La 21ème Conférence des parties (Cop21) se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Les 196 États signataires de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de Rio devront négocier des mesures concrètes et des règles contraignantes communes pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2° d’ici 2100, et mettre en place une transition énergétique efficace et durable. A ce titre, il convient de s’interroger sur le rôle de l’assurance contre le changement climatique, au regard des objectifs de la Cop21 et du mode de fonctionnement du régime Cat’ nat’ en France.
Quel est l’objectif de la Cop21 ?
Concrètement, chaque pays présentera sa contribution nationale en fonction de ses besoins et de sa capacité, et un accord de financement sur la transition énergétique devra être trouvé.
Un fond vert de 10 milliards de dollars existe déjà et a pour objectif de réaliser le transfert de fonds des pays les plus avancés vers les pays émergents et en développement, afin de mettre en place des projets pour combattre les effets des changements climatiques. Ce dispositif sera complété de financements publics et privés, y compris de sources innovantes, en faveur des pays en développement pour financer leurs actions de lutte contre le changement climatique, pour atteindre les 100 milliards de dollars en 2020.
Bien qu’il soit difficile d’établir un lien de causalité direct entre changement climatique et aggravation des phénomènes extrêmes en termes de fréquence et d’intensité, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne l’importance des activités humaines dans le dérèglement climatique et ses principales manifestations :
- la température moyenne mondiale a augmenté de 0,89° depuis 1901 et des hausses supplémentaires de 0,3 à 0,8° sont prévues pour 2100 ;
- les concentrations de CO2, de méthane et de protoxydes d’azotes n’ont jamais été aussi élevées, entraînant l’acidification et le réchauffement en profondeur des océans qui en absorbent une large part ;
- la calotte glacière diminue dangereusement, ce qui entraînerait la disparition de la banquise arctique vers 2050 et l’élévation du niveau de la mer de 86 cm.
Sans accord de la Cop21, nous allons donc vers un réchauffement de 3 à 4°C qui aurait des conséquences catastrophiques ; et qui aboutirait selon le GIEC à une perte de la biodiversité et une multiplication des événements climatiques extrêmes, notamment via des épisodes de sécheresse, de tempête et d’inondation, y compris en Europe. Cela aurait un impact direct sur l’économie et l’assurance. Selon le dernier rapport publié par le bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR), les catastrophes naturelles ont provoqué la mort d’un peu plus de 600 000 personnes et près de 1,891 milliard de milliards de dollars de pertes économiques (assurés et non assurés).
La France est l’un des quelques rares pays pouvant garantir à chacun de ses citoyens une indemnisation correcte en cas de sinistre causé par un phénomène naturel.
Comment fonctionne le régime cat’ nat’ en France ?
À la suite d’un événement naturel, le maire de la commune où des dommages ont été constatés établit une demande de reconnaissance communale d’état de catastrophe naturelle. Au terme d’une procédure interactive entre le maire, la préfecture, le préfet et la commission interministérielle, la reconnaissance d’une commune en état de catastrophe naturelle donne lieu à publication d’un arrêté interministériel au Journal officiel. Sans cet arrêté, les contrats assurant les biens contre l’incendie, les dégâts des eaux et le vol et qui couvrent l’assuré automatiquement contre les dégâts dus aux catastrophes naturelles ne pourraient pas s’appliquer. La garantie catastrophe naturelle prévoit la prise en charge des dommages matériels «causés aux biens assurés et à eux seuls». Pour être indemnisé, il faut déclarer le sinistre dès que possible au plus tard dans les 10 jours de l’arrêté interministériel, en y joignant un état déclaratif des pertes. Ce régime cat’ nat’ repose sur la combinaison de trois acteurs que sont les assureurs, la CCR (Caisse centrale de Réassurance), et l’État, et c’est ce qui permet de couvrir une succession de sinistres majeurs. De plus, ce dispositif est complété d’outils de prévention (les Plans de Prévention des Risques ou P.P.R .), ces derniers n’étant pas suffisamment exploités.
Le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) souligne que bien que la France soit dotée des meilleurs outils en matière de gestion des catastrophes et d’indemnisation des dommages, elle ne fait pas assez d’efforts sur la prévention des risques naturels. En effet, Alain Feretti, son auteur, s’interroge : « Finalement, est-ce que le fait d’être bien protégé en cas de catastrophe naturelle, n’est pas de nature à déresponsabiliser les gens ? » ; et propose des pistes de réflexion telles que prendre davantage en compte l’exposition aux risques dans les cotisations d’assurance, réformer le mode de financement et l’application du fond « Barnier », ou adopter une approche européenne du risque tempête. Une autre enquête réalisée par TNS Sofres pour Villes de France corrobore l’étude du Cese et conclut qu’en matière de gestion des risques naturels, les élus peuvent mieux faire. Des voix s’élèvent en faveur d’une révision des dispositifs de prévention et d’une réforme du régime Cat Nat. Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, a annoncé récemment la création d’un groupe de travail interministériel visant à améliorer les dispositifs de prévention. Ces questions ne seront néanmoins par au programme de la Cop21, cette dernière visant un accord au niveau international.
Quels sont les enjeux pour l’assurance ?
Le monde de l’assurance est largement impacté par les réflexions propres aux mesures contre les changements climatiques. Les événements climatiques pèsent de plus en plus dans la charge sinistre des assureurs, passant de 1M€ pendant les années 2000 à 2,2 M€ en 2014. Selon la FFSA, le coût des événements extrêmes en France va doubler dans les vingt prochaines années par rapport aux vingt précédentes, passant de 60 milliards d’euros versus 34 milliards d’euros entre 1988 et 2007. Si les phénomènes climatiques s’amplifient, les compagnies d’assurances ne seront plus en mesure de garantir les risques climatiques. C’est pourquoi elles sont des parties prenantes plus concernées que les autres, puisqu’elles indemnisent les conséquences des accidents climatiques, organisent la prévention et financent les infrastructures.
Pour répondre aux nouveaux enjeux liés au changement climatique, les assureurs doivent pouvoir en appréhender les risques et suivre leurs impacts. Quelques-uns s’appuient déjà sur des services météorologiques pour prévenir leurs clients en cas de risque imminent, afin qu’ils puissent se mettre en sécurité et protéger au mieux leurs biens. Mais, au-delà de ces outils d’alerte, l’enjeu est celui de la sensibilisation des assurés sur la durée afin qu’ils puissent changer leurs comportements sur le long terme. Les assureurs sont donc intéressés par les évolutions que peut apporter la Cop21, dans la mesure où ils sont au cœur de la gestion de risques, mais aussi parce que ces questions représentent des investissements structurels. L’événement sera donc un porte-voix pour la profession, laquelle pourra ainsi mettre en avant son rôle d’interface avec les pouvoirs publics, de coordination dans la perspective de l’événement, et de facilitateur.
L’amendement des règles de Solvabilité 2 en matière d’investissement de long terme des assureurs permet la mise en place de nouvelles stratégies d’allocations d’actifs pour réduire les investissements dans les économies carbonées en faveur d’une économie bas carbone. En effet, les assureurs multiplient les initiatives en faveur de la transition énergétique. C’est le cas de CNP Assurance, qui s’engage à réduire de 20% l’empreinte carbone de ses portefeuilles d’actions d’ici à 2020, et qui s’associe à la société de gestion Meridiam pour lancer le fond Meridiam Transition d’infrastructure verte visant à accompagner les projets d’efficacité énergétiques.
Ainsi, pour relever les défis de l’environnement au-delà de la conférence pour le climat, il faudra répondre à des enjeux de long terme : rediriger l’épargne des ménages, les fonds de pensions, les dispositifs d’assurance ou les fonds souverains vers des investissements de long terme et bas carbone est une problématique centrale. Cela exige des mécanismes financiers innovants permettant de réduire les risques des projets aujourd’hui bloqués par des coûts initiaux importants dans un environnement incertain. Il faudra aussi attirer les investisseurs privés et institutionnels en donnant une valeur aux actifs carbone pour toutes les actions permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est la Cop21 qui doit fournir le cadre politique décisif pour des réformes radicales. Espérons que cette rencontre aboutisse à un accord historique.