Assureurs et changement climatique : mieux vaut prévenir que guérir
Le 13 avril dernier, l’ONU a organisé une réunion sur la résilience au changement climatique réunissant plusieurs acteurs mondiaux de l’assurance. Son objectif : réfléchir à la façon d’anticiper et de prévenir le changement climatique dès 2020, en incitant notamment les assureurs à agir. La réglementation peut-elle être la clé de leur mobilisation ?
Les assureurs, acteurs clés de la lutte contre le changement climatique
Même si elles offrent des opportunités en termes de nouveaux produits assurantiels, les catastrophes naturelles – de plus en plus fréquentes – ont un coût très conséquent pour les assureurs. Pour la France seulement, la FFSA a ainsi estimé à 92 milliards d’euros le coût cumulé des dégâts causés par des aléas naturels de 2014 à 2040, dont 13 milliards d’euros directement imputables au changement climatique. Dans la lignée de la COP21, qui avait mis en évidence la nécessité de lutter contre le changement climatique, Ban Ki-moon a rappelé aux assureurs le rôle clé qu’ils ont à jouer.
Au-delà de la simple indemnisation, les acteurs de l’assurance doivent selon lui se positionner comme des référents en matière de prévention et d’alerte afin de réduire les risques de catastrophes naturelles ou, à défaut, de limiter les dégâts occasionnés. Quelques pistes d’actions de prévention des aléas naturels ont été proposées par la FFSA à l’échelle de la France ; certaines pourraient être dupliquées à plus grande échelle. On peut entre autres citer l’obligation de réaliser un diagnostic des sols lors de la construction ou la cession d’un terrain construit ou constructible dans une zone à risques, la diffusion d’outils grands publics pour informer sur les risques naturels et leur prévention, ou encore l’indemnisation des frais de relogement en cas de destruction de la résidence principale lors d’une catastrophe naturelle.
Par ailleurs, les acteurs de l’assurance ont un rôle financier souvent oublié mais non négligeable qui influe fortement sur l’environnement. Premiers financeurs de l’économie, ceux-ci peuvent en effet influer sur le développement d’une économie moins carbonée, en favorisant les investissements dans des technologies et projets responsables tels que les énergies renouvelables. Si les assureurs commencent à s’engager pour rendre leurs portefeuilles d’actions plus « verts », leurs actions restent encore peu visibles.
Malgré la bonne volonté des acteurs, ces initiatives ont un coût, qui pourrait freiner les assureurs dans leurs démarches contre le changement climatique. Face à ce risque, un accord contraignant entre les pays est parfois évoqué. Mais est-il possible, et quels en seraient les impacts ?’
La contrainte réglementaire, un levier d’action ?
Afin d’inciter les assureurs à agir, plusieurs options en termes de règlementations ou d’accords internationaux sont envisageables.
Une première option serait de contraindre les assureurs à réduire l’impact carbone de leurs portefeuilles, en fixant par exemple un taux minimum d’investissements verts à réaliser. Cette option semble assez difficilement applicable, car il semble difficile de créer une règlementation au niveau international qui primerait sur les règlementations nationales. De plus, certains acteurs seraient désavantagés par la faible proportion d’énergies renouvelables de leur pays, qui limiterait leurs capacités d’investissement dans des infrastructures vertes.
Une autre éventualité serait d’assouplir les règlementations actuelles, comme Solvabilité II, afin de favoriser les investissements de long terme, notamment dans les PME et les infrastructures –énergie photovoltaïque, éoliennes, etc. Face aux exigences de capital requises par la règlementation actuelle, les assureurs doivent en effet optimiser le rendement et diminuer le risque de leurs investissements, favorisant les investissements court-termistes qui sont moins risqués. Revoir le risque attribué aux investissements dans les infrastructures vertes et prendre en considération les externalités positives (et pas seulement le rendement financier) encouragerait ainsi les assureurs dans leurs efforts.
Face à ces difficultés, une dernière option pourrait être de réaliser des traités et accords sur la base du volontariat sans contrainte règlementaire. Évoquée par Ban Ki-moon, la gestion des risques naturels pourrait être réalisée collectivement sur le modèle du CCRIF dans les Caraïbes et de la Capacité Africaine de gestion des Risques. Ces deux structures sont basées sur un modèle de prévention et d’indemnisation des risques naturels réunissant plusieurs pays autour de pools de risques (par exemple, inondations, sécheresse, ouragans, etc.). Lorsqu’un pays est touché par une catastrophe naturelle, des fonds sont rapidement débloqués, permettant de maintenir un minimum de services publics. Néanmoins, si ces initiatives fonctionnent à des échelles régionales autour de risques spécifiques et récurrents, on peut s’interroger sur la possibilité de déployer un tel modèle au niveau mondial, les pays n’étant pas tous soumis aux mêmes risques et à la même probabilité d’occurrence des catastrophes naturelles.
Les acteurs de l’assurance sont sensibilisés à l’importance de prévenir les catastrophes naturelles liées au changement climatique, mais ils doivent encore accentuer leurs efforts de gestion des risques et de financements responsables. Si la prise de conscience est générale, les collaborations internationales sont pour l’instant limitées mais pourraient s’avérer nécessaires afin d’aboutir à des résultats significatifs. Si l’utilisation de la contrainte réglementaire au niveau international parait difficilement imaginable –la COP21 en est l’exemple- la signature de conventions sur la base du volontariat semble être la piste la plus prometteuse pour aboutir à des engagements de la part des assureurs.