Avec 241 milliards d’euros de cotisations collectées en 2016 et un encours de 2 480 milliards d’euros d’investissements, la Grande Bretagne constitue le premier marché de l’assurance en Europe. Or, sa sortie progressive de l’Union Européenne soulève la question des impacts potentiels pour les assureurs. De fait, comment les assureurs implantés en Grande-Bretagne et dans l’UE vont y faire face ?

Dès les premiers jours qui ont suivi le résultat du référendum, le marché de l’assurance a été la cible des investisseurs puisqu’il a subi une chute de près de 10% de l’indice Stoxx® Europe 600 Insurance. A court terme, la baisse des valeurs boursières des compagnies d’assurances a fragilisé les ratios de Solvabilité 2 et notamment en assurance de personnes. Les assureurs ont donc pris des mesures pour rassurer les marchés : par exemple Aviva a effectué une analyse approfondie des implications possibles afin d’anticiper les conséquences du Brexit.

À plus long terme, une autre des conséquences potentielles du Brexit sur les assureurs pourrait être la fin des activités de « passporting ». Pour rappel, le « passporting » consiste pour une entreprise implantée dans un pays membre de l’EEE (Espace Economique Européen) à aller exercer librement son activité dans un autre pays membre. Dans l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni de l’EEE, la fin du « passporting » pourrait freiner les créations de filiales au Royaume-Uni, car cela entraînerait des coûts opérationnels et de capital supplémentaires.

Face à ces craintes, les prochaines négociations entre l’UE et la Grande Bretagne pour définir le modèle de fonctionnement cible seront décisives. La première ministre britannique Theresa May a déclaré vouloir entamer les négociations sur les conditions de sortie de l’UE d’ici la fin du mois de mars 2017.

Quelles sont les priorités des prochaines négociations pour les assureurs opérant sur le marché britannique ?

 A ce stade, quatre priorités ont été identifiées :

  1. Garantir l’accès au marché unique : cette mesure est vitale car elle permettrait de maintenir les libertés d’implantation : préserver les dispositions en matière de passporting dans le cadre d’accords commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE et reconnaître l’équivalence des régimes réglementaires.
  2. Harmoniser les questions juridiques : il sera important de clarifier les termes et les conditions juridiques appliqués aux contrats et d’éliminer les doutes sur la validité des contrats écrits avant Brexit, tant pour les contrats clients que pour les contrats entre les filiales.
  3. Harmoniser les questions fiscales : le Royaume-Uni et l’UE devraient s’assurer de la cohérence en matière d’équité et de transparence fiscale.
  4. Rassurer les clients en cette période d’incertitudes : enfin, il faudra rassurer les clients sur les futures dispositions, et les éventuels impacts sur les couvertures de leurs contrats.

De plus, en permettant aux entreprises européennes de maintenir la présence de leurs succursales, la compétitivité de Londres pourrait être préservée. Le régime réglementaire du Royaume-Uni devrait vraisemblablement rester équivalent au système de solvabilité II de l’UE. De plus, il devrait également y avoir une reconnaissance mutuelle en matière de transferts de portefeuille et des dispositions pour la protection des données.

Brexit, opportunité ou menace ?

Avec la sortie de Londres, Paris devient de fait le premier marché de l’assurance au sein de l’Union Européenne, avec près de 200 milliards d’euros de cotisations collectées.

Cependant, de plus en plus de grandes compagnies d’assurances, comme AIG ou Admiral, envisageraient de déménager leurs activités londoniennes en Irlande. De par ses liens économiques forts avec la Grande Bretagne, l’Irlande fait partie de cette poignée de pays européens pouvant  bénéficier du Brexit. La Banque Centrale a d’ailleurs évoqué le sujet lors de son examen biannuel macro-financier de l’économie : « Un nombre croissant de groupes mondiaux d’assurance envisagent de demander une nouvelle autorisation en Irlande, en particulier pour établir leur siège pour les entreprises européennes en Irlande plutôt qu’au Royaume-Uni ». Qui de Paris ou de Dublin saura tirer profit du Brexit ? Les prochains mois décisifs fourniront probablement les premiers indices …