L’économie du partage dans le viseur du Sénat
Blablacar, Leboncoin, Airbnb… Ces entreprises emblématiques de l’économie dite « collaborative » brassent des millions d’euros, mais cet argent ne rentre pas dans les caisses de l’État. Bien souvent, ces revenus ne sont pas déclarés et échappent donc à l’impôt. Pour capter cette manne financière, le Sénat souhaite clarifier les règles de taxation de ces nouveaux services, fleurons de l’économie numérique. Une nouveauté qui devra être prise en compte par les assureurs, largement intéressés par l’émergence de cette nouvelle économie.
L’économie collaborative : un manque à gagner abyssal pour l’État
Force est de constater que depuis plusieurs années maintenant l’économie du partage, est plébiscitée par les français. En effet, ils seraient 22% à utiliser un de ces nouveaux services. À titre indicatif, la France est aujourd’hui le deuxième marché mondial d’Airbnb, le géant américain de location temporaire de logement entre particuliers.
L’ensemble des utilisateurs de ces nouveaux services perçoivent des revenus plus ou moins importants, mais qui échappent généralement au système fiscal français. Un manque à gagner considérable si l’on considère que 70% des internautes français (soit près de 31 millions de personnes) ont déjà eu recours à ce type de services au cours de l’année 2014. Pour la majorité de ces utilisateurs, l’économie collaborative fait ainsi figure d’Eldorado fiscal.
La fin d’une zone de non droit ?
Bien conscient de cette situation, le Sénat souhaite mettre en place « une fiscalité simple juste et efficace ». Dans un rapport publié le 17 septembre 2015, la commission financière du Sénat évoque des propositions fortes pour taxer l’économie collaborative et lutter contre la fraude à la TVA des e-commerçants. Le Sénat souhaite notamment instaurer un système de transmission automatique des revenus issus des sites collaboratifs vers une plateforme centrale de collecte. Cette dernière aurait pour fonction de calculer les revenus agrégés pour chaque particulier, pour les transmettre ensuite au fisc et les intégrer à une déclaration pré-remplie. La volonté d’instaurer une franchise d’un montant de 5000€ vient compléter cette mesure.
En parallèle, le rapport se penche sur la question de la fraude à la TVA, qui grandit au rythme du développement du e-commerce. Selon la Commission européenne, le manque à gagner s’élève à 160 milliards d’euros par an au niveau européen. En France, le secteur du e-commerce pesant pour 57 milliards d’euros en 2014, seulement 7,9 millions d’euros ont été collectés au titre de la TVA (Source : Fevad). La solution proposée par les sénateurs consiste en un prélèvement à la source sur les achats en ligne effectués sur les sites européens, qui réalisent aujourd’hui plus de 100 000 euros de chiffre d’affaires en France.
Une certitude : l’application de telles mesures demandera du temps. A l’heure actuelle, la seule avancée notable en la matière concerne Airbnb car à partir du 1er octobre 2015, la taxe de séjour due par les utilisateurs sera collectée par le site.
Le souhait d’un cadre juridique VS la peur des dérives d’imposition
La difficulté majeure de l’application de ces nouvelles règles fiscales tient à celle l’identification du type d’utilisateur. Certains particuliers recherchent par l’utilisation de ces services un complément de revenus, alors que d’autres développent une véritable activité commerciale. L’étude de la commission des finances du Sénat montre par exemple que le revenu moyen d’un hôte français qui loue son logement sur Airbnb est d’environ 3600 euros par an. Avant la suppression du service en juillet dernier, un chauffeur UberPop gagnait en moyenne 8200 euros par an. En revanche, un utilisateur du service Blablacar cherche simplement de façon générale à rentrer dans ses frais et ne dégage que très rarement un bénéfice. Il existe donc une vraie difficulté à distinguer activité d’appoint et véritable activité commerciale.
Cette initiative révèle une réelle attente d’encadrement de ces nouvelles pratiques : 57% des Français attendent de la part du gouvernement un encadrement juridiquement autour du déploiement de l’économie de partage. Mais cet encadrement devra prendre en compte le risque de tuer dans l’œuf cette nouvelle économie qui crée de l’emploi et de la valeur.
Les assureurs, qui jouent aujourd’hui un rôle central dans le développement de l’économie du partage, sont directement visés par cette actualité. La confiance entre les personnes ayant ses limites, l’assurance rassure et est même une condition nécessaire à la prestation de services collaboratifs. Pour les acteurs de l’assurance, le véritable défi sera d’appréhender ce nouveau secteur pour affiner le calcul du risque. A ce stade, ils se sont dirigés vers un équilibre, en s’appuyant sur les données collectées au cours des dernières années, rendant ainsi supportable les tarifs d’assurance pour les propriétaires et les locataires qui utilisent les sites collaboratifs. De la même manière, ils devront adapter leur tarification aux nouvelles contraintes à venir pour les acteurs de l’économie collaborative.