Depuis quelques années, les assureurs délèguent une part de plus en plus importante de leur activité. Les formes de délégation peuvent varier d’un assureur à l’autre, qu’il ne s’agisse que de la sous-traitance administrative d’un contrat ou que la délégation porte également sur la commercialisation de contrats en marque blanche.

 

La délégation, en bref ?

La délégation consiste, pour un assureur, à confier tout ou partie de la gestion de certains portefeuilles de contrats à un tiers. Dans tous les cas, que l’assureur opte pour une délégation simple de la gestion administrative de ses contrats ou pour un transfert plus important de ses activités, c’est lui qui reste le porteur du risque. En cas de sinistre, c’est donc en puisant dans ses capitaux propres que l’assureur devra indemniser son client.

Initialement, la délégation concernait essentiellement les activités de gestion administrative des contrats : émission et prélèvement des primes, gestion de la relation avec le client et des sinistres. C’était alors avant tout les courtiers qui exerçaient, pour le compte des assureurs, la gestion des portefeuilles de clientèle qu’ils leur apportaient.

Ce phénomène est notamment régulièrement observé dans le cadre de l’offre d’assurance santé collective. Lorsqu’il s’agit de la négociation de contrats d’assurance santé complémentaire pour le compte de grandes entreprises, le recours aux courtiers en assurance est très fréquent. Le courtier devient alors l’interlocuteur privilégié de l’entreprise, et il est donc logique de lui déléguer l’essentiel de la gestion du contrat. Dans ce cas, le gain pour l’assureur est double : la relation client est renforcée et les coûts de gestion des contrats sont rationnalisés.

Cependant, depuis quelques années, la commercialisation de contrats en marque blanche s’est répandue, notamment sur le marché de l’assurance santé. Ce type de contrats ouvre de nouveaux champs à la délégation d’activité. Désormais, la délégation peut également s’étendre à la commercialisation des contrats d’assurance : l’assureur n’est alors plus en charge que de la couverture financière du risque. C’est donc une externalisation totale de la gestion et de la commercialisation du contrat d’assurance. Il ne se concentre alors que sur le « cœur de métier », la gestion du risque.

Certains éditeurs de progiciels se sont ainsi fait une spécialité de l’externalisation des contrats d’assurance.

 

Quelles obligations pèsent sur l’assureur qui délègue son activité ?

Si l’activité de l’assureur est déléguée à un tiers, qu’il soit courtier ou éditeur de solution, l’assureur conserve néanmoins des obligations vis-à-vis du régulateur.

Il se doit, par exemple, d’informer précisément le régulateur de son intention de sous-traiter une partie de son activité, mais aussi du périmètre qu’il compte déléguer.

Charge à lui dans ce cas de documenter spécifiquement les fonctions déléguées qui sont importantes, voire critiques pour son activité. Ce principe permet une gestion des risques au plus juste : l’assureur, preneur du risque, doit être conscient des conséquences que pourraient avoir sur son activité le défaut de l’un de ses prestataires.

L’EIOPA a donc émis des guidelines qui précisent les mesures à prendre par l’assureur avant de déléguer une partie de son activité.

Mais au même titre que l’assureur, l’intermédiaire d’assurance se voit également assorti d’un certain nombre de contraintes. Avec l’adoption de la directive sur la distribution d’assurance le 24 novembre dernier, les parlementaires européens ont acté l’obligation de transparence des intermédiaires vis-à-vis du client final.  Le preneur d’assurance devra désormais connaître la composition exacte du produit qu’il achète, que ce soit une assurance vie ou une assurance dommage.

Si la délégation est de plus en plus répandue sur le marché, elle fait également l’objet d’un cadre légal de plus en plus précis. Ainsi, comme pour toutes les activités ayant trait aux produits financiers, l’Europe tend à renforcer la gestion des risques et les droits des consommateurs.

Mais alors, pourquoi déléguer ?

Aujourd’hui, le marché de l’assurance santé complémentaire est de plus en plus concurrentiel. La mise en place de l’ANI (Accord National Interprofessionnel), par exemple, incite les acteurs à commercialiser des offres très standardisées. Les produits d’entrée de gamme sont le plus souvent alignés sur le panier de soin minimal qui offre une faible rentabilité aux assureurs.

Pour autant, se positionner sur ce marché est essentiel, c’est en effet une réelle opportunité qui est offerte aux différents acteurs d’entrer sur le marché des sur-complémentaires individuelles qui offrent une rentabilité bien meilleure.

L’assurance santé étant un domaine très particulier, pouvoir s’appuyer sur une solution de gestion des prestations pour se concentrer sur la construction des offres et leur commercialisation représente donc un atout pour les compagnies traditionnelles.

Par ailleurs, à l’heure des partenariats et regroupements sur le marché de l’assurance, déléguer une partie de son activité en marque blanche peut se révéler gagnant pour une entreprise. La gestion en marque blanche permet d’allier d‘un côté la notoriété d’une marque et de l’autre l’expertise d’un courtier par exemple. C’est par exemple le pari d’April qui espère ainsi se positionner en fournisseur de services.

De même pour certains acteurs, comme les bancassureurs qui possèdent moins de contrats que les assureurs traditionnels, il peut apparaître opportun de s’exempter de coûts  de mise en place d’outil en recourant à la gestion déléguée. En dessous d’un million de contrat, la question n’est pas anodine car la marge demeure ténue. A ce titre, quelques assureurs ont déjà pu proposer d’ailleurs des services de gestion déléguée, à l’attention…. de bancassureurs. Dans une volonté de rentabiliser au maximum les outils et les structures déjà en place, il peut être intéressant de mettre en place des services de gestion déléguée à l’attention d’autres compagnies.

Enfin, « l’expertise » de gestion de contrats s’avère parfois fort utile et efficace dans le cadre d’offres spécifiques ou inédites qui entraînent des surcoûts. Ainsi, un assureur qui se lance dans le collectif, envisagera, le cas échéant, de recourir à une délégation s’il n’a fait jusqu’à présent « que de l’individuel », en raison de la différence dans la gestion de contrat.

 

Qu’il s’agisse de développer un nouveau type d’activité ou de se concentrer sur la création et la commercialisation d’offre, la délégation est une bonne solution pour externaliser une partie de son activité. En revanche, il convient de s’assurer d’une remontée d’information pertinente, régulière et détaillée (ex : liste de contrats,..) de la part du sous-traitant pour garder la main sur les risques et les coûts. Sans oublier les contraintes réglementaires afférentes à ce type de gestion qui sont de plus en plus nombreuses, et gare aux conséquences si le partenaire venait à faire défaut!