Chaque année, environ 15 millions de sinistres sont traités par des assureurs en France, soit plus de 40 000 sinistres par jour. Afin de gérer efficacement ce volume colossal tout en préservant l’intérêt des assurés, les conventions d’indemnisation  et de recours entre assureurs ont été mises en place. A quoi servent-elles ? Comment sont-elles régies ? Près de 50 ans après la signature de la première convention, quel bilan pouvons-nous en tirer et surtout quels visages arboreront ces conventions dans les années à venir?

Il était une fois des conventions d’indemnisation…

La première convention d’indemnisation, IDA[1] a été créé le 1er mai 1968 à l’issue d’une table ronde entre assureurs organisée par les pouvoirs publics. L’objectif principal de cette convention est de réduire la durée d’indemnisation des dommages matériels générés par des sinistres automobiles. Fort de ce succès, de nombreux accords inter-compagnies verront le jour dans diverses branches telles que l’automobile (IRSA, IRCA), la construction (CRAC), l’habitation… (CIDRE pour les particuliers et CID COP pour les copropriétés).

Bien que multiples et diverses, ces conventions s’appuient sur un mécanisme commun qui veut que tout assureur mandataire,  identifié tel quel par des règles définies dans la convention, s’oblige préalablement à tout recours, à indemniser selon le droit commun une victime d’un sinistre pour le compte d’un ou plusieurs assureurs mandant(s).

En fonction des caractéristiques du sinistre, les règles conventionnelles prévoient les conditions d’exercice du recours par l’assureur mandaté après que ce dernier ait indemnisé le sinistre.  L’assureur mandaté peut ainsi :

  • Abandonner totalement ou partiellement le recours auprès de  l’assureur mandant
  • Emettre un recours forfaitaire auprès de l’assureur mandant.
  • Emettre un recours au coût réel du sinistre auprès de l’assureur mandant.

L’application de ces principes, au-delà de modifier le métier de l’assureur, a surtout transformé en profondeur le service rendu aux assurés.

Quelques conventions d’indemnisation phares

Quelques conventions d’indemnisation phares

Une évolution avantageuse pour les assureurs et les assurés

Les conventions d’indemnisation et de recours ont en effet une incidence directe sur délai d’indemnisation des victimes en obligeant les assureurs adhérents à faire parvenir  à leurs assurés  un acompte à défaut d’une offre définitive d’indemnisation dans un délai défini dans la convention. En plus d’accélérer l’indemnisation, la désignation d’un assureur mandaté qui la plupart de temps est l’assureur de la victime du sinistre, contribue à la pacification du règlement qui s’avérait être une étape délicate lorsqu’elle était prise en charge par l’assuré de la partie adverse.

Le principe des conventions de recours permet également aux assureurs de s’épargner  des procédures de contentieux  aux issues disparates et aléatoires. Les dossiers « contentieux » qui pour la plupart relèvent de cas particuliers sont de manière générale soumis à un comité d’arbitrage de la convention, chargé de statuer sur les conditions d’indemnisation en cas d’échec des tentatives de conciliation au sein des hiérarchies des compagnies concernées.

Par ailleurs, les conventions d’indemnisation contribuent à une réduction significative des frais de gestion à travers les actes de gestion que les compagnies d’assureurs s’épargnent du fait de l’application de la convention.

Loin du satisfécit, les limites de l’indemnisation conventionnelle

Malgré les avantages et les intérêts reconnus aux conventions d’indemnisation, il est important de noter que celles-ci présentent des limites lorsqu’il s’agit de régler des sinistres d’une certaine importance d’où le plafonnement des sinistres rentrant dans le cadre des conventions. Les conventions d’indemnisation se distinguent ainsi par une aversion pour la complexité qui limite leur terrain de jeu.

Dans le même ordre d’idées, un des reproches communément émis à l’encontre des conventions d’indemnisation et de recours est qu’elles s’appuient pour l’essentiel sur une liste de  cas conventionnels qui ne couvrent pas l’exhaustivité des cas fonctionnels possibles. A titre d’illustration, les responsabilités conventionnelles en assurance automobile sont basées sur un constat amiable qui ne reflète que 56 cas distincts. La responsabilité est alors appliquée selon la situation au plus semblable.  De plus, contrairement au droit commun et la jurisprudence en la matière,  le calcul des responsabilités en automobile ne prend pas suffisamment en compte le code de la route ou l’incidence des facteurs extérieurs (tels qu’un manque de luminosité ou un excès de vitesse d’une tierce partie) qui devraient selon le sens commun faire partie des éléments d’appréciation de l’indemnisation.

Par ailleurs, la tentation est forte pour les compagnies d’assurances d’orienter l’instruction des dossiers en fonction des conventions applicables. Ceci se traduit concrètement par :

  • Une minoration de l’indemnité pour les sinistres compris entre le montant du recours forfaitaire et le plafond des dommages rentrant dans la convention : En effet, les assureurs supportent souvent seul  dans ces cas l’indemnisation de leurs assurés, indépendamment des responsabilités des parties impliquées.
  • Une incitation auprès des assurés à la création de petits sinistres dont le montant des dommages est inférieur au montant du recours forfaitaire : la balance du sinistre est de fait positive pour l’assureur en charge de l’indemnisation.

Quelles conventions pour demain ?

Le visage des conventions évolue en permanence, d’une part pour intégrer les arbitrages décidés au cours des années précédentes, et d’autre part pour s’adapter aux nouvelles pratiques dans la branche.  Dans les années à venir, de nouveaux choix pourraient s’imposer à  l’organisme en charge des conventions d’assurance[2] :

  • Le défi de l’IT: Le succès de l’informatisation de l’IRSA et plus récemment de l’IRCA plaide en faveur de l’automatisation des autres conventions. En plus de fluidifier les échanges, cette nécessaire évolution favoriserait un pilotage plus efficient des différentes conventions et un meilleur suivi statistiques.
  • L’élargissement du périmètre des conventions et la création de nouvelles conventions: Grâce au recul que les assureurs ont des conventions existantes, celles-ci pourraient être étendues afin de prendre en compte des cas de figures aujourd’hui exclus. Des nouvelles conventions d’indemnisation et de recours pourraient également voir le jour sur des activités d’assurances connues (transport, responsabilité civile matérielle..) ou sur des activités d’assurance de demain pouvant mettre en cause plusieurs parties prenantes (Environnement, protection des données…)
  • Des conventions internationales ?: L’harmonisation à l’échelle européenne des conventions d’indemnisation constitue également un axe d’évolution des conventions. Depuis la mise en place du constat européen d’accident, cette perspective se rapproche pour l’assurance automobile même si le chemin à parcourir reste long…très long.
[1] IDA : Indemnisation directe de l’assuré
[2] La gestion des conventions de règlement des sinistres incendie, auto et risques divers est assurée par le GCA (Gestion des conventions d’assurance) qui est un GIE créé par la FFSA et le GEMA.