Développée par les constructeurs automobiles mais aussi par des géants du numérique comme Google, la voiture sans conducteur devrait être une réalité d’ici quelques années. Alors que de premiers modèles partiellement automatisés pourraient être commercialisés dès 2017, les véhicules 100% autonomes devraient faire leur apparition vers 2025, et se généraliser progressivement jusqu’en 2040.
Si cette rupture technologique est porteuse de nombreuses promesses (trajets plus sûrs, moins consommateurs en carburants, moins chronophages…), elle devrait également entraîner de profonds bouleversements dans tous les secteurs liés à l’automobile, au premier rang desquels l’assurance auto.
Des sinistres en baisse et en forte évolution
L’erreur humaine étant la cause de plus de 90% des accidents de la route, le développement de la voiture autonome s’accompagnera d’une diminution spectaculaire de la sinistralité. Cette baisse, estimée à 80% d’ici 2040 par le cabinet KPMG, devrait se répercuter sur le montant des primes, de sorte que le marché de l’assurance auto pourrait perdre 60% de sa valeur à l’horizon 2040 !
Néanmoins, les assureurs auront l’opportunité de couvrir de nouveaux types de sinistres, notamment dans le cadre de la responsabilité civile des constructeurs auto, qui devrait être davantage mise en cause. On peut ainsi prévoir l’apparition de sinistres sériels dus à des algorithmes de conduite défaillants, ou encore de sinistres en lien avec des cyberattaques.
Par ailleurs, les sinistres dus aux pannes, aux vols ou aux dégradations subsisteront, et pourraient même devenir plus sévères du fait du coût croissant des technologies embarquées dans les véhicules.
Autre lueur d’espoir pour les assureurs : la profitabilité des sinistres pourrait augmenter grâce une éradication quasi-totale de la fraude. Avec la voiture autonome et son lot de capteurs embarqués, difficile en effet de mentir sur les conditions d’un accident.
Le risque de nouveaux entrants
En plus de prévisions inquiétantes en matière de sinistralité, les assureurs auto devront prendre en compte le risque d’apparition de nouveaux concurrents sur leur marché. Les constructeurs automobiles pourraient ainsi tirer leur épingle du jeu en proposant eux-mêmes des offres d’assurances, par exemple en complément de leurs garanties existantes, dans un contexte où le véhicule représentera la principale source de risques.
De plus, les constructeurs ou les fabricants de capteurs pourraient s’appuyer sur les données collectées par les véhicules pour développer des modèles de risques plus fins que ceux des assureurs. Google, qui dispose d’un grand savoir-faire en matière d’analyse de données, et qui a réalisé plusieurs acquisitions dans le domaine de l’assurance ces dernières années, pourrait notamment en tirer profit.
De forts enjeux réglementaires
Le développement des voitures autonomes risque également de s’accompagner de nombreux débats réglementaires. Ces véhicules posent en effet de nombreux problèmes en termes de responsabilité. Sans conducteur en effet, vers qui se tourner en cas d’accident ? Vers le constructeur, le fournisseur de composants, le concepteur de l’algorithme ? En l’attente d’une réglementation, les assureurs plaident pour l’heure pour un système de « responsabilité sans faute », qui permettrait aux victimes d’être indemnisées avant que les diverses parties ne s’accordent sur la détermination des responsabilités.
Les débats devraient également porter sur la propriété des données collectées par les véhicules. Par exemple, dans le cadre d’une indemnisation, les assureurs réclameront sans doute d’accéder aux données permettant de déterminer les conditions de l’accident. Ils pourraient aussi exiger d’avoir un droit de regard sur certains algorithmes, et en particulier sur ceux conçus pour les situations d’urgence : en effet, quel comportement préconiser en cas de collision imminente avec un groupe de piétons ? Préserver la vie du conducteur, ou celles d’un plus grand nombre de personnes ?
De nouveaux clients et de nouveaux usages
Un dernier enjeu pour les assureurs consistera à s’adapter à la forte évolution de la demande. En abolissant certaines barrières réglementaires (âge miminum pour passer le permis), physiques (personnes âgées ou handicapées), et économiques (trajets et assurances moins coûteux), les voitures autonomes seront en effet accessibles à de nouvelles catégories de la population.
Ces véhicules devraient également favoriser l’essor de la mobilité à la demande et du modèle « Car As A Service », et contribuer ainsi à la réduction de la part du marché des particuliers au profit du marché des flottes commerciales.
Face aux évolutions annoncées de leur marché, les assureurs auto ne semblent toutefois pas encore prêts : selon KMPG, seulement 10% d’entre eux auraient déjà développé un plan stratégique intégrant les voitures autonomes. Si la voiture sans conducteur ne devrait pas arriver avant 2025, les assureurs gagneront pourtant à anticiper ces bouleversements, la concurrence de nouveaux entrants et la diminution globale du marché faisant peser des risques sur leur activité.