Les « Labs » d’innovation dans l’assurance : gadget ou nécessité ?
BNP Paribas Cardif, Axa, Allianz, Covea … Autant d’acteurs majeurs de l’assurance qui lancent depuis plusieurs mois leurs « Laboratoires » (ou « Labs ») d’innovation. Ces espaces sont définis comme des « concentrés » d’innovation, visant à acculturer différents types de publics – clients, collaborateurs internes, business partners – à l’univers digital. Si la multiplication de ces initiatives reflète la volonté des assureurs de s’adapter à la perpétuelle évolution de leurs métiers, une remise en question semble légitime : quelle est la véritable utilité de ces nouveaux espaces d’innovation ?
Le développement sans précédent des Labs d’innovation dans l’assurance
Le multiplication des Labs d’innovation dans le secteur de l’assurance est une tendance qu’il est aujourd’hui difficile d’ignorer. Des investissements colossaux ont été réalisés : BNP Paribas Cardif a par exemple débloqué 600 000 euros pour créer son Lab. La conception de l’Axa Lab a également été particulièrement couteuse : elle a été prise en charge dans le cadre d’un budget de 600 millions d’euros alloués à la digitalisation du groupe. Les objectifs de ces structures diffèrent selon les acteurs : cellules de veille technologique, formation des collaborateurs, conception de nouveaux cas d’usage dans l’assurance, etc. La mise en place de ces dispositifs reste avant tout une opération de communication tout à fait pertinente – à la fois en interne et en externe. Ils témoignent de la volonté des grands groupes d’assoir leur crédibilité en termes de transformation digitale.
Un retour sur investissement discutable
Si la diversité des technologies proposées au sein des Labs est incontestable, certaines structures semblent se cantonner à simplement « exposer » des innovations qui ne sont pas véritablement intégrées à l’entreprise, et qui restent donc au stade de « gadget » : Gregory Desfosses – Chief Customer Experience & Digital Officer de BNP Paribas Cardif – s’enthousiasmait il y a quelques mois en affirmant que le Cardif Lab était « l’endroit en France où le plus de personnes ont pu tester les Google Glasses ». C’était sans compter sur la déclaration d’Astro Teller, dirigeant du Laboratoire Google X, associant récemment ces lunettes intelligentes à un échec. Par ailleurs, certes chaque Lab dispose d’un fil Twitter, mais les communautés créées autour de ces sujets restent limitées – elles rassemblent quelques milliers de followers tout au plus.
Aussi, comment envisager l’innovation dans un environnement clos, alors qu’elle devrait toucher l’ensemble des strates de l’entreprise ? Comment les collaborateurs perçoivent-ils la création de Labs dans des environnements externes à leur entreprise ? Est-ce que cela ne reviendrait pas à affirmer qu’ils ne sont pas compétents pour gérer les transformations de leurs propres métiers ? Autant de questions qui aboutissent à un même constat : l’innovation doit s’inscrire dans un projet d’entreprise à la fois global et cohérent.
Comment porter les Labs d’innovation au coeur de la stratégie d’entreprise ?
Créer un lieu d’échange, ouvert à tous les collaborateurs en interne, voire aux clients, semble une première étape indispensable. L’un des principaux enjeux des Labs étant de diffuser la culture digitale, proposer un espace de partage au sein duquel chacun est libre d’émettre ses propres réflexions permettra d’auto-enrichir les dispositifs d’innovation.
Il est également nécessaire de définir le fonctionnement des démarches d’innovation au sein desquelles s’intègrent les Labs : quel poids attribuer à l’avis de tel ou tel collaborateur au sujet de telle technologie ? Comment sélectionner les projets d’innovation qui seront effectivement développés ? Quelles instances impliquer dans ce type de décisions ? Clarifier les process associés aux Labs est indispensable pour attester de leur véritable utilité.
Afin d’éviter que l’engouement lié aux Labs dans l’assurance soit un « lieu perdu », il est nécessaire de clarifier les stratégies d’innovation et de communiquer sur l’intérêt de ces dispositifs. La pérennité des démarches et l’adhésion – à la fois des collaborateurs en interne et des clients – en dépendent.