Juin 2017, coup de tonnerre dans le monde de la grande distribution : Amazon annonce officiellement le rachat de Whole Food et enfonce la porte d’entrée de la distribution physique. Trois mois plus tard une autre nouvelle circule, dans les rangs des assureurs européens cette fois : ce même géant américain recrute activement une équipe de professionnels de l’assurance à Londres pour opérer en Europe occidentale. Nouvelle opération en partenariat avec un assureur institutionnel ou réel lancement ? Pour les acteurs de la place, la question se pose.

 

Pourquoi Amazon a choisi de ne pas opérer en propre auparavant

 

Un secteur qui offre de belles perspectives mais qui a aussi des freins à l’entrée importants

Plusieurs fois au cours des dernières années, l’entreprise a noué et dénoué des partenariats pour proposer à ses clients des produits d’assurance.

  • Amazon Protect, lancé en 2016 en collaboration avec The Warranty Group, permet au client d’acquérir une police d’extension de garantie (5 ans maximum) sur les produits affinitaires (tablette, TV, smartphone, etc.) au moment de la prise de commande.
  • Une autre collaboration avec Allianz propose au client une solution de remplacement de l’équipement via Amazon en cas de sinistre habitation.

Ces incursions dans le monde de l’assurance restent stratégiquement neutres du point de vue d’Amazon tant la partie du contrat honorée reste proche de son cœur de métier : la distribution de produits.

Pour ce qui relève de l’assurance, passer la frontière du simple partenariat n’est pas une sinécure et la firme de Seattle l’a bien compris. Constitution de fonds propres conséquents (notamment dus à Solvency II), mise en conformité avec des réglementations toujours plus importantes (GDPR, DDA, PRIIPS, etc.) et compréhension d’un cycle économique inversé. Un ensemble de complexités qui a de quoi décourager même les géants du web et leurs moyens illimités.

 

Quelles sont donc les motivations d’Amazon à passer outre cette complexité ?

  • Premier élément de réponse, l’aspect financier. La stratégie d’Amazon a longtemps été la croissance de ses parts de marché au détriment, souvent, de ses marges. Mais les investisseurs ne sont plus autant enthousiastes quant à cette vision. Une incursion dans une industrie comme l’assurance, où les taux de rentabilité sont connus pour être importants, serait une diversification appréciée.
  • Second élément de cette décision d’investissement : l’entreprise est reconnue pour l’innovation dont elle fait preuve dans la construction de ses parcours clients et dans la conception de ses services. Autant d’atouts qui lui donneraient la liberté nécessaire pour appliquer cette compétence dans une industrie qui tarde à évoluer.

 

Pourquoi Amazon est-il un concurrent à prendre au sérieux ?

  • La firme de Seattle excelle là où les assureurs traditionnels sont à la peine. L’exemple du cross-selling en est la parfaite illustration. Alors que les assureurs ont identifié le multi-équipement comme un levier de croissance principal mais éprouvent des difficultés à transformer l’essai (2 contrats par assuré en France en moyenne ) Amazon annonce que 35% de ses ventes sont le résultat de cross-selling.
  • Autre avantage pour le géant américain face à ses futurs concurrents : le big data. Cette compétence est aujourd’hui un avantage compétitif clef dans toutes les industries dans lesquelles Amazon opère. Et l’assurance ne fera, demain, pas exception à la règle. Le champ des possibles en assurance est immense, et l’utilisation qui en est actuellement faite n’est encore que minime. Toutefois il est important de noter que pour traiter efficacement de la donnée il est nécessaire de disposer d’une large base de données qualitative et organisée. Mais là encore, Amazon se montre dangereux en pouvant se targuer d’une connaissance client et d’une notoriété bien plus importante que la plus grande partie des assureurs institutionnels.

Selon une étude de GlobalData, 18% des assurés seraient prêts à acheter leur assurance habitation ou auto chez Amazon, un chiffre qui donne une idée de la part de marché que doivent s’attendre à défendre les assureurs actuellement en activité.

 

Au final, un projet déjà bien avancé…

Un avant-goût de l’industrie via des collaborations, une diversification stratégique qui fait sens et des compétences internes qui matchent parfaitement avec l’évolution attendue de l’industrie. Il ne manque en fait à Amazon que les compétences propres à l’assurance pour venir concurrencer rapidement les plus grands noms de la place. La vague de recrutements repérée vient donc confirmer que le projet est déjà à un stade de maturation avancé du côté du groupe de Jeff Bezos. Reste à se demander qui sera le prochain des GAFAM à lui emboîter la marche ?