La COP 21 a démarré depuis dimanche dernier; les Etats participants cherchent des solutions à l’augmentation de la température moyenne du globe. La question environnementale est la problématique centrale du XXIème siècle, après des années de minimisation des effets sur notre économie et de résolutions non appliquées faute de consensus…l’occasion de proposer ce dossier consacré à la Responsabilité Environnementale et publié en plusieurs articles.
La première partie décrit comment le concept de responsabilité environnementale a pu faire son chemin, depuis les groupes de réflexions, jusqu’à son intégration dans le Droit international, européen et français.
Les prochains articles seront dédiés à l’application du principe de pollueur-payeur : le pollueur doit payer, oui mais selon quelle approche ? Pourra-t-il souscrire à une assurance lui permettant de couvrir les frais de prévention ou de réparation des dommages environnementaux ? Voici quelques éléments de réponse…
Qu’est-ce que la responsabilité environnementale ?
Une brève présentation de la responsabilité environnementale
La protection de l’environnement et le développement durable font l’objet de nombreux débats ces dernières années, que ce soit lors des dîners de famille, lors d’élections nationales ou encore au cours des assemblées de l’ONU. La COP 21 de décembre 2015 est la concrétisation de cette prise de conscience collective : nous avons le devoir de sauvegarder notre environnement, nous avons une responsabilité environnementale.
Cette responsabilité particulière est inscrite dans le Droit, nous y reviendrons, et possède la définition suivante : « pour une personne physique ou morale, c’est protéger de manière préventive l’environnement dans lequel l’activité est exercée, ou, si la pollution est effective, réparer en nature les dommages environnementaux. Il n’y a pas de compensation financière ».
Cette intégration au Droit est issue d’un long processus de réflexion et d’actions scientifiques et gouvernementales. Avant de détailler l’impact de la responsabilité environnementale sur le monde assurantiel, voyons les origines et les grandes étapes de ce processus.
Les origines ou comment le Droit a intégré la question environnementale
Les principes fondamentaux
Lorsqu’un agent économique crée, par son activité, un effet externe en procurant à autrui, sans contrepartie monétaire, une désutilité ou un dommage sans compensation, on qualifie cet effet d’externalité négative. On comprend donc que la responsabilité environnementale est une réponse du Droit à la non prise en compte récurrente des entreprises des externalités négatives qu’elles génèrent sur l’environnement.
La question de la prise en compte de ces effets négatifs est posée dès les années 20 par l’économiste libéral Arthur Cecil Pigou. Celui-ci développe le principe de pollueur-payeur. Il s’agit alors de faire prendre en compte par chaque acteur économique les externalités négatives de son activité.
Les réflexions et le lobbying en marche
Ce principe fondateur a alimenté les réflexions et les débats au sein des différents gouvernements et organisations internationales au cours du XXème siècle. En effet, la constatation de plus en plus évidente des effets négatifs sur l’environnement produits par l’activité humaine (émissions de Gaz à Effet de Serre, pollution des sols et de l’air comme la catastrophe de Bhopal…) nécessite d’agir à l’échelle de la planète.
Panorama succinct de quelques initiatives internationales :
- Le club de Rome :
- En 1970, le Club de Rome rassemble scientifiques, économistes, industriels et fonctionnaires afin de réfléchir sur les conséquences sur l’environnement de la croissance économique et démographique des Trentes Glorieuses et au-delà. Les rapports publiés en 1972 puis en 1974 définissent les notions de « développement durable » et d’ « empreinte environnementale ».
- La croissance doit être maîtrisée (comme le rappelle le titre du rapport : « The Limits to Growth ») sous peine d’un effondrement du système économique mondial vers 2050 du fait de la pénurie des ressources énergétiques et de la dégradation de l’environnement. Cependant, les changements attendus ne se concrétiseront pas à la suite de ces rapports. Les gouvernements, médias et industriels étaient, à l’époque, plus sensibles au développement économique sans précédents des années 60 et 70 qu’à la résolution de défis touchant non pas leur génération mais les générations futures.
- Les sommets de la Terre :
- Les sommets de la Terre sont organisés tous les dix ans par l’ONU depuis 1972 et ont pour objectif de définir les moyens de mettre en œuvre une politique mondiale du développement durable. En particulier, le sommet de la Terre de 1992 à Rio adopte la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement qui cadre les droits et les responsabilités des pays. Les acteurs sont désormais conscients de l’interdépendance « progrès économique à long terme – protection de l’environnement ».
- Le changement de mentalité s’observe notamment à travers le principe 3 de la Déclaration : « le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures ». Bien que partagée par l’ensemble des Etats participants, cette Déclaration n’est pas juridiquement contraignante.
- Par ailleurs, c’est aussi lors de ce sommet que les Etats signent la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui reconnaît officiellement l’existence du dérèglement climatique et la responsabilité humaine dans ce phénomène. Elle est ratifiée par 195 pays et permettra d’aboutir au Protocole de Kyoto de 1997.
- La COP 21 :
- 21ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
- Du 30 novembre au 11 décembre 2015, la COP 21 se réunit à Paris pour bâtir un accord applicable par tous les pays et permettant de contenir l’élévation de température globale en dessous de 2°C d’ici 2100.
- L’accord prévoit un volet financier garantissant aux pays en développement de financer leur transition énergétique.
Ces réflexions ont par ailleurs stimulé la recherche économique et scientifique (détermination du coût de l’émission d’un GES, coûts socio-économiques de la dégradation des sols, du bruit, de la pénurie des ressources d’énergie…). L’objectif poursuivi par ces travaux, comme le souligne par exemple le Rapport Boiteux de 2001, est de quantifier l’externalité négative et donc sa réparation ou sa prévention.
Deux approches permettant la mise en application du principe de pollueur-payeur se dégagent :
- Monétiser les externalités négatives (voir article 2 du Dossier – Responsabilité Environnementale),
- Réparer le dommage environnemental en nature par la méthode d’équivalence notamment (voir article 3 du Dossier – Responsabilité Environnementale).
Des réflexions à l’intégration au Droit
Cette quantification des externalités négatives issue du monde de la recherche permet aux gouvernements et aux organisations internationales d’intégrer les problématiques environnementales au Droit en associant aux dommages ou aux risques des obligations de réparation ou de prévention :
- le principe de pollueur-payeur repris des travaux d’Arthur C. Pigou est adopté par l’OCDE en 1972. Ce principe est appliqué dans plusieurs pays développés, le plus souvent sous forme de taxe ou de quota de pollution.
- à l’échelle européenne, ce principe a inspiré la Directive 2004/35 adoptée par l’UE en 2004. Celle-ci crée le régime de Responsabilité Environnementale rendant l’agent économique responsable financièrement de la prévention ou de la réparation du dommage environnemental engendré par son activité.
- la Loi de Responsabilité Environnementale (LRE) permet d’appliquer en France les dispositions de la directive européenne depuis 2009.
Nous voyons donc que c’est ce processus de réflexion et de lobbying (Club de Rome…) qui a permis d’aboutir à une entrée dans le Droit de la protection environnementale.
Le processus est résumé par le schéma suivant :
Les deux prochaines parties du dossier seront consacrées aux approches permettant de prendre en compte les externalités négatives et donc de « responsabiliser » le pollueur. Ce paradigme entraînant de potentiels risques financiers pour les entreprises, nous verrons que des produits d’assurance voient le jour et peuvent, sous certaines conditions, garantir le pollueur en cas de réparation du dommage environnemental causé.