Décret APA : quels enjeux du sport sur ordonnance ?
Nous vous l’avons indiqué dans un précédent article, le sport paraît jouer un rôle clé en matière de prévention. Introduit par le décret APA, le sport sur ordonnance soulève plusieurs questions chez les acteurs de la santé.
La prescription du sport est encadrée par le décret APA
Concrètement, la prescription d’activité physique comprendra une ordonnance qui encadrera la pratique sportive, autrement dit, ce que le patient a le droit de faire ou pas et les précautions qu’il devra prendre. L’observance de cette prescription sera clé, comme dans le cadre de la prescription d’un médicament ; elle déterminera l’efficacité ou la réussite du traitement. Les experts réunis par Stimul[1] ont rappelé que cette prescription pose question (voir encadré) puisqu’elle n’ouvre pas la possibilité à un remboursement au-delà de la liste restreinte des Affections Longue Durée (ALD) concernées par le décret.
Le décret APA soulève plusieurs questions en termes d’impacts sur le système de santé
La question du remboursement
Excepté pour les pathologies listées, les activités prescrites ne sont pas remboursées. Pour autant, la question de l’organisme qui financera le remboursement de la pratique sportive dans le cadre de pathologies intégrant la liste des ALD éligibles reste encore entière. Cela pourrait limiter l’impact de cette nouvelle loi, qui vise à révolutionner le rapport qu’ont les Français à l’activité physique. Elle est ainsi souvent perçue comme une contrainte, et rarement comme un médicament efficace.
Même si les patients sont intéressés par un traitement à base de sport, ils peuvent être freinés par son coût. Les assureurs et mutuelles doivent ainsi mettre en place des actions résolument orientées vers la prévention et l’activité physique. Cette transition des offres sur le marché de l’assurance-santé sera la condition sine qua non à l’augmentation de la pratique d’activités sportives, sous encadrement médical, par les assurés en vue d’une réduction de la sinistralité du marché.
La question de la crédibilité des professionnels de santé
Comment les professionnels de santé pourront-ils être crédibles ? Les médecins doivent prescrire des activités pertinentes, adaptées et efficaces pour traiter les pathologies de leurs patients. Ils doivent être en mesure de convaincre des effets concrets des traitements prescrits pour obtenir leur adhésion. Les médecins sont également chargés de transférer les patients vers des centres capables de les prendre en charge efficacement et d’administrer correctement les traitements. Ces centres devront avoir l’infrastructure et l’expertise nécessaires pour encadrer l’activité sportive dans le cadre d’une ALD (traitement, prévention secondaire et tertiaire). Les acteurs vont progressivement s’organiser. Nous pouvons supposer que la qualité de service et de soin sera évaluée, par exemple par la mise en place de labels.
La question de la formation des personnels : entraîneurs, médecins et étudiants en médecine générale et médecine du sport
Cette réforme nécessite un important dispositif de formation et d’information. D’abord pour les médecins, qui sont clés dans la mise en œuvre de ce dispositif. Ces derniers doivent être informés des activités physiques prescriptibles adaptées aux pathologies de leurs patients. Ainsi, les nouveaux programmes d’études de médecine intègrent désormais 30 heures de sensibilisation, contre 2 heures auparavant. L’enjeu est de renforcer en premier lieu l’adhésion des médecins aux bénéfices directs de la pratique d’une activité sportive sur l’état de santé de leurs patients, et de fait, de pallier les refus de prescription des séances d’activité physique, faute de compétence, de temps ou d’appropriation.
Il faudra également former les personnels qui auront la responsabilité d’appliquer les prescriptions, c’est-à-dire de faire pratiquer une activité physique adaptée aux patients. Les centres sportifs d’entrainement ne sont actuellement pas en mesure d’assurer cette offre. En effet, leurs entraîneurs sont d’abord responsables des performances des équipes liées à leur centre. Les centres devront recruter des nouveaux éducateurs sportifs spécialisés pour traiter les pathologies des patients qui leur seront adressés.
En conclusion, cette révolution en profondeur intégrant pleinement la pratique d’une activité sportive aux parcours de soins dans les mentalités et les pratiques prendra du temps. Au-delà de la loi, c’est une révolution des mentalités qu’espèrent les professionnels de santé. Ils attendent des Français qu’ils changent leur rapport à l’activité physique. Ils doivent prendre conscience des bienfaits engendrés, et en faire à la fois une habitude, un médicament, et une source de plaisir. Les assureurs devront se confronter à une réflexion en profondeur vis-à-vis du remboursement du sport prescrit dans le cadre du décret APA mais également au-delà de ce cadre, pour favoriser pleinement l’intégration du sport dans les parcours de prévention visant la réduction de la sinistralité.
[1] Voir encadré portant sur la startup Stimul dans notre précédent article : www.insurancespeaker-wavestone.com/2017/05/decret-apa-enjeux-sport-sur-ordonnance/