Quand la technologie se met au service de l’assurance des plus pauvres
D’après l’Organisation Internationale du Travail, en 2010 dans les 100 pays les plus pauvres du monde, moins de 3% des personnes à faible revenu bénéficiaient de produits d’assurance ou de micro-assurance. Pourtant pauvreté et précarité sont fondamentalement liées, ainsi les populations les plus démunies sont bien souvent les plus vulnérables face aux risques et sinistres quel qu’ils soient (maladie, aléas climatiques…). Les assurances traditionnelles leurs sont cependant inaccessibles, en grande partie du fait de leur coût. Quant aux mécanismes informels d’assurance développés dans une majorité de pays du Sud (système de dons et contre-dons, détention de terres communautaires, migration d’un membre de la famille…), ils sont certes utiles et nécessaires, mais insuffisants et ce pour de multiples raisons : tensions communautaires ; chocs démographiques ; évaluation inexacte du risque,…
Dès les années 80 des solutions alternatives de micro-assurance ont été développées pour mieux répondre à la réalité socio-économique de ces populations. La micro-assurance – définie par l’OIT comme une « assurance mise au service des plus démunis, sans accès à une assurance classique » – est aujourd’hui reconnue comme une stratégie de lutte contre la pauvreté. Les récents progrès technologiques ouvrent de nouvelles opportunités pour le développement des produits de micro-assurance et une meilleure inclusion financière des plus pauvres. Exemples et explications.
Quelques exemples : assurance climatique et micro-assurance santé
Commençons avec l’assurance indicielle ou paramétrique, qui vise à couvrir des aléas climatiques les petits exploitants, en particulier ceux localisés dans les zones reculées de leurs pays. Cette assurance climatique déclenche automatiquement une indemnisation lorsque certains indices climatiques sont observés : inutile d’envoyer sur place un expert chargé de vérifier et évaluer le sinistre ; satellites et stations météorologiques le remplacent. En résulte des coûts de gestions diminués et un temps d’indemnisation réduit, rendant accessible à un plus grand nombre la cotisation assurancielle.
Essentiellement prescrite dans de grands pays en développement tels l’Inde, la Chine, le Brésil ou le Mexique, elle se développe aussi sur le continent Africain. Au Keyna, elle aurait permis aux exploitants assurés de gagner 16% de plus que ceux non couverts et d’accroitre leurs taux d’investissements. États, coopératives agricoles, banques voulant assurer d’être remboursées, nombreux sont les acteurs qui ont intérêt à investir en lieu et place des agriculteurs les plus pauvres, ne pouvant y accéder même à coûts réduits. D’après Gilles Galludec – responsable du programme global pour l’assurance indicielle ou GIIF de la banque mondiale – « 40 à 50 millions d’agriculteurs y ont recours sur les 500 millions potentiellement assurables ». L’augmentation des satellites en usages, l’amélioration des imageries satellites et des capacités de traitement de grande masse de données issues de ces images, sont des éléments essentiels qui ont permis le développement de l’assurance paramétrique et qui devraient continuer d’y participer dans les années à venir.
Un autre exemple est celui de la micro-assurance santé en milieu rural associé à la télémédecine. La fondation CARE a développé en Inde un produit de micro-assurance offrant la possibilité à ses assurés de consulter à distance via des appareils de diagnostic high tech, préalablement distribués dans les villages et auxquels du personnel local a été formé. Suite à la consultation une prescription leurs est envoyée par sms.
Au Keyna, la British American Insurance propose un produit d’assurance accident personnel prescriptible et payable via téléphone mobile.
La technologie, au service des assurés…et des assureurs
Bien d’autres exemples de produits de micro-assurance, mis au service des plus démunis, pourraient être cités. Ils partagent une même caractéristique : l’innovation technologique a contribué à leur développement, à la fois en réduisant des coûts de transaction élevés et en déjouant les distances physiques, soit les deux obstacles majeurs à l’expansion de la micro-assurance d’après le World Ressource Institute. Les avancées technologiques (paiement mobile, traitement des images satellites, géolocalisation à échelle mondiale…), notamment en diminuant les frais de gestion, devraient permettre de rendre les produits de micro-assurance plus rentables pour les assureurs et plus abordables pour les assurés, explique le fond.
Des avancées rapides peuvent être espérées au vue de la progression de l’équipement des populations de l’hémisphère sud en technologie de l’information, en particulier au Moyen Orient et sur le continent Africain. A titre d’illustration, on peut évoquer les 650 millions de mobiles en usage, le boom du paiement mobile, l’arrivée des smartphones (le marché devrait doubler d’ici 2017 pour atteindre les 350 millions d’appareils sur le continent) ou la croissance de la couverture haut débit et la réduction des coûts de connexion.
La micro-assurance, seulement pour les pays en développement ?
La demande en produit de micro-assurance, limitée aux pays en développement ? Loin de là. En Australie, IAG Lab – lab innovation du groupe Insurance Australia Group limited – a lancé en partenariat avec l’organisme Good Shepherd Microfinance, spécialisé dans les offres de micro finance, une offre d’assurance de contenu Insurance For That. Elle permet à ses souscripteurs d’assurer des biens spécifiques, essentiellement des objets technologiques, pour une valeur déterminée à l’avance. À destination des ménages à faible budget et des 20% de la population australienne dépourvue assurance, elle prévoit d’atteindre le million de souscripteurs.
Qu’en est-il de la micro-assurance en France ? Un marché existe-t-il ? Sur un marché français mature et où la population est notamment couverte via le système de sécurité sociale, les offres de micro-assurance existent mais restent rares. Axa a ainsi lancé en 2007 une offre à destination des micro-entrepreneurs. Dans un contexte de ralentissement économique, le développement d’offres similaires à destination de particuliers pourrait être envisagé.
Néanmoins, du fait des conditions particulières du marché français, ces produits seront bien différents de leurs homologues africains ou asiatiques. Pour autant, utiliser la technologie pour réduire les frais de gestion, associer progrès technologique et transformation des business modèles pour innover, est un postulat qui se retrouve également en France, notamment dans le développement des objets connectés.