Le 5 avril 2018 s’est tenue la Matinale Blockchain de l’Argus de l’assurance dont Wavestone était partenaire.  Cet événement est l’occasion pour des acteurs de la place d’échanger autour de problématiques communes. Face à une cinquantaine de participants, plusieurs acteurs se sont exprimés parmi lesquels notamment Laurence Al Neimi, Senior Manager au sein de Wavestone, Joseph Sasson, conseiller en innovation banque & assurance chez Oracle, ou Jérôme Balmes, directeur du digital et de l’innovation de la FFA. D’autres acteurs issus du monde de l’assurance sont également intervenus pour représenter le Crédit Agricole Assurances, CNP Assurances, Natixis Assurances, le groupe APRIL et Finance Innovation. Enfin, des start-ups spécialisées dans la Blockchain étaient aussi présentes, avec les interventions du CEO de Utocat et du DG de Monuma.

La participation d’un grand nombre d’acteurs issus de l’assurance démontre une fois de plus l’intérêt du secteur pour la technologie Blockchain. Elle suscite logiquement un réel enthousiasme auprès de ceux-ci, à travers son apport de nouveaux usages, ses réponses à des problèmes concrets, ou son offre de nouvelles façons d’échanger, qui sont autant de moyens qui permettent d’attirer de nouveaux clients. Cette technologie constitue pour les assureurs un véritable levier d’innovation sur lequel ils peuvent et doivent s’appuyer.

Parmi les nouveaux cas d’usage, on notera une amélioration de la détection des fraudes, des modèles d’assurance peer to peer ou encore des assurances paramétriques comme le fait Axa avec Fizzy. Avec l’émergence de la Blockchain, de nouveaux acteurs interviennent et la question du positionnement de chacun se pose. Pour les assureurs, un nouvel enjeu est d’anticiper ces bouleversements pour trouver leur rôle et maintenir leur place dans cet écosystème. Une des opportunités les plus évidentes consiste à se repositionner au centre de la relation client pour offrir à ce dernier des assurances personnalisées et adaptées aux événements qui surviennent aux différents moments de sa vie.

Par ailleurs, les assureurs font aujourd’hui face à la pression du marché, à une efficacité opérationnelle qui peut être améliorée (seuls 64% des coûts des assureurs sont affectés à la couverture des risques), à un besoin croissant de qualité des données ou à un besoin accru de collaboration. Pour y faire face, ils doivent proposer des solutions concrètes. Or la Blockchain permet justement de répondre à ces problématiques. Les assureurs ont donc procédé à des expérimentations Blockchain. Celles-ci ont permis de tirer plusieurs enseignements indispensables à la maîtrise de cette technologie.

Aujourd’hui tous les acteurs de l’Assurance ont lancé un plan stratégique digital visant à aborder les nouvelles technologies, dont la Blockchain. Pour celle-ci, leur objectif d’industrialisation se situe à 2022.

Une organisation adaptée

La plupart des leçons tirées par les acteurs s’étant prêtés à des expérimentations sont identiques, il faut adapter l’organisation d’un projet Blockchain par rapport à celle d’un projet traditionnel en respectant plusieurs préceptes.

/ Tous les métiers doivent travailler ensemble, de manière transversale. Pour Caroline Nicaise du Crédit Agricole Assurances, « l’acculturation doit avoir lieu à tous les niveaux ». Y compris au niveau du sponsor qui doit également comprendre la technologie.

/ Il ne faut pas hésiter à recourir à des sessions de formation internes en faisant intervenir des experts et des start-ups. Leur expertise de la technologie est précieuse. Comme l’indique Karim Zemouli, directeur innovation et expérience client chez Natixis Assurances, « il faut faire preuve de pédagogie en interne et d’humilité dans la mise en œuvre ». La clé est d’avancer étape par étape, sans prétendre savoir tout faire immédiatement.

/ Il faut privilégier les collaborations entre acteurs : « entre assureurs et non assureurs, mais aussi entre assureurs concurrents » rappelle Régis Delayat, CIO de SCOR.

Joëlle Durieux, directrice générale de Finance Innovation ajoute qu’« entre assureurs concurrents, il faut travailler collectivement pour mettre en place des infrastructures compétitives pour l’industrie. Les nouvelles masses assurables sont conséquentes et bénéficieront à l’ensemble des acteurs qui auront la meilleure infrastructure ».

Mais il ne faut pas se contenter des relations entre assureurs. Dans le même temps, les assureurs doivent privilégier des partenariats avec les start-ups dans lesquels toutes les parties sont gagnantes : les start-ups apportent leur expertise, leur agilité et leurs solutions disruptives, tandis que les assureurs apportent une excellente connaissance client ainsi qu’une solide expertise en conformité réglementaire.

Il y a un réel enjeu en France car plusieurs startups se tournent vers des partenariats à l’étranger pour se développer. Il faut conserver ces start-ups grâce à des partenariats, afin de bénéficier de leur fort potentiel.

/ « Il ne faut pas attendre que le régulateur soit prêt pour expérimenter », énonce Joëlle Durieux, exprimant un avis partagé par tous. Le régulateur mène déjà de nombreux travaux pour réguler cette technologie. Son but est de protéger les consommateurs et d’encadrer ces nouveaux outils. Ces travaux seront achevés rapidement et une régulation sera alors mise en place.

/ Enfin, concernant le type de Blockchain à privilégier (publique, privée, hybride), les acteurs recommandent d’utiliser une blockchain privée. Comme l’explique Jérôme Balmes, « les assureurs ne peuvent pas courir le risque d’avoir une blockchain ouverte dont la gouvernance leur échapperait. D’autant plus qu’il s’agit d’une industrie fortement régulée ». Une blockchain privée constitue donc le meilleur moyen de contrôler qui sont les mineurs autorisés et de maîtriser de bout en bout les processus.

Les limites de la Blockchain

Les POC et expérimentations ont également permis de mettre en lumière plusieurs limites et difficultés qui révèlent que la phase d’industrialisation à court terme s’annonce complexe.

/ Le projet doit répondre à un réel besoin : la Blockchain n’est pas une fin en soi, mais doit être la meilleure solution pour répondre à un problème métier.

/ La technologie ne permet pas de répondre à tous les cas d’usage imaginables.

/ La rentabilité du projet doit être au moins égale à celle d’une solution traditionnelle, faute de quoi son utilité disparaît et une solution traditionnelle est préférable.

/ « La confiance (garantie en théorie par la Blockchain) est un facteur humain, donc difficilement contrôlable », rappelle Laurence Willems, directrice innovation et marketing stratégique chez April. Rien n’assure que les clients la maintiennent pour ces projets, or celle-ci est nécessaire pour parvenir à pénétrer le marché. Gagner la confiance des clients sur cette technologie est donc crucial.

/ La question de la gouvernance des blockchains privées doit être clairement établie.

/ « Les SI doivent être adaptés, ce qui peut être complexe », comme le soulève Magali Noé de CNP Assurances.

/ Enfin, il faut veiller à être conforme avec la réglementation, comme par exemple avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui entrera en vigueur le 25 mai 2018. Le sujet de cette conformité a pu se poser pour plusieurs POC.

Par exemple, la FFA a mené une expérience autour de la loi Hamon sur l’assurance auto et habitation : 14 assureurs ont utilisé une base de données distribuée qui prévoyait, en cas de résiliation, un échange de données sécurisé sans passer par l’envoi d’AR. En application du GDPR, les assureurs doivent bien veiller à effacer les données personnelles qui ne sont plus nécessaires. Durant ce POC, pour s’assurer d’être en conformité, la FFA et les assureurs ont travaillé avec la CNIL, interlocuteur privilégié sur la protection des données personnelles.

D’une manière générale, il faut garder en tête que même si la régulation de la Blockchain n’est pas encore construite, il faut prêter attention à la régulation dans son ensemble.

Conclusion

Tous les intervenants s’accordent pour dire que la Blockchain sera en phase d’industrialisation au sein des assurances d’ici 5 ans. Joseph Sasson voit un parallèle avec Internet pour lequel il rappelle que la mise à l’échelle avait pris 5 ans. Karim Zemouli fait remarquer quant à lui qu’en matière de mobile, il avait fallu environ 4 ans pour que toutes les organisations l’adoptent.

Pendant ce laps de temps, d’autres MVP et expérimentations seront lancés et permettront d’affiner les usages et de mieux maîtriser la Blockchain. Une entité qui ne s’y préparerait pas dès aujourd’hui ferait alors face à un retard à rattraper.

Pour plus de détails sur la technologie Blockchain, vous pouvez consulter le livret Wavestone sur le sujet.