L’assurance en 2016: un bilan contrasté, entre développement et vulnérabilité
2016 s’achevant, l’heure est venue de faire le bilan. Des offres connectées à la pression réglementaire renforcée, de l’économie collaborative à la sur-sinistralité, nous vous proposons une rétrospective des grandes tendances et événements qui ont marqué le secteur de l’assurance cette année.
2016 : une année marquée par le développement de nouvelles offres innovantes
Les offres « connectées » continuent leur percée
L’innovation et le digital offrent aux assureurs de belles perspectives de croissance et un moyen de renouveler leurs modèles, vers une logique de prévention. Nombreux sont ceux qui se tournent vers les offres « connectées ». C’est notamment le cas d’Allianz avec son assurance auto Conduite Connectée : lancée en 2015, l’application permet d’analyser sa conduite, de recevoir des conseils, de bénéficier du service d’assistance Allianz et d’obtenir des réductions pouvant atteindre 30% de la prime d’assurance. Allianz a ouvert en 2016 son application à l’ensemble des conducteurs, même non assurés Allianz afin de séduire de nouveaux clients. Dans une logique de « freemium », l’assureur invite les mobinautes à découvrir l’étendue des services et connaître la réduction potentielle de prime dont ils bénéficieraient en souscrivant l’offre.
Dans le segment de la MRH, le créneau de la Smart Home est aussi massivement investi. Télésurveillance, détection d’intrusion, d’inondation ou encore d’incendie, pilotage de sa consommation énergétique ou encore interrupteur sans fil commandé, voici la promesse des nouvelles offres d’assurance habitation. La Matmut propose l’ensemble de ces services au travers de trois formules : tout inclus, à la carte et essentielle. Mais les services vont au-delà de la simple logique de prévention : suite à un sinistre, et dans le cadre d’une réparation en nature, le boitier connecté TH2O de la Matmut mesure le taux d’humidité des parties endommagées et envoie directement l’information à l’assureur qui détermine quand mandater un prestataire pour les travaux. Ce service évite le recours à un intermédiaire expert et accélère la procédure de réparation.
En France, si la modulation tarifaire pose de nombreuses questions en assurance santé, le secteur n’est pas en reste en matière de santé connectée. Un exemple notable est celui de Generali avec son programme de Pay As You Live « Vitality » : après avoir rempli un questionnaire définissant son « âge Vitality », l’assuré est invité à renseigner quotidiennement des données liées à son hygiène de vie via un bracelet connecté ou une simple déclaration. Les bons comportements sont ensuite récompensés par des bons de réduction chez des partenaires (sport, nutrition, voyage…). Cette offre, qui devrait êtrelancée en France début 2017 dans le cadre de contrats collectifs, semble poser les bases de l’assurance au comportement en France. Toutefois, elle se heurte à des craintes liées au traitement des données personnelles par l’assureur et les employeurs et à une interdiction légale de procéder à des modulations tarifaires en santé.
L’économie collaborative : un relais de croissance pour les assureurs
L’économie collaborative bouleverse les usages et crée de fait de nouveaux besoins d’assurance. Les assureurs ont rapidement perçu le potentiel de ce nouveau marché et cherchent à nouer des partenariats avec les start-ups de l’économie du partage.
C’est ainsi que Drivy, plateforme de location de voiture entre particuliers, s’est rapprochée d’Allianz pour protéger ses utilisateurs. Le partenariat comprend la couverture des accidents, le vol et l’incendie mais aussi les dommages causés par tiers. Le partenariat ne s’est pas limité à la vente de contrats standards puisque les deux entreprises ont co-développé une offre d’assurance spécifique aux besoins de la start-up. Fort de ce succès, l’assureur allemand a signé en juin 2016 un nouveau partenariat avec une start-up spécialisée dans la location de bateaux entre particuliers, Click&Boat. L’offre couvre le bateau contre toute sorte de dommages mais aussi le locataire en cas de dommages corporels à hauteur de 6 millions d’euros. Allianz met également à disposition des utilisateurs de la plateforme le service d’assistance de sa filiale Mondial Assistance.
L’économie du partage ne se limite pas à des services de mobilité. Stootie, plateforme collaborative de location de services peer-to-peer (pose d’étagère, changement de roue, location d’objets), et la MAIF se sont associées pour créer un contrat d’assurance couvrant les services de moins de 500 euros rendus sur la plateforme. L’assurance couvre les dommages corporels, les dommages aux biens ainsi que la responsabilité civile (plafonnée à 15 millions d’euros).
Enfin, le secteur de l’hébergement est profondément bouleversé par le développement de l’économie collaborative. On ne présente plus les emblématiques start-ups AirBnb et Weroom qui ont renouvelé les usages dans l’habitation. Cette dernière vient d’ailleurs de nouer un partenariat avec MAIF Avenir et intègre désormais une assurance MRH adaptée à la colocation. Au programme : protection des biens et des personnes composant la colocation de tout accident ou incident. Pour Weroom, cette assurance permet de rassurer les propriétaires inquiets par la colocation et sécurise l’activité de la start-up. MAIF Avenir, structure de la MAIF dédiée au financement de l’innovation, du digital et de l’économie collaborative n’en est pas à son premier essai puisqu’elle investit massivement depuis quelques mois dans l’économie du partage : Koolicar, Guest-to-Guest, Locat’me, Mutum… Créée en 2015, la société dispose d’une enveloppe confortable de 125 millions d’euros à investir d’ici à 2018. Dernier investissement en date, MAIF Avenir a investi 3 millions d’euros dans la start up de location de camping-cars et vans entre particuliers Yescapa. Cet investissement renforce le partenariat initié en mai 2016 dans le cadre duquel la MAIF propose une assurance multirisques aux utilisateurs de la plateforme.
2016 : une année tourmentée pour les assureurs
2016, l’année du renforcement de la pression réglementaire
En matière de réglementation, l’année 2016 a été charnière pour les acteurs de l’assurance. Petit tour d’horizon des réglementations les plus remarquables.
– La loi Sapin 2 étend les pouvoirs du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière – créé en 2013) au secteur de l’assurance. Cette instance a pour rôle de prévenir des risques systémiques et de faciliter les échanges économiques et financiers en modulant les règles de dotation et de reprise de provisions pour participation aux bénéfices et en prenant des mesures macro-prudentielles préventives. L’Autorité peut aussi demander à se voir transmettre des informations pourtant couvertes par le secret professionnel.
– La loi Eckert, entrée en vigueur début 2016, instaure un comportement proactif dans la recherche des bénéficiaires de contrats d’assurance-vie non réclamés dits « en déshérence ». L’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) voit ses pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés. Au-delà de la contrainte réglementaire, la question de la mise à niveau des référentiels et outils internes des assureurs, bien souvent obsolètes, se pose.
– La Directive de Distribution d’Assurance (DDA) publiée le 2 février 2016 introduit des obligations pour les distributeurs dans la commercialisation des produits d’assurance : mise en place d’une gouvernance des produits (POG), formation continue pour les distributeurs, devoir de conseil, élaboration d’un document informant le client des caractéristiques du produit (PID) ou encore obligation pour le distributeur de communiquer sur la nature de sa rémunération. En synthèse, une réglementation très fournie parfois redondante avec d’autres réglementations qui risque d’avoir de forts impacts opérationnels sur l’activité.
– PRIIPs : initialement prévue pour le 31 décembre 2016, la nouvelle norme européenne relative aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs) contraindra les distributeurs de certains produits d’assurance-vie de remettre aux investisseurs non professionnels un document précontractuel recensant les caractéristiques du produit souscrit ainsi que les risques afférents. En cas de non-respect, des interdictions ou restrictions de la commercialisation de PRIIPs sont prévues. Néanmoins, face à la complexité de mise en œuvre opérationnelle de la norme, le Parlement Européen a décidé de reporter son entrée en vigueur, offrant aux assureurs un répit d’un an.
2016, l’année de la volatilité des portefeuilles clients
Les premiers effets de la loi Hamon, entrée en vigueur début 2015, se sont faits sentir. Pour rappel, la loi assouplit les procédures de résiliation d’un contrat d’assurance en permettant aux assurés de résilier leur contrat d’assurance à tout moment dès le 13ème mois d’adhésion (auparavant, la résiliation ne pouvait survenir que dans les deux mois suivant le renouvellement annuel automatique des contrats). Les objectifs du gouvernement sont clairs : favoriser la concurrence dans le secteur de l’assurance, libérer les assurés et contenir les tarifs pratiqués. Mais pour les assureurs, cette loi a pour conséquence de rendre les portefeuilles de clients très volatiles. Rien que pour le marché de la MRH, ce ne sont pas moins de 400 000 résiliations qui ont été comptabilisées depuis début 2016. Dans la santé, le phénomène risque bien d’être plus considérable avec l’entrée en vigueur de l’ANI en janvier 2016, qui rend obligatoire la souscription au contrat santé collectif de l’entreprise pour l’ensemble des salariés. Attaqués de toutes parts, les assureurs doivent désormais focaliser leur attention sur l’amélioration de leur relation client afin de fidéliser leur clientèle.
2016, l’année de la sur-sinistralité
L’année 2016 a été marquée par une forte sinistralité climatique dont le point culminant fut l’épisode d’orages de grêle et de pluies diluviennes qui ont mené à la crue du Loing, de l’Ouanne puis de la Seine en juin dernier. On se rappelle des images de la Seine sortant de son lit. Avec plus de 80 000 sinistres déclarés et un coût évalué entre 900 millions et 1.4 milliard d’euros, cette catastrophe est la plus lourde financièrement pour les assureurs. La MAIF avance même un coût lié à ces intempéries de 2 milliards d’euros. Une estimation conséquente que devront prendre en charge les assureurs mais aussi les réassureurs. En effet, dans le cadre de la Garantie catastrophe naturelle, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) financera la moitié du coût des dommages. Mais surtout, le phénomène de sur-sinistralité exerce une pression forte sur le ratio combiné des assureurs qui tend dangereusement vers le parfait équilibre entre les décaissements et les encaissements et nuit à leur profitabilité.
En synthèse, 2016 a été une année complexe pour les assureurs. Face à une hausse de la sinistralité et un contexte règlementaire imposant la plus stricte transparence et se matérialisant par une volatilité accrue des portefeuilles clients,les assureurs ont cherché à diversifier leur offre et innover pour maintenir leur retabilité. Pour compenser les pertes dues à la sur-sinistralité, les assureurs prévoient d’ailleurs d’augmenter significativement les primes auto et habitation en 2017 (jusqu’à 3% pour l’habitation, environ 2% pour l’auto). Parallèlement, les assureurs continuent leur percée dans le monde des objets connectés et ils auraient tort de s’en priver : l’assurance connectée devrait représenter 17% du marché européen en 2020. De quoi laisser entrevoir de belles perspectives de croissance…