2016 est une année chargée pour les assureurs … Le sprint final du lancement de Solvabilité 2, l’entrée en vigueur de l’ANI 2013 ou encore les effets de la loi Hamon sur les résiliations de contrats sont autant de règlementations qui viennent bouleverser le secteur. Si l’on ajoute à cela l’entrée en vigueur de la loi Eckert, le surplus de travail est colossal.

En effet, la loi Eckert votée le 13 juin 2014 est entrée en vigueur au 1er janvier 2016, avec pour objectif de redistribuer aux ayants droits les sommes conservées sur des contrats d’assurance vie en déshérence et comptes bancaires inactifs. En 2014, 1.8 million de contrats étaient non réclamés, selon l’ACPR, entraînant des encours de 4.4 milliards d’euros, dont 2.8 milliards d’euros sur le seul secteur de l’assurance (Chiffres MAJ dans le rapport du 29 avril dernier, rendu au Parlement, l’ACPR, sur la situation des contrats d’assurance vie en déshérence).

Source : Chiffres issus du rapport ACPR sur les contrats en déshérence (2013)

Cette loi impacte négativement les compagnies et dégradent fortement leur image. En effet, dans le cadre de procédures disciplinaires conduites par l’ACPR avec l’appui de son récent pouvoir de sanction, plusieurs pénalités ont été érigées à l’encontre de sociétés d’assurance, ce qui peut laisser présager une intensification des contrôles pour l’avenir (la plus importante étant celle dont a écopé  Allianz à hauteur de 50 millions d’euros). Ceci crée ainsi une urgence chez les assureurs qui s’empressent de s’adapter aux contraintes en édictant de nouvelles procédures dans le but d’éviter une nouvelle  sanction. Cependant, la peur de la sanction ne doit pas être le seul leitmotiv des compagnies. Ces dernières doivent prendre conscience de l’opportunité que confère cette règle dans la conquête de nouveaux clients et notamment dans la possibilité de redorer leur image.

Loi Eckert et assurance vie : de quoi s’agit-il …

On peut résumer la loi Eckert au travers de 3 grands axes :

  • La recherche de bénéficiaires : avec cette loi, l’exigence augmente et l’obligation de résultat est instaurée. Le périmètre est élargi à la prévoyance et aux contrats de capitalisation. Sans oublier que l’utilisation du RNIPP via le dispositif AGIRA 2 est à utiliser obligatoirement pour la recherche de bénéficiaires.

 

  • Le transfert des contrats vers la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) : au bout de 10 ans de déshérence et après des recherches infructueuses, comme le précise la loi, le transfert des fonds présents au contrat est inéluctable. Cependant, la mécanique et l’automatisation de ce processus peut s’avérer complexe. Sachant que la CDC n’a pas dans ses prérogatives la recherche des bénéficiaires, ceci devrait entraîner une pression supplémentaire exercée par l’ACPR aux assureurs sur la période de 0 à 10 ans.

 

  • L’exigence de transparence et de performance opérationnelle : la loi Eckert se définit comme un véritable « manifeste de la transparence » en stipulant un devoir d’information continue auprès de tous les ayants droits. C’est également la gestion des prestations que la loi durcit en intégrant des pénalités de retard (sous forme de taux d’intérêt) sur la gestion des contrats, ce qui va mettre la pression sur les équipes opérationnelles.

 

Le traitement des dossiers en déshérence n’est pas le seul enjeu induit par cette loi

L’enjeu de cette loi est véritablement d’instaurer un comportement proactif pour la recherche des ayants droits, chez les assureurs et les banquiers. La fixation de délais de traitement pour les recherches va entraîner d’importantes transformations, ainsi la mise en œuvre de plans organisationnels sont nécessaires. Les impacts les plus importants à prévoir concernent les systèmes d’informations des compagnies. En effet, la mise en application de la loi nécessite un renforcement de ceux-ci pour disposer d’outils de gestion plus performants dans la gestion de la relation client et permettant, de plus, de répondre au niveau de traçabilité exigée par l’ACPR sur leur portefeuille d’assurés.

La nécessité d’une mise à niveau des référentiels et outils internes, au sein des assureurs, est clairement mis en évidence par la promulgation de la loi Eckert, le tout dans un contexte où le principe du KYC (Know Your Customer) est au centre de toutes les attentions. La connaissance du client et de ses données est un enjeu majeur du secteur pour permettre la diversification et la personnalisation des offres, à l’heure de la « vision client 360 degrés ». Malgré tout, si le retard structurel et SI en matière de connaissance client de certains se ressent, il ne constitue plus uniquement un désavantage concurrentiel, mais avec la loi Eckert, un fardeau réglementaire de plus à traiter.

Ces modifications d’approches sur la collecte de données clients et de stockage de celles-ci au travers de SI plus performants permettra d’identifier plus vite les contrats non réglés, de rechercher les assurés et les ayants droits. Investir dans la donnée est donc un levier majeur pour réussir à atteindre les objectifs dictés par cette règlementation, tout comme le fait d’appliquer une démarche de recherche en masse et le déploiement d’outils de pilotages et de traçabilité.

Les opportunités insoupçonnées engendrées par ces transformations

Dans le cadre de la mise en place de la loi Eckert, des changements sont à prévoir pour les assurances. Cependant, ces mutations ne doivent pas être vues comme une contrainte mais plutôt comme une opportunité (éternel optimiste que je suis, je préfère « voir le verre à moitié plein … »). Ces opportunités sont multiples et s’étendent au domaine commercial et marketing mais également au domaine des systèmes d’informations ou encore de la technique produit. Il faut pour cela anticiper la loi Eckert et non pas subir ses prérogatives, puisqu’anticiper permet de prévoir et de s’organiser pour mettre en place des quickswins.

Cette approche gagnant-gagnant se traduit par une meilleure connaissance des différentes clauses bénéficiaires de chaque contrat de la part des gestionnaires, mais également des opportunités liées au développement de la relation client avec ces mêmes bénéficiaires permettant le réemploi, la réallocation de cette épargne actuellement en déshérence sur les contrats d’assurance vie. L’ensemble de ces opportunités renforce les liens commerciaux avec leurs clients potentiels pour les assureurs. Cependant l’impact positif concernant l’aspect commercial n’est pas unique, en effet les opportunités se trouvent également dans la branche marketing.  L’importante recherche de bénéficiaires permettra la création d’une base de données complète avec des informations pertinentes sur une cible potentielle afin d’organiser de nouvelles campagnes segmentées en fonction de la clientèle.  Il sera, par exemple, possible de créer des offres familles, à l’image de ce que développe le secteur bancaire. Il ne s’agira plus de cibler un client en particulier mais de créer une offre en lien avec les connaissances globales acquises sur l’environnement du prospect. Les thématiques du Big Data et du client « 360 degrés » prennent ainsi toute leur dimension dans ce procédé grâce au recoupement d’informations, possible à l’aide des technologies actuelles.

Nous pouvons également ajouter à cela les opportunités offertes dans le cadre de la revue des différents contrats mais également des conventions de gestion. La maîtrise des référentiels contrats internes aux différentes compagnies ou encore la revue des conditions générales permet de redéfinir les conventions et cibler les contrats les plus avantageux pour limiter la surmultiplication de ceux-ci, simplifiant dès lors le métier de gestionnaire. Ces opportunités orientées technique produits permettront d’améliorer la gestion des prestations offertes par les compagnies et, par conséquent, le niveau de service perçu par le client final.

Enfin, l’opportunité majeure de cette loi est de profiter de ces contraintes pour investir dans de nouveaux systèmes d’informations et remplacer ceux ne permettant pas de gérer une documentation massive en lui alliant une qualité accrue. En effet, il y a nécessité de disposer d’un système d’information performant pour les assurances afin de collecter les données et traiter selon les délais impartis les capitaux non réclamés. Ceci permettra de stocker cette donnée et de la réutiliser à bon escient pour de nouvelles souscriptions de clients. Comme l’affirme Fabrice Pesin, Secrétaire Général de l’ACPR, « les oublis de paiement impactent négativement le niveau de confiance des assurés, ainsi le devoir de conseil coure tout au long du contrat ». C’est pourquoi il faut utiliser cette contrainte pour renouer le contact client et renforcer les liens entre les clients et les assureurs, qualifiés trop souvent – à tort – de « voleurs ».

Les règlementations s’inscrivent également comme un levier permettant de redorer l’image du secteur assurantiel face à des clients souvent désenchantés.  « Volontarisme » et proactivité sont désormais les mots d’ordre pour les assureurs.

En résumé, la loi Eckert est une opportunité de revoir les outils et les conventions internes mais également de permettre une réutilisation opportune des connaissances acquises sur les clients et leur environnement pour leur proposer des produits ciblés permettant de réallouer cette épargne. Surtout que, rappelons-le, l’assurance vie est le placement préféré des français cumulant 128 milliards d’euros en 2014 !