Les Etats-Unis : premier marché mondial en termes de revenus

En 2015, le marché américain de l’assurance représentait une valeur de 1 155,4 Mds$. En 2014, il restait largement le premier marché mondial de l’assurance avec 28,9% de part de marché (le Japon était 2ème avec 9,88%, la France 5ème avec 5,06%) selon une étude SwissRe.

La distribution des produits d’assurance se fait au travers des réseaux d’agents affiliés, d’Internet, des bancassureurs et des agents indépendants.

Le marché se divise entre les assurances Property/Casualty (P/C, 45% des primes collectées), l’équivalent de l’IARD sans la santé, et les assurances Life/Health (L/H, 55% des primes collectées), assurances vie et santé (source : Insurance Information Institute). Il est largement dominé par les assureurs américains : MetLife, State Farm, AIG et Prudential Financial sont les leaders du marché. Seuls Aegon (Pays-Bas) et Axa (France) apparaissent dans le top 20.

Ceci s’explique par les difficultés à appréhender le marché américain pour des acteurs étrangers du fait de ses spécificités.

En effet, la structure fédérale des Etats-Unis crée plusieurs marchés à l’intérieur d’un pays. Les réglementations, les risques, les profils de client, etc. diffèrent d’un Etat à l’autre et les primes s’en ressentent. Par exemple, les primes mensuelles de l’assurance automobile vont de 77$ dans l’Ohio à 213$ dans le Michigan. Ces variations s’expliquent par les différences de limitation de vitesse, de densité de population, du trafic, des statistiques locales …

De plus, le marché américain est traditionnellement moins réglementé que le marché français ce qui laisse plus de liberté aux assureurs. Ainsi, des acteurs proposent un produit appelé Life settlement (règlement du vivant) consistant à racheter l’assurance vie d’une personne dont la fin de vie est proche. L’acquéreur continue à payer les primes jusqu’à la mort du détenteur d’origine puis récupère le capital. Il fait donc un pari sur la durée de vie du détenteur pour faire un achat rentable. Une pratique qui peut paraître particulière de prime abord mais qui rappelle finalement le principe de la vente en viager en France.

Par ailleurs, jusqu’à l’Obamacare voté en 2010 et entré en vigueur en 2014, l’assurance santé n’était pas obligatoire aux Etats-Unis alors que, selon l’OCDE, les dépenses de santé représentent 16,6% du PIB (France : 11,1%).

 

Un marché récemment remodelé par la puissance publique, touché par les catastrophes naturelles 

Le rôle du secteur public est historiquement peu important aux Etats-Unis : les assurances sont souscrites soit individuellement, soit par l’entreprise dans le cas de l’assurance santé. La réforme Obamacare a donc provoqué un bouleversement important du secteur en faisant rentrer des institutions publiques dans le marché de l’assurance avec le Medicare pour les personnes de plus de 65 ans et les personnes invalides (création d’une assurance-santé gérée par le gouvernement) et le Medicaid pour les personnes à faibles revenus (subventions fédérales). De plus, elle a obligé 16,4 millions de citoyens autrefois non couverts à souscrire à un contrat d’assurance santé sous peine d’amende fiscale, ce qui a créé un formidable vivier de nouveaux clients aux besoins spécifiques.

La start-up Oscar en a profité pour capter une part du marché de l’assurance santé en offrant une assurance plus digitale et connectée (application et site user-friendly, réseau de soin interconnecté, self-care …), en accord avec les besoins des jeunes qui étaient nombreux à ne pas être assurés. D’autres nouveaux acteurs ont pénétré le marché américain de l’assurance  avec plus ou moins de succès. Ainsi, Google a souhaité offrir avec Google Compare un service de comparaison d’offres d’assurance mais a fermé en 2016, faute de revenus suffisants. Ces nouveaux acteurs viennent défier les acteurs traditionnels, dont les résultats sont déjà affectés par les catastrophes naturelles.

En effet, les Etats-Unis ont connu ces dernières années un nombre important de catastrophes naturelles (inondations, ouragans, sécheresses …). L’impact financier pour les assureurs est conséquent.

Au premier trimestre 2016 d’importantes chutes de grêles ont touché plusieurs états américains. Les assureurs P/C ont dû indemniser leurs assurés à hauteur de 4,8 Mds$, soit la somme la plus importante pour un premier trimestre depuis 10 ans (3,1Mds$ en moyenne). Ils ont ainsi vu leur rentabilité diminuer entre le premier trimestre 2015 et le premier trimestre 2016 : les revenus après taxes ont baissé de 4,8 Mds$, leur rentabilité de près de 3 points et leur ratio combiné a augmenté de près de 2 points.

Enfin, trois acteurs américains (AIG, Metlife et Prudential Financial) ont été considérés comme « assureurs réputés systémiques », c’est-à-dire dont la faillite présente un risque pour l’économie mondiale. Ces assureurs devront répondre à des exigences prudentielles plus importantes, qui, selon le PDG de Metlife, représentent « un inconvénient de compétitivité significatif ».

 

Plan de restructuration, fusion-acquisition et développement à l’international : action – réaction !

Afin de tenter de sortir de la liste des assureurs systémiques, Metlife a annoncé en janvier 2016 vouloir se séparer de son activité « retail » aux Etats-Unis, celle-ci représentant près de 20% de son résultat opérationnel. Dans la même logique, Carl Icahn, milliardaire américain actionnaire d’AIG avait proposé que le groupe AIG soit divisé en trois entités indépendantes (dommages et sinistres, assurance-vie, prêts) afin d’échapper à cette règlementation et de réaliser des économies.

AIG a lancé un plan de restructuration afin de se redresser et de réduire ses coûts après plusieurs trimestres de pertes : suppression de 400 postes, investissements informatiques pour réaliser des économies et vente de ses activités de courtage et d’assurance hypothécaire.

Les assureurs cherchent donc à améliorer leur profitabilité en se concentrant sur leur cœur de métier, en assainissant leur portefeuille et en réduisant leurs coûts opérationnels.

Par ailleurs, on constate en 2014 un pic des fusions et acquisitions sur le marché américain de l’assurance. Ces opérations permettent aux acteurs de renforcer leur position en étendant leur base de clientèle, en réalisant des économies d’échelle et en améliorant leur rentabilité et leur solvabilité. Ces méga groupes peuvent ainsi conquérir de nouvelles parts de marché tant sur le marché domestique qu’à l’international. En effet, les marchés émergents représentent un relais de croissance important pour les assureurs américains. Ainsi, alors qu’en 2013 les marchés « matures » connaissaient une croissance de 2% des primes d’assurance vie et une diminution de la valeur des primes en assurance non-vie, les marchés émergents avaient respectivement une croissance de 8% et de 5%. De plus, les taux de pénétration de l’assurance sont bas et le nombre de clients potentiels important, c’est pourquoi les assureurs américains cherchent à pénétrer ces marchés au travers de joint-venture ou d’acquisition d’acteurs locaux.

Dans le domaine de l’assurance santé, les acteurs cherchent à se rapprocher pour peser davantage dans les négociations, notamment sur le prix des médicaments, et pour mutualiser les dépenses. Cependant, le Ministère de la Justice est intervenu en 2015 pour bloquer deux fusions car elles auraient eu pour conséquence une réduction de la concurrence et une concentration forte du marché entre trois mastodontes.

 

Et l’innovation dans tout ça ?

Metlife a ouvert un hub technologique en Californie pour développer des offres digitales. Humana a développé un partenariat avec le réseau de pharmacies CVS pour permettre à ses adhérents de régler leurs cotisations d’assurance dans les pharmacies. AIG a investi dans des start-up pour proposer à ses clients de nouvelles offres, comme la start-up « Human Condition Safety » qui propose aux industriels de fournir à leurs ouvriers des wearables (vêtements connectés) pour mieux évaluer les risques professionnels et envoyer une alerte si besoin (ex : si  un ouvrier porte un poids excessif).

En comparaison, en France uniquement, cinq assureurs ont ouvert des labs pour favoriser l’innovation et sept investissent dans des start-up et/ou ont ouvert des incubateurs pour développer des partenariats. Axa a également ouvert un lab dans la Silicon Valley et un à Shangai où l’assureur a déjà mis en place trois partenariats avec des start-up locales (assurance-crédit peer to peer, assurance à l’usage pour les chauffeurs d’une plateforme de taxi et application santé).

Au vu de l’importance des assureurs américains dans le marché mondial de l’assurance, leur contribution à l’innovation dans ce secteur semble bien faible. Est-ce le reflet d’une stratégie « wait and see »  ou d’une absence de stratégie d’innovation ? Seul l’avenir nous le dira !