La COP 21 a démarré depuis le 30 novembre ; les Etats participants cherchent des solutions à l’augmentation de la température moyenne du globe. La question environnementale est la problématique centrale du XXIème siècle, après des années de minimisation des effets sur notre économie et de résolutions non appliquées faute de consensus…l’occasion de proposer ce dossier consacré à la Responsabilité Environnementale et publié en plusieurs articles.

La première partie décrivait comment le concept de responsabilité environnementale a pu faire son chemin, depuis les groupes de réflexions, jusqu’à son intégration dans le Droit international, européen et français.

Les parties 2 et 3 sont dédiées à l’application du principe de pollueur-payeur : le pollueur doit payer, oui mais selon quelle approche ? Pourra-t-il souscrire à une assurance lui permettant de couvrir les frais de prévention ou de réparation des dommages environnementaux ? Voici quelques éléments de réponse…

Deuxième approche : la Loi Responsabilité Environnementale privilégie le dédommagement en nature

Le dédommagement en nature

Valoriser un coût externe est très complexe. La tendance du Droit actuel est de prévoir des dédommagements en nature.

La loi n° 2008-757 du 1er aout 2008, Loi Responsabilité Environnementale ou LRE introduit la responsabilité environnementale à la charge des entreprises. Il s’agit d’une nouvelle mise en œuvre du principe « pollueur-payeur » : compenser un coût externe (ou externalité négative).

Les entreprises sont désormais contraintes de réparer en nature les dommages causés sur un écosystème donné. Celles-ci ont une obligation légale de remettre en l’état initial les milieux naturels endommagés du fait de leur activité.

Afin de déterminer les mesures de réparation à mettre en œuvre, la LRE préconise deux approches :

  • Les approches en termes d’équivalence permettant de restaurer les ressources et/ou les services écologiques détériorés par de nouveaux de même quantité, qualité et de même type,
  • Les approches par la valeur. Dans ce cas, le projet de restauration apporte des ressources ou des services de types ou de qualité comparables.

Comment déterminer le dédommagement ?

Les points clés des méthodes d’équivalence

Deux méthodes d’équivalence doivent être utilisées en priorité selon la LRE :

  • la méthode « Habitat Equivalency Analysis » (HEA)
  • la méthode « Resource Equivalency Analysis » (REA).

La méthode HEA sera utilisée toute les fois où l’écosystème dégradé est complexe en termes de nombre d’espèces et de variétés d’espèces. Les mesures de réparation chercheront à apporter des services écologiques de même type, de même qualité, de même quantité que les services et ressources initiaux. Sont considérés comme des services écologiques tous les impacts positifs des écosystèmes sur le bien-être humain, par exemple la pollinisation, la régulation naturelle de la qualité de l’air.

La méthode dite REA sera privilégiée dans deux hypothèses :

  • lorsque l’écosystème endommagé comprend une espèce endémique ou une espèce rare ou protégée,
  • lorsque l’écosystème est peu complexe c’est-à-dire constitué de peu d’espèces.

Dans ces cas, les mesures de réparation devront compenser les pertes résultant des conséquences du dommage portant principalement sur une espèce animale ou végétale. Il s’agit d’apporter des ressources naturelles pour compenser celles endommagées par l’atteinte à l’environnement.

Les points clés des approches par la valeur

Les approches par la valeur apportent des ressources ou services de type et de qualité comparables. Ces approches ne se réfèrent pas à l’écosystème naturel  initial mais sur les pertes de bien-être des individus.

Deux méthodes peuvent être mises en œuvre :

  • une méthode « valeur-valeur » selon laquelle les mesures de réparation doivent apporter un bien-être de même niveau que celui existant avant le dommage environnemental,
  • une méthode « valeur-coût » qui consiste à monétiser la perte de bien-être, le coût des mesures de réparation devra être équivalent à cette valeur.

Que ce soient les approches par équivalence ou les approches par valeur, les mesures de réparation représentent pour les entreprises un coût non négligeable pouvant se chiffrer de plusieurs milliers à plusieurs milliards d’euros.

Qui dit dédommagement dit forcément assurance ?

La réparation d’un milieu environnemental fait ainsi peser un risque financier sur l’entreprise à l’origine du dommage.

L’occasion est ainsi donnée aux assureurs de développer ou de promouvoir des couvertures adaptées aux contraintes imposées par la LRE aux sociétés en cas de pollution accidentelle. Sous certaines conditions, l’Assurance Responsabilité environnementale permet de couvrir les frais des moyens de prévention et de dédommagement des dégâts environnementaux potentiels ou avérés.

 

Des assurances spécifiques mais encore peu répandues en réponse à la LRE

L’Assurance Responsabilité Environnementale

Le produit d’assurance s’applique, tout comme la LRE, à la contamination des sols, aux dommages aux milieux aquatiques (pollution de l’eau…) et aux dommages subis par des espèces ou des milieux naturels protégés.

L’assurance Responsabilité Environnementale est différente de la responsabilité civile atteinte à l’environnement (RCAE) car elle intervient en dehors de tout dommage à un tiers.

La garantie responsabilité environnementale couvre les frais de prévention et de réparation des dommages environnementaux incombant à l’exploitant.

Suivant les contrats d’assurances et sous réserve de la mise en œuvre des actions de prévention et/ou de réparation, ces frais peuvent couvrir :

  • le coût de l’évaluation des dommages ;
  • les mesures de prévention et de réparation ;
  • les frais d’étude pour déterminer les actions de réparation ;
  • les frais administratifs, judiciaires et les frais d’exécution ;
  • les coûts de collecte des données ;
  • les frais généraux et les coûts de surveillance et de suivi…

Les limites de l’Assurance pour couvrir les atteintes à l’environnement

Des différences intrinsèques difficiles à concilier

L’assurance en matière d’environnement est une activité à hauts risques. Aujourd’hui encore, il est difficile d’appliquer aux sinistres environnementaux les différents principes assurantiels.

 En assurance, la définition retenue de l’atteinte à l’environnement est celle d’Assurpol, GIE dont l’objet est de réassurer les risques d’atteintes à l’environnement assurés par les sociétés adhérentes au groupement.  Il s’agit pour les assureurs de toute « émission, dispersion, rejet, ou  dépôt, de toute substance solide, liquide, ou gazeuse diffusée par l’atmosphère, le sol ou les eaux ; la production d’odeurs, bruits, vibrations, variations de température, ondes, radiations, rayonnements excédant la mesure des obligations ordinaires de voisinage ».

Néanmoins, toutes les pollutions ne sont pas assurables. Caractériser l’aléa environnemental pour en déterminer son assurabilité n’est pas chose aisée !

L’assurabilité dépend en effet du caractère aléatoire et incertain de la pollution :

  • L’atteinte doit être « un fait fortuit, imprévu, soudain et involontaire ». La pollution doit donc être « accidentelle » ou « graduelle » mais doit provenir d’un fait accidentel non révélé. Il s’agit ici de pollutions inhabituelles par rapport au fonctionnement normal de l’entreprise.
  • Les pollutions qui ne sont pas prises en compte : les pollutions chroniques (c’est-à-dire régulières et récurrentes comme la pollution de l’air) ou encore historiques (résultant d’activités passées).

Ainsi, non seulement l’aléa environnemental restreint le champ des pollutions assurables mais la détermination de son assurabilité n’est pas chose aisée !

En conciliant les deux définitions, nous observons que l’assurance environnementale s’applique essentiellement aux pollutions résultant de sinistres technologiques comme par exemple, les marées noires causées par le transport maritime et l’exploitation d’hydrocarbure. Les principales expositions au risque d’atteinte à l’environnement consistent en l’exploitation d’un site industriel fixe, le transport maritime, les entreprises utilisant des produits dangereux pour l’environnement.

 

Séparabilité des risques, tarification des couvertures : une maîtrise des risques difficile à appréhender

De multiples éléments constituent des freins au développement des assurances des risques environnementaux.

Tout d’abord, il est extrêmement difficile de distinguer les pollutions aléatoires (donc assurables) et les autres types de pollution. Ensuite, les assureurs modélisent difficilement le risque de pollution permettant de prévoir la probabilité de fréquence et de gravité d’un sinistre environnemental.

Ces deux problématiques se répercutent naturellement au moment de la tarification du produit d’assurance. Comme pour tout produit, la tarification de l’assurance environnementale se compose d’une prime pure et d’une prime commerciale. Pour déterminer la prime pure, il est nécessaire de déterminer la fréquence des sinistres et leur coût moyen.

  • La fréquence : pour apprécier la fréquence des pollutions, il faut être en mesure de recenser les sinistres technologiques survenus ayant causé des dommages environnementaux. À cette fin, le gouvernement français a mis en place la base de données ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents). L’analyse de cette base montre que ce type de sinistres reste rare. D’un point de vue assurantiel, cela se traduit par un manque de données sur les sinistralités passées.
  • Le coût moyen des sinistres est également difficile à évaluer, les sinistres et les dommages causés étant extrêmement homogènes. Par ailleurs, l’obligation de réparer un milieu environnemental en nature ne permet pas une mesure précise du coût des sinistres environnementaux. Par exemple, les mesures de réparation d’une contamination du sol ne sont pas les mêmes qu’une contamination des eaux.

Les perspectives – les limites

A l’approche de la COP21, peut-on penser que de tels dispositifs (Responsabilité environnementale en France, en Europe, etc.) incitent à moins polluer ?

Nous avons mis en évidence deux approches visant à réduire les impacts négatifs de l’économie sur l’environnement. Celles-ci comportent toutes deux des avancées mais aussi des obstacles tenaces.

 

L’approche par monétarisation, notamment le marché du carbone, rencontre plusieurs difficultés relatives à la bonne estimation des paramètres. Quel est le bon « prix » de la tonne de CO2 ? Quels nombre de quotas d’émission mettre sur le marché ? Afin d’améliorer la situation de flou actuelle, les majors du pétrole ont demandé à ce que les acteurs de la COP21 fixent une bonne fois pour toute le « prix » de la tonne de CO2. Les taxes seraient ainsi homogénéisées et n’induirait plus de différence de compétitivité entre pays ou zones géographiques.

De même, jusqu’à présent le marché du carbone ne parvenait pas à fixer le bon nombre de quotas. La sur-allocation induit ainsi une baisse quasi systématique des prix du droit d’émission de CO2. Il est donc nécessaire d’imposer une régulation plus restrictive au niveau des quotas d’émission et de poursuivre les initiatives de compensation des émissions par des investissements dans les énergies renouvelables. Le constat actuel montre que les mécanismes en place sont peu efficaces : le marché donne plutôt aux « gros » le droit de polluer et non le devoir de moins polluer.

Cependant, le tableau n’est pas si négatif. Les modèles d’évaluation des grands projets publics par exemple commencent à partager des valeurs tutélaires des externalités négatives afin de mieux les prendre en compte. Le calcul économique permettant de choisir entre un projet A et un projet B progresse ainsi en faveur des enjeux environnementaux. De multiples études scientifiques tentent par ailleurs de construire un cadre commun d’évaluation économique (au minimum partagé par les pays de l’UE).

 

En parallèle, l’approche par dédommagement ou prévention en nature constitue un pas en avant. Elle permet de mettre en œuvre des actions concrètes de réparation des écosystèmes lésés ou détruits. La Responsabilité Environnementale comporte tout de même quelques obstacles à son application :

  • La complexité administrative de la mise en œuvre des mesures de réparation (aval des autorités compétentes, constitutions de dossier…). Le processus est décrit ici (chapitres VI à VIII) ;
  • La difficulté de déterminer les responsables dans certains cas (pollution marine par exemple) ;
  • La non-solvabilité de certains acteurs, « petits » mais dont l’activité peut gravement endommager l’environnement ;
  • Ces « remises en état », que ce soit par la méthode d’équivalence ou par la valeur, restent pour le moment un pis-aller. Il reste aujourd’hui très difficile de déterminer toutes les pertes subies par un milieu endommagé, surtout lorsque celui-ci est complexe et comprend de multiples espèces interdépendantes.

 

Les mentalités changent, y compris aux plus hauts niveaux de décision. Des mesures encourageantes sont prises mais de nombreux défis restent encore à relever : malgré les différentes avancées, « donner un prix à la nature » reste encore aujourd’hui extrêmement complexe.