Initialement instauré par Michel Sapin fin 2016, alors ministre de l’Économie et des Finances sous le gouvernement Hollande, le Prélèvement à la Source (PAS) a suscité de nombreuses réactions de la part des assureurs.

En effet l’annonce de son entrée en vigueur dès 2018 a poussé les associations d’épargnants (Faider), les courtiers (CSCA), les conseillers financiers (Anacofi), les conseillers en gestion de patrimoine (CNCGP) et les agents généraux d’assurance (AGEA) à adresser une lettre ouverte le 8 mars 2017 aux candidats à l’élection présidentielle. Cette lettre avait pour objectif de dénoncer publiquement les impacts négatifs de la règlementation sur certains produits d’épargne retraite, plus précisément la baisse d’attractivité de ces derniers.

La mise en application ayant ensuite été reportée par Edouard Philippe au 1er janvier 2019, la CSCA, l’AGEA, l’ANACOFI, la CNCGP, la FAIDER et PLANETE COURTIER se sont à nouveau regroupés pour interpeler le premier ministre. À travers la publication d’une seconde lettre le 19 septembre 2017, ils ont réaffirmés leurs préoccupations et réclamé une réponse claire de la part du gouvernement.

 

Comment fonctionne le Prélèvement à la source (PAS) ?

Actuellement, ce sont les revenus, réductions, déductions et crédits de l’année n-1 qui permettent de calculer le montant de l’impôt perçu en n. Le principe du PAS est qu’à partir de 2019, l’impôt sur le revenu (IR) qui sera perçu au titre de l’année n sera établi en fonction des revenus de cette même année.

Concrètement, cela signifie qu’en 2018 les contribuables s’acquitteront de l’impôt au titre de l’année 2017, tandis qu’en 2019 l’IR sera établi en fonction de leurs revenus de l’année en cours. Cette « Année Blanche » a pour principal avantage que la majorité des revenus des contribuables perçus en 2018 ne seront pas taxés. Néanmoins le PAS apporte son lot d’inconvénients pour les assureurs, notamment concernant certains placements d’épargne retraite (PERP, Préfon, Corem, CRH, part facultative des contrats d’entreprise).

 

La crainte d’une baisse d’attractivité de leurs produits

Les placements retraite dont il est question reposent sur la logique suivante : les contribuables abondent leur plan épargne à travers des primes déductibles du revenu imposable de l’année en cours, ce qui constitue de ce fait un avantage fiscal.

Or la mise en place du PAS en 2019 implique que les revenus tout comme les déductions de 2018 n’entreront en compte dans le calcul d’aucun impôt : les primes qui seront versées cette année dans des produits d’assurance retraite ne seront pas déductibles fiscalement. Les assureurs craignent donc que 2018 ne se transforme en « Année Noire » car l’essence même de l’attractivité fiscale du placement disparait. C’est la raison pour laquelle les assureurs s’interrogent sur l’intérêt qu’auraient leurs clients à placer leurs revenus dans un produit sans avantage fiscal, alors que ces fonds seront bloqués jusqu’à leur retraite et taxés en sortie.

Les assureurs ont d’ores et déjà pu constater les premiers effets de l’annonce de cette règlementation durant le premier semestre 2017 : avant l’annonce du report de la mise en application du PAS (initialement prévu pour janvier 2018), les cotisations des PERP ont enregistré une baisse de 20% selon les assureurs par rapport au premier semestre 2016. La Préfon estime par ailleurs que les cotisations des épargnants pourraient baisser de 40% entre 2018 et 2019, soit près de 2 milliards d’euros.

 

L’appel des assureurs en faveur de la création d’un régime transitoire

En réaction à cette mesure, les assureurs réclament au gouvernement la mise en place d’un régime transitoire qui permette de pallier les impacts négatifs du PAS. Ils proposent notamment 3 mesures :

1. La déductibilité des primes d’épargne retraite versées en 2018 et en 2019 et l’augmentation du plafond en 2019

2. Un report définitif de la déductibilité d’un an (2018 sur 2019, 2019 sur 2020, etc.)

3. Un calcul du CIMR de 2018 sur les revenus avant déduction des versements épargne retraite

 

La faible réceptivité du gouvernement aux demandes des assureurs

Malgré les multiples sollicitations des assureurs, le gouvernement s’est jusqu’alors montré peu réceptif à leurs problématiques. Un amendement LREM déposé le 30 novembre 2017 traduisait cependant une certaine volonté d’intervenir afin de limiter la décapitalisation des assurances retraites en 2018.

En effet, pour éviter une baisse brutale des primes versées en 2018, cet amendement prévoit que le montant des cotisations déductibles en 2019 sera égal à la moyenne des primes versées en 2018 et 2019, dans le cas où le montant des primes payées en 2018 est plus faible que celles payées en 2019 et 2017. Cette mesure permettrait d’anticiper les stratégies d’optimisation des contribuables et de limiter leur préférence pour d’autres placements.

Bien que cette mesure puisse permettre de limiter la décapitalisation des assurances retraite, elle s’éloigne de la demande initiale des assureurs. En effet, ces derniers proposaient des mesures incitatives alors que la première mesure avancée par le gouvernement pénalisera les épargnants souhaitant diminuer les primes qu’ils verseront en 2018.

En raison des rares annonces formulées par le gouvernement, il est toutefois aujourd’hui difficile de spéculer sur la position qui sera finalement adoptée.

 

Quelles autres conséquences pour les assureurs ?

Bien que la baisse de l’attractivité fiscale des produits d’épargne retraite représente un élément important de cette règlementation, la mise en place du PAS pourrait également nécessiter d’autres adaptations de la part des assureurs.

En effet, cette règlementation place les assureurs dans une position de collecteur d’impôt au service de l’État lors de la mise à disposition du capital à leurs assurés. Dès la mise en place du PAS en 2019, les bénéficiaires des placements retraite concernés recevront donc le montant habituel de leur rente diminué de l’impôt (calculé sur la base du taux communiqué par la DGFIP).

Si l’impact fiscal a nettement été évoqué ces deniers temps, les impacts organisationnels et de communication l’ont beaucoup moins été et pourraient également se révéler décisifs dans les prochains mois. L’adaptation du SI des assureurs pour la collecte de l’impôt ainsi que la mise en place d’une conduite du changement adaptée vis à vis de leurs clients sont donc également deux enjeux non négligeables à la charge des assureurs.

Des communications à destination de la clientèle seront probablement mises en place courant 2018 afin de présenter les motifs qui entrainent la baisse des rentes perçues et ainsi minimiser le flux de questionnements qui en découlera probablement.

Les précisions du gouvernement sur ce sujet sont très attendues par les assureurs afin de leur permettre de s’adapter à cette nouvelle règlementation et éviter que ne se reproduise le même scénario de décapitalisation rencontré au premier semestre 2017.