’entreprise, affirme que leurs clients du secteur des services financiers arrivent à détecter 75% des fraudes contre 35% en moyenne. Ce qui leur permet d’économiser plus de 30 millions d’euros.

Vers une transformation totale du métier de l’assurance ?

Afin de bien comprendre comment l’intelligence artificielle peut transformer le métier des assurances dans le futur, il est nécessaire de rappeler les deux principaux piliers du fonctionnement des assurances : le premier étant l’évaluation des risques et le deuxième étant la mutualisation des cotisations et des risques :

Afin d’évaluer leurs risques, les assureurs se basent sur l’analyse des expériences et des événements antérieurs et construisent des modèles analytiques pour prédire la probabilité d’un événement futur. Ces méthodes de scoring servent ensuite à la définition de la tarification et donc à la prise de décision. Ils s’appuient sur ces méthodes car leur principal défi est d’évaluer le coût de leurs produits, qui n’est pas connu d’avance.

Ainsi, en s’appuyant sur le deuxième pilier, les assurances arrivent à indemniser tous les clients ayant déclaré un sinistre (selon le niveau des garanties souscrites) quel que soit leur ancienneté d’adhésion et le montant de leur cotisation, en équilibrant les risques sinistrés et ceux qui ne le sont pas, et en regroupant les assurés potentiellement exposés à des risques identiques mais de manière aléatoire (mutualisation des risques). De plus, afin d’augmenter leur capacité d’indemnisation, les assurances consolident les cotisations collectées des différentes branches de produits (mutualisation des cotisations).

L’émergence de l’IA risque d’impacter et de transformer ce fonctionnement

Tout d’abord, les assurances vont réussir à mieux appréhender leurs risques : en utilisant les outils de l’IA, elles obtiennent les données de leurs clients en temps réel (exemple du « Pay how you drive »), ce qui va leur permettre par la suite de fiabiliser le calcul des probabilités des risques futurs. De ce fait, l’évaluation du risque ne va plus se baser sur l’analyse des expériences antérieures mais sur l’analyse prédictive et périodique des données clients (impact sur le premier principe : l’évaluation des risques).

Cela va ensuite aboutir à concevoir des méthodes de tarification personnalisées selon le profil du client : un assuré à moindre risque verra sa prime de cotisation diminuer, alors qu’un assuré au profil présentant plus de risque verra sa prime de cotisation augmenter. En conséquence, les cotisations et les risques ne seront plus mutualisés sur l’ensemble de la clientèle (impact sur le deuxième principe : la mutualisation des risques et des cotisations).

Enfin, l’utilisation des outils de l’IA  influence naturellement la conception des produits d’assurance, en proposant des offres plus adaptées et personnalisées à chaque client.

Ce n’est que le début…

Cette transformation va toucher l’intégralité du modèle économique des assureurs, et leur besoins en matière de Ressources Humaines. En effet, en plus de leurs compétences acquises, les actuaires auront besoin de compétences en matière de Data Analytics afin d’assurer un usage optimal des données collectées. Par conséquent, quelles sont les actions envisagées par les compagnies d’assurances pour mieux s’adapter à ce changement ?