Quelles protections face aux aléas climatiques ?
Alors que le sud-est de la France panse ses plaies et dresse un premier bilan des intempéries apocalyptiques qui l’ont frappée, il convient de se pencher sur le rôle des assureurs face aux aléas climatiques. Les années se suivent et se ressemblent pour ces derniers qui doivent faire face à une hausse continue de la charge liée aux sinistres climatiques. La couverture contre les aléas climatiques étant de ce fait étendue en France, l’évolution du poids de ces événements est donc directement visible dans les bilans des assureurs. Ces derniers jouent ainsi un rôle de thermomètre des effets économiques immédiats des dérèglements climatiques. La répétition des crues et inondations pose ainsi légitimement la question des capacités des assureurs de continuer à couvrir ce risque.
En effet, selon le rapport annuel de la FFSA les évènements climatiques en France en 2014 ont engendré une charge de 2,2 milliards d’euros, soit un surcoût d’indemnisation de 700 millions d’euros par rapport à la moyenne des 20 dernières années. Cela représente un nombre de 650 000 victimes indemnisées, en hausse de 8% par rapport à 2013.
Une économie climato-sensible
La sensibilité de l’économie face aux aléas climatiques est très forte puisque l’ONU estime que 30% de l’activité économique mondiale serait plus ou moins tributaire du climat. D’après Climpact-Metnext, filiale de Météo France, spécialiste des risques météo-climatiques, « 60% des ventes de produits de grande consommation sont également influencées par le temps ». Ci-dessous un inventaire non-exhaustif des impacts économiques des aléas climatiques :
Secteurs d’activité | Principales expositions | Impacts potentiels |
Énergie | Températures | Consommation, maintenance des infrastructures, etc.. |
Agriculture | Gel, précipitations et températures défavorables | Volume et qualité des récoltes |
Agro-alimentaire | Ensoleillement, température, saison | Ventes de produits saisonniers |
Construction et travaux-publics | Vent, pluie, neige, verglas, gel | Retards et défauts de construction |
Distribution (habillement, mobilier,..) | Conditions météorologiques générales | Tendances et vigueur de la demande |
Tourisme et loisirs | Ensoleillement, enneigement et températures | Activité des professionnels de la filière : restaurateurs, hôteliers, artisans, voyagistes… |
Santé | Hivers très froids et été très chauds | Consommation de médicaments, professionnels de la santé |
Transports | Vent, pluie, neige, verglas, gel | Dégâts, retards, sécurité des usagers, etc… |
Aléas climatiques : quelle protection en France ?
Sur le marché français, les garanties catastrophes naturelles et tempêtes sont obligatoirement accordées pour les assurés dans les contrats d’assurance de dommages (incendie, dégât des eaux, …) pour leur habitation, leur entreprise, leurs véhicules, etc… À cela, s’ajoutent des garanties optionnelles présentes dans pratiquement tous les contrats, pour les dommages causés par la grêle ou le poids de la neige. De même, la couverture d’assurance basée sur le principe indemnitaire se développe. Elle permet une indemnisation sur la base de pertes réelles et pertes ajustées suite à des dommages consécutifs à un évènement climatique exceptionnel.
De plus, dans le domaine agricole, l’assurance couvrant les dommages aux cultures continue de se développer. Or, selon Thierry Langreney directeur général de Pacifica, la filiale du Crédit agricole spécialisée dans l’assurance dommages : «Une baisse du tiers du volume de la production de fourrage, c’est la moitié des revenus en moins pour l’exploitant ».
Suite au désengagement progressif du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) décidé par le gouvernement, l’enjeu est très important pour les assureurs historiques du monde agricole comme Groupama, de fidéliser cette clientèle en proposant des solutions appuyées par la puissance publique. Le Ministère de l’Agriculture a modifié les modalités de soutien des contrats à l’Assurance Récoltes pour soutenir préférentiellement les « contrats socle », avec des « garanties de base permettant de faire face aux coups durs et accessibles à tous ». Ainsi, les contrats d’assurance récolte multirisque climatiques auprès des assureurs sont subventionnés jusqu’à 65% sous certaines conditions.
Une offre d’assurance climatique partielle pour les professionnels
Les PME qui constituent pourtant un marché de plus en plus concurrentiel pour les assureurs, sont souvent démunies face aux risques climatiques du fait de la difficulté d’anticiper et gérer les impacts sur leurs activités. Ces dernières ont en effet un accès limité aux différentes solutions de gestion de leurs risques climatiques, et, ne disposent bien souvent pas d’études de corrélation mesurant précisément la sensibilité d’une activité à des facteurs de risques climatiques.
Autrement dit, en France les couvertures climatiques restent principalement réservées aux grandes entreprises, ou aux secteurs subventionnés directement ou indirectement par l’État et les collectivités dans le « respect » des règles de l’OMC. Cela s’explique par le coût élevé des couvertures ainsi que par l’ingénierie financière associées aux coûts des études de corrélation entre les indices de références climatiques choisis et l’activité de l’entreprise. Aujourd’hui, trois principaux modèles commerciaux permettant de prévoir les catastrophes naturelles sont utilisés. Ils sont produits par AIR Worldwide, EQECAT et Risk Management Solutions et, sont en majorité privilégiés par les compagnies d’assurance au détriment de modèles internes, notamment parce qu’ils sont reconnus par les réassureurs et les agences de notation. D’autre part, le manque de standardisation des produits de couverture disponibles induit une faible liquidité du marché des garanties climatiques innovantes. Cependant, sous l’impulsion des pouvoirs publics, les initiatives des acteurs historiques et de nouveaux venus du secteur de l’assurance se multiplient pour proposer des services adaptés à chaque business model.
Face à ce constat, nous assistons depuis 10 ans à l’essor de solutions de garanties alternatives et innovantes via le développement du marché des « dérivés climatiques » sur la base d’indices climatiques. Ces produits sont destinés à couvrir les effets négatifs des variations climatiques sur les revenus des entreprises. Les possibilités qu’offrent les outils big data permettent ainsi d’améliorer la modélisation des risques climatiques et la corrélation des indices de référence à l’activité des entreprises couvertes. Pacifica, la filiale du Crédit Agricole est en avance sur l’assurance « indicielle » ou paramétrique en proposant des contrats déclenchant automatiquement une indemnisation quand des indicateurs observés par des stations météo ou par des satellites (précipitations, températures, évapotranspiration des plantes, etc), dépassent un seuil fixé à l’avance. Ainsi, les coûts de gestion sont réduits, le processus d’indemnisation est plus court, la cotisation à payer devient plus abordable. Ce modèle d’assurance climatique est amené à se développer non seulement en France, mais surtout dans les pays en voie de développement, dont les économies sont bien souvent démunies face aux risques climatiques.