Le 1er octobre dernier, le Sénat a adopté le nouveau régime du droit à l’oubli en matière d’assurance emprunteur. Hasard du calendrier législatif ou volonté de sensibiliser sur le cancer, ce nouveau régime semble être un nouveau pas vers l’assurabilité des patients.
L’accès au crédit est un véritable parcours du combattant pour les personnes malades ou ayant été malades….et l’assurance emprunteur représente un véritable obstacle. Depuis plusieurs décennies, assureurs, associations de malades et pouvoirs publics mettent en place des solutions afin de permettre aux patients de bénéficier de couvertures d’assurance adéquates à leurs besoins. Ces solutions sont-elles suffisantes pour développer l’assurabilité des personnes présentant un risque aggravé de santé ?
L’aléa, justification de la sélection du risque de santé
Les assureurs ont la possibilité légale de sélectionner le risque de santé qu’ils souhaitent couvrir. Ainsi, ils peuvent refuser la souscription d’une garantie, majorer les primes ou encore exclure certaines garanties aux personnes gravement malades ou récemment guéries. Cette possibilité se justifie par l’interdiction d’assurer un risque certain.
Toute personne dont l’état de santé est susceptible d’abréger théoriquement son pronostic vital, est considérée comme présentant un risque aggravé de santé…donc un risque certain.
Un accès au crédit aléatoire
L’accès au crédit est de plus en plus conditionné à la souscription d’une assurance emprunteur permettant de garantir le remboursement du prêt en cas notamment de décès ou d’invalidité. Dans ce cas, la sélection du risque se fait via un questionnaire de santé devant être complété par les aspirants au crédit. En cas de risque aggravé de santé, des examens complémentaires peuvent être demandés. Il arrive que les assureurs préfèrent refuser l’octroie de l’assurance emprunteur sans même aller au bout des examens complémentaires le plus souvent coûteux. On arrive ainsi à un accès au financement fortement restreint pour les personnes présentant un risque aggravé de santé mais dont le pronostic vital n’est plus en jeu. Dès lors, un véritable enjeu social apparaît.
Le risque aggravé de santé : l’assurabilité d’un risque de moins en moins certain ?
Pour les assureurs, le risque aggravé de santé représente un aléa spécial difficile à prévoir et à modéliser. Ils mettent souvent en avant le manque de données statistiques leur permettant de développer des modèles de prédiction du risque aggravé de santé…modèles qui varient selon les pathologies en question. Or, moins l’assureur connaît le risque, plus le montant des primes s’envole !
Il est donc indispensable que la sélection du risque se fasse au cas par cas, par une étude approfondie de la situation du candidat à l’assurance emprunteur (maladie, âge, traitement suivi). Pour les associations de patients, cette évaluation de l’assurabilité des personnes malades ou ayant été malades, doit être plus objective par exemple, en prenant en compte les avancées thérapeutiques.
Pour intégrer les évolutions thérapeutiques dans la mesure du risque, assureurs et réassureurs doivent disposer d’un volume suffisamment important de données statistiques de qualité. Or, selon eux, l’accès à des statistiques fiables est trop souvent difficile, du fait notamment :
- de l’insuffisance de maladies étudiées,
- de l’insuffisance de la durée de suivi d’une population suivant un traitement thérapeutique
- d’études épidémiologiques portant sur un volume de populations malades insuffisamment important.
Les publications scientifiques ainsi que les bases de données publiques nationales et internationales ne sont pas systématiquement transmises aux assureurs privés et ne permettent pas d’intégrer dans les schémas assurantiels l’ensemble des traitements thérapeutiques.
L’indispensable partenariat entre assureurs, associations de patients et pouvoirs publics
Ce type de partenariat, qui s’est développé ces dernières décennies, combine connaissance de la pathologie, compréhension des besoins des patients et donc meilleure maîtrise du risque.
Deux conventions illustrent cette collaboration :
- le contrat emprunteur de l’Association Francaise des Diabétiques (AFD) et,
- la convention AERAS.
Le contrat de l’AFD permet à ses adhérents diabétiques de souscrire des garanties (prévoyance, décès notamment) sans exclusions ou surprimes en ciblant des patients qui suivent convenablement leurs traitements. La convention AERAS, donne la possibilité aux patients d’accéder au crédit à la consommation sans obligation de remplir un questionnaire de santé sous certaines conditions. Concernant le crédit immobilier, la demande de prêt fait l’objet de 3 examens approfondis sans qu’il soit certifié que les garanties et tarifs sont identiques à ceux des contrats standards. Le Sénat, a adopté le 1er octobre dernier le nouveau régime relatif au droit à l’oubli des personnes ayant été atteintes de cancer.
Ainsi, ces derniers seront dispensés de révéler leur ancienne pathologie lorsqu’ils contracteront un emprunt immobilier.Bien que toutes ces solutions poussent les limites de l’assurabilité des patients, elles restent souvent conditionnées et ne s’étendent pas à l’ensemble des patients (par exemple ceux atteints de maladies rares).
Peut-être le Big Data aura-t-il un impact plus important sur la sélection du risque de santé ?