Votre assureur vous connaît, et ça change tout. Jamais les assureurs n’ont pu avoir accès à autant de données sur leurs assurés. Sans que ces derniers ne sachent vraiment ce qui se cache derrière la notion de « données ». Le scandale Cambridge Analytica jette une lumière crue sur l’exploitation qui peut en être faite. Une prise de conscience générale est en cours. La Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse vient d’ailleurs de fermer sa page Facebook. A quelques jours de l’entrée en vigueur du RGDP, une question importante à aborder : quel intérêt pour les assurés d’être si bien connus par leurs assureurs ?

La connaissance client : un impératif pour les assureurs

L’assurance repose par nature sur la connaissance du client. Pour prévoir au plus juste le risque. Cela implique évidemment la maîtrise d’un certain nombre de données, plus ou moins complètes, plus ou moins riches, selon la nature du risque assuré.

Des données à fiabiliser

Les assureurs disposent depuis très longtemps de données sur leurs assurés. Cependant, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Un travail important de fiabilisation est à mener. Très concrètement : orthographe, ou mise à jour. Les adresses sont par exemple l’un des sujets sensibles : ce sont à la fois les données qui permettent d’entrer en contact avec les assurés, et les données qui évoluent le plus au cours de leur vie. Un service de qualité impose une donnée de qualité. On peut ajouter à la fiabilité, l’exhaustivité. Cela pose la question de la centralisation des données qui peuvent être stockées à différents endroits. Le défi premier est donc de connaître correctement ses assurés, pour pouvoir capitaliser sur cette connaissance. Mieux vaut connaître peu de choses justes sur un assuré, que d’avoir beaucoup d’informations, erronées. Une donnée de qualité, et à jour, est un prérequis.

Les données des assurés sont à fiabiliser, enrichir et exploiter, avec une finalité : mieux servir les assurés.

Des données à enrichir

Une fois cette étape franchie, il est temps d’envisager d’enrichir ces données. Les assureurs y sont actuellement contraints : nouvelles obligations, nouvelles règlementations, nouvelles lois. Cela suppose techniquement de transformer les systèmes d’information afin d’être en mesure de recueillir des données attendues par les autorités. L’évolution doit donc être anticipée en amont. Les délais pour mettre à jour les systèmes d’information peuvent être très longs, d’autant plus dans un contexte de grandes transformations, avec une multitude de projets prioritaires. Sans anticipation, l’enrichissement se fera dans la douleur.

Des données à exploiter

Au-delà de la contrainte réglementaire, il s’agit pour les assureurs d’exploiter cette connaissance client fiabilisée et enrichie. De valoriser la donnée. Envisager les nouvelles connaissances acquises sur les clients comme autant d’opportunités à saisir. Proposer de nouvelles offres, de nouveaux produits, de nouveaux services. Développer la relation commerciale, la proximité, la considération. Accroître la qualité, le service, la confiance.

Des clients analysés sous toutes les coutures

Un quotidien sous surveillance

Les assureurs doivent toutefois garder à l’esprit la pression grandissante qui pèse sur le grand public. Les données font l’objet d’une véritable guerre entre les différents acteurs économiques. Les données sont le nouvel or noir du XXIème siècle. Des acteurs comme Google ou Facebook détiennent une grande partie des réserves. Et les raffineurs prêts à exploiter les données sont disposés à les acheter à tout prix. Le scandale Cambridge Analytica n’est pas surprenant. Cet usage illicite de la donnée, qui plus est détournée à des fins malveillantes, était annoncé et dénoncé depuis longtemps. Sans que les lanceurs d’alerte ne soient vraiment pris au sérieux. Dans les familles, combien de parents s’inquiètent de voir leur progéniture étaler sur les réseaux leur vie privée, sans que cela ne change quoi que ce soit dans les comportements des enfants ? La méfiance du grand public va grandissante, et les assureurs courent le risque d’être classés parmi ces acteurs prêts à tout pour faire une utilisation commerciale, voire pénalisante, des données en leur possession.

Des données du quotidien exploitables

De fait, les sources de données se multiplient : web, objets connectés, réseaux sociaux. Ceux qui les cherchent ou qui sont prêts à les acheter si elles sont à vendre, peuvent facilement y accéder. Une quantité et une densité nouvelles qui exigent de clarifier la position à adopter : exploiter les données, ou se contenter des informations transmises par l’assuré ? Les assureurs auraient tort de ne pas chercher à toujours mieux connaître leurs assurés. Mais ils doivent garder à l’esprit que les données qui leur sont transmises dans le cadre de la mise en place d’un contrat d’assurance ne sont pas celles partagées par ailleurs par ces mêmes assurés. Nombreuses sont les informations partagées par les assurés sur de nombreux supports ayant traits aux habitudes de vie, aux hobbys, et même à un sujet très sensible : la santé. Informations qui ne seraient bien sûr jamais communiquées spontanément par ces assurés à leur assureur.

Une connaissance des assurés toujours plus poussée

Sur le web, chaque mouvement peut être analysé et permettre de définir un profil de personnalité.

 

Cet état de fait aboutit à ce que les assureurs, au même titre que les différents acteurs économiques exploitant les données disponibles, ont parfois une connaissance des assurés extrêmement fine de leurs assurés. Ces derniers n’en sont souvent pas pleinement conscients. Les outils d’analyse psychométriques, qui associent plusieurs disciplines comme les statistiques comportementales, la psychologie, et les mathématiques, permettent par exemple de définir très précisément des profils d’utilisateurs, et donc in fine, de clients.

Ces outils se multiplient, et les solutions développées sont toutes plus intelligentes les unes que les autres. Dans un contexte réglementaire extrêmement contraignant vis-à-vis des données personnelles, ces solutions peuvent apparaître comme des opportunités pour les assureurs. Mais sans une approche didactique et transparente, les assureurs pourraient bien se brûler les ailes dans leur course vers l’univers big data. Pour éviter un jeu du chat et de la souris chronophage et contre-productif, il s’agit d’adopter dès maintenant les approches adéquates.

Transformer l’opportunité business en opportunité client

Le prisme retenu pour assurer un développement transparent de l’usage des données doit être celui des clients. Quel intérêt pourront bien clairement percevoir les clients dans l’usage par leur assureur de leurs données ?

Les données au service des tarifs

D’abord, mettre en avant une meilleure tarification. La personnalisation des offres grâce à une analyse toujours plus fine des profils des assurés permet d’ajuster au plus près les tarifs. Et c’est l’avantage le plus tangible. Offrir la possibilité à l’assuré de sortir de grilles tarifaires standards et trop larges, grâce à l’analyse de données multiples : l’assuré pourra facilement y voir une opportunité. Cela fonctionne dans le cas d’un profil dont l’analyse des données permettra de faire baisser les tarifs d’assurance. Attention au profil qui se verra par exemple proposer une hausse de ses tarifs d’assurance auto suite à l’analyse de son profil conducteur, à risque. Cela pose véritablement la question de la communication que pourra faire l’assureur vis-à-vis de ce type de profil. Une prime aux bons élèves sur laquelle il sera facile de communiquer. Les nouvelles pénalités imposables seront plus délicates à instaurer. Peut-être dans un premier temps sera-t-il possible de revoir les prévisions des sinistres, sans les répercuter sur les tarifs ? Cependant, à terme, on imagine mal les assureurs ne pas profiter de ces nouvelles sources d’information.

Nouveaux services et usages responsables

Ensuite, mettre la connaissance du client à son service, en imaginant de nouveaux services. Si l’assureur parvient à démontrer une utilisation efficace et respectueuse des données qui sont en sa possession, l’assuré pourra voir en lui un interlocuteur de confiance, et un partenaire. C’est cette posture qu’il convient de développer, dans un contexte de défiance généralisée. Et cette posture n’est pas sans risques. Une lecture méfiante des assurés pourrait vite percevoir cette bienveillance comme une tentative déguisée d’intrusion dans la vie privée, et renvoyer l’assureur dans ses cordes. Les nouvelles dispositions introduites par le RGDP questionnent d’ailleurs la capacité des assureurs à répondre aux demandes des assurés qui solliciteraient la suppression de leurs données personnelles.

La confiance fera la différence

Le grand défi des assureurs vis-à-vis de leurs assurés : établir un véritable rapport de confiance sur l’usage des données.

Les assureurs doivent enfin absolument miser sur un actif intangible mais crucial : la confiance. Votre assureur vous connaît, et ça change tout. Permettre de tout changer grâce à la connaissance client rendue possible par l’exploitation des données, tout en développant et en renforçant la confiance. Il sera possible de passer en force, de faire des coups, à court terme seulement. La complexité du sujet pour les assurés sera exploitable à court terme par les spécialistes. Mais à long terme, la communication sur un usage responsable des données, centré sur l’intérêt du client, est primordiale. En clôturant son compte Facebook, la CNAV a invoqué la protection des données de ses assurés. Cette attitude responsable va dans le sens de l’attention portée par les organismes à la protection des données des assurés.

Tarifs, nouveaux services, confiance : l’assuré doit être convaincu que l’usage fait de ses données est dans son intérêt. Charge aux assureurs de mener une réflexion en profondeur sur les actions concrètes qui permettront de dépasser les slogans, et d’installer durablement la meilleure réputation qui soit, en matière d’usage des données clients.