En Septembre 2017, l’annonce est tombée, Paris organisera les Jeux Olympiques d’été 2024, 100 ans après les derniers organisés dans la ville lumière. Cette annonce relance forcément le débat sur les budgets alloués pour cet événement, et notamment l’un d’entre eux, et non des moindres, celui concernant les assurances.
Pour les assureurs, les risques liés à ce genre d’événement entrent dans la catégorie des « risques spéciaux ». Beaucoup de branches assurantielles sont impactées : événementielle ou annulation, responsabilité civile, dommages aux biens, risques techniques, automobile, construction, responsabilité civile des mandataires sociaux etc. mais 3 grands « risques spéciaux » sont particulièrement ciblés.
La responsabilité civile
Prenant une large part dans le budget assurantiel des Jeux Olympiques, la responsabilité civile permet d’assurer les organisateurs en cas de problème avec les tiers (spectateurs, presse…) ou avec les biens matériels/infrastructures. C’est un risque à couvrir primordial quand on voit l’affluence des jeux (7,5 millions de billets mis en vente pour Rio 2016) et les problèmes de malfaçons des infrastructures construites à la va-vite. Dans un autre contexte, en Octobre 2017 lors d’un match de football de Ligue 1, une barrière du club s’est effondrée pendant un match faisant 29 blessés. Grâce à l’assurance responsabilité civile contractée par le stade, les blessés ont évidemment été pris en charge et dédommagés suite à cet incident.
L’assurance événementielle ou annulation (billetterie)
Elle couvre l’annulation de l’événement ou de certaines épreuves et permet notamment de rembourser les billets aux spectateurs. Cette assurance est construite sur la base d’une police « tous risques sauf », c’est-à-dire que les pertes pécuniaires liées à l’annulation de l’événement sont couvertes dans tous les cas sauf ceux précisés dans la (longue) liste d’exclusions.
Dans le cas des Jeux Olympiques de Rio en 2016, étant donné le contexte de tension de l’époque, les organisateurs avaient contracté une assurance de ce type avec un spectre très large pouvant couvrir une annulation d’une partie des épreuves ou un abandon complet de la compétition en cours de route. C’est également cette assurance qui couvre les organisateurs face aux menaces de guerre ou de terrorisme – il y a fort à parier que ce risque fera débat d’ici à l’édition de Paris 2024.
Ce type d’assurance fonctionne également lors d’autres grands rassemblements. Difficile de ne pas citer l’exemple du festival de musique parisien Rock en Seine qui a dû faire valoir cette assurance 3 années de suite entre 2007 et 2009. En effet, en 2007 et 2008, la chanteuse Amy Winehouse n’a pas assuré ses concerts (tête d’affiche en 2008) et en 2009 le groupe Oasis s’est séparé avant de monter sur scène. A chaque fois, les organisateurs du festival ont dû dédommager les milliers de spectateurs venus pour voir ces artistes. Néanmoins, il existe un recours pour les organisateurs dans ce genre de situation, analogue à un Usain Bolt qui ne se serait pas présenté sur la ligne de départ de la finale du 100m olympique. Les organisateurs peuvent entamer des poursuites judiciaires contre les personnalités ne tenant pas leurs engagements, comme ce fût le cas contre Amy Winehouse.
A noter que l’assurance billetterie couvre également les frais concernant les droits télévisuels. En effet, depuis 2010 et les Jeux Olympiques d’hiver à Vancouver, le CIO (Comité International Olympique) produit les images puis les revend aux chaines du monde entier. Cela leur permet d’éviter certains risques, mais c’est surtout une manne financière gigantesque. De même, cette assurance peut couvrir le remboursement des entreprises sponsors qui ont payé pour avoir de la visibilité et qui n’en bénéficieront pas du fait de l’annulation.
L’assurance pour les sportifs et leur staff (entraîneurs, préparateurs physiques…)
Elle inclue principalement les frais de rapatriement et la prise en charge médicale en cas de blessure. Néanmoins, une assurance personnelle peut être souscrite, pour couvrir les dommages non causés par un tiers. En France, ce n’est que depuis 2016 que les sportifs de haut niveau sont mieux protégés. La loi 2015-1541 du 27/11/2015 prévoit notamment la création d’un dispositif de couverture accidents du travail-maladies professionnelles pour la pratique des athlètes de haut niveau, avec une obligation d’assurance individuelle-accident à la charge de la fédération de l’athlète .
Dans le secteur du football, depuis 2012 la FIFA et l’UEFA s’engagent à rembourser les clubs en cas de blessure de leurs joueurs avec leur sélection. De manière concrète, les clubs continueront de payer les salaires des joueurs indisponibles et seront ensuite indemnisés par l’UEFA.
Dans le cadre des Jeux Olympiques, la question des assurances est assez récente. En effet, le CIO n’est tenu de s’assurer que depuis les JO d’Athènes en 2004 ! Le président du CIO depuis 2001, Mr. J. Rogge estimait important de se protéger en cas de risques de guerres, d’attentats, de catastrophes naturelles etc. A noter, que tout n’est pas pris en compte pour autant. Par exemple, en 2016 au Brésil le virus Zika n’était pas inclus dans les garanties alors qu’il sévissait gravement dans cette partie du monde. En parallèle, les délégations des pays ne sont obligées de s’assurer que depuis fin août 2016 (après les jeux de Rio donc), avant il était à la discrétion des délégations de vouloir s’assurer ou non. Dans une délégation sans assurance, les sportifs étaient libres de s’assurer par eux-mêmes ou non.
Le facteur coût est également capital
Depuis des années, la facture globale des Jeux Olympiques dépasse nettement le budget prévisionnel de l’événement. Pour Paris 2024, 6,6 milliards d’euros sont prévus, en dessous des dernières éditions avec 31 milliards pour Pékin en 2008, 12 milliards pour Londres ou encore 16 milliards pour Rio . C’est essentiellement dû au fait que 90% des infrastructures sont déjà construites : il ne reste que le village olympique et paralympique, le village des médias, l’aménagement des transports pour les personnes à mobilité réduite et bien sûr, les assurances (représentant 2 milliards d’euros en 2016). Les organisateurs ne contractent évidemment pas un seul contrat, un conglomérat d’assureurs et de réassureurs est créé pour assurer la couverture de l’événement.
Quelle stratégie pour Paris 2024 ? Coassurance, Réassurance…
Pour Paris 2024, deux assureurs sont déjà connus : Allianz, assureur officiel du Comité National Olympique et Sportif Français, et Malakoff Médéric, acteur souhaitant favoriser le paralympisme. Compte tenu du fait que Paris est une cible privilégiée pour les attentats, le risque d’annulation va être particulièrement important. Et contrairement à la garantie des pertes matérielles, le risque annulation (ou billetterie) concerne uniquement les pertes pécuniaires et ne bénéficie donc pas de la couverture du fond GAREAT, le fond étatique qui paie pour les dommages causés par des attentats.
Ainsi, les assureurs qui ont accepté et accepteront de se joindre au conglomérat pour couvrir le risque d’annulation des JO 2024, couvriront un grand risque. Si un incident se produit, ils devront couvrir les assurés eux-mêmes. C’est déjà le cas avec les assureurs cités plus tôt, ils vont devoir adopter une stratégie de partage du risque en coassurance. Dès lors, tout l’enjeu pour chacun sera de réussir à prendre la plus grosse part du risque, mais sans en prendre trop : celui qui se retrouve dans cette position se nomme « l’apériteur », les autres sont appelés « les suiveurs ». Néanmoins, même partagé ce risque restera très important. Les assureurs vont donc certainement faire fortement appel à des réassureurs afin de garantir le complément de risque maximum couvert.
Concernant l’organisation des Jeux 2024, vont-ils dépassés le budget prévisionnel ? Outre les 3 grands risques majeurs, les organisateurs, vont-ils souhaiter mettre un dispositif en place afin de préserver le patrimoine, ou du moins de l’assurer face à d’éventuelles dégradations ? La seule assurance billetterie suffira-t-elle pour faire face à tous les risques autour des JO, notamment de tensions politiques (JO d’hiver 2018 en Corée du Sud, JO 2020 au Japon) et aux menaces terroristes (Paris pour les JO d’été 2024) ? Les assureurs et réassureurs se positionnant fortement sur ces créneaux, les paris sont ouverts.