Assurance des sportifs : comment se prémunir efficacement contre les risques de blessures ?
Le 19 septembre 2015, lors de la rencontre de la Coupe du monde de rugby opposant la France à l’Italie, l’international français Yoann Huget (28 ans, 41 sélections) est contraint à l’abandon suite à une sévère blessure au genou droit. Cet événement marque la fin de la compétition pour ce sportif professionnel et le début de plusieurs mois d’indisponibilité. Quelles sont les garanties de prise en charge des assurances ? Qui couvre quoi ?
Responsabilité civile : la formule de base
En règle générale, il n’existe aucune obligation d’assurance, pour un sportif (amateur ou professionnel). En effet, cette obligation incombe aux organisateurs d’activités sportives qui se doivent de souscrire des contrats collectifs d’assurance couvrant la responsabilité civile (obligation légale de réparer les dommages causés à autrui) de l’ensemble des participants à l’événement.
En pratique, la licence, obligatoirement souscrite en cas de pratique régulière, comporte deux assurances : la responsabilité civile et la couverture contre les accidents corporels (il s’agit alors de « licence-assurance »). Les différents sports sont de cette façon contraints à l’assurance à travers les conventions collectives qui régissent leur discipline.
Si nous prenons l’exemple du football, les clubs de ligues professionnelles ont l’obligation légale d’assurer leurs joueurs contre la perte de salaire pendant une durée minimale de 90 jours suite à une blessure entraînant une incapacité à jouer. Autre exemple, dans le monde de l’ovalie, les clubs doivent souscrire des assurances complémentaires de prévoyance pour tous leurs joueurs. De façon générale, les clubs cotisent à la Sécurité Sociale pour la prévention et la réparation des accidents de travail et maladies professionnelles de leurs joueurs. Ces derniers sont alors indemnisés par les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pour la prise en charge des frais médicaux.
Des assurances complémentaires toujours plus chères pour les clubs
Dans les sports les plus médiatiques, les clubs qui en ont les moyens choisissent de souscrire une assurance complémentaire dont la prime est généralement calculée selon les trois critères suivants :
- La valeur d’acquisition du joueur : elle donne une bonne indication de la perte financière qu’occasionnerait l’indisponibilité d’un joueur pour le club.
- La valeur marchande du joueur, c’est-à-dire le montant que le club est susceptible de percevoir en cas de transfert (ce montant peut donc évoluer au cours d’une saison).
- La valeur de remplacement : il est possible que la valeur d’un joueur soit surestimée par son club par rapport à son prix de transfert. Le club fera alors le choix d’assurer la valeur « haute » de son joueur lui permettant le cas échéant de recruter un joueur potentiellement de même niveau pour ce montant. Une des particularités du football réside dans le fait que les clubs peuvent choisir les noms des joueurs qui seront couverts par le contrat.
Tendance de ces dernières années, le prix de ces assurances est régulièrement revu à la hausse. Cela est notamment dû à une multiplication des sinistres, comme le montre l’augmentation de près de 18% du nombre d’événements médicaux ayant entrainé une intervention des soigneurs à l’issu de la phase aller des trois dernières saisons de rugby.
Dans le football, depuis 2012, la FIFA et l’UEFA s’engagent à rembourser les clubs de football en cas de blessure de leurs joueurs avec leur sélection. De manière concrète, les clubs continueront de payer les salaires des joueurs indisponibles et seront ensuite indemnisés par l’UEFA.
Sportifs professionnels et assurances à prix d’or
Les athlètes professionnels les plus prudents prévoient une couverture sur-mesure allant au-delà de celle de leur club et font appel à des contrats d’assurance très spécifiques pour couvrir, par exemple, le risque de perte de licence. Par exemple, si un accident ou une blessure grave empêche le joueur professionnel de vivre du sport, il percevra alors une somme sous forme de capital, laquelle peut atteindre 10 millions d’euros pour des joueurs tels que Karim Benzema ou Cristiano Ronaldo.
Pour les clubs également, les contrats d’assurance peuvent engager des montants pharamineux qui mettent potentiellement en danger leur situation financière. Certains réclament la création d’une indemnité pour couvrir la perte de profit car si le récent accord signé entre la FIFA et les clubs de football prévoit l’indemnisation des salaires, aucune compensation n’est envisagée en cas d’invalidité totale ou de décès.
Force est de constater que les disparités sont encore très prononcées entre sportifs et entre clubs et les garanties d’indemnisations semblent encore trop liées aux moyens financiers des adhérents. Sur le plan légal, en réponse à ce constat, la tendance est à la protection des sportifs de hauts niveaux. Derrière les têtes d’affiche aux salaires mirobolants, se cache une toute autre réalité pour la majorité des athlètes, moins médiatisés, moins rémunérés et donc en situation plus précaire. Partant de ce constat, l’Assemblée nationale a voté le 8 juin dernier une proposition de loi. La mesure phare en est la mise en place, en cas de blessure lors d’un entraînement ou d’une compétition, d’une prise en charge des soins pour les sportifs amateurs de haut niveau sur le même modèle que le dispositif de couverture de l’accident du travail et de la maladie professionnelle. Autre disposition, les fédérations sportives auront l’obligation de souscrire à une assurance « individuelle accident » complémentaire couvrant les dommages corporels dont le coût, estimé entre 3,5 et 5 millions d’euros, sera pris en charge par l’État. Jusqu’à présent, les athlètes faisaient des demandes de couverture maladie universelle (CMU) ou bien s’inscrivaient dans des universités afin de bénéficier d’une protection auprès des mutuelles étudiantes.
Et si la réponse venait des objets connectés ?
Nous assistons depuis plusieurs années à la multiplication et au perfectionnement des objets connectés permettant d’étendre leur champ d’application. Autour du sport et de la santé, de nombreux objets et accessoires se sont progressivement dotés de capteurs connectés fournissant une batterie d’informations aux utilisateurs lors de leur pratique d’activités sportives. Ainsi, depuis l’introduction des puces RFID actives par Nike en 2006, les applications permettant de suivre et d’analyser ses performances sportives n’ont cessé de se développer.
Cette possibilité de collecte d’informations de façon continue pourrait être exploitée par les compagnies d’assurance afin de proposer des contrats personnalisés, adaptés aux risques encourus par les sportifs. Les nouvelles technologies peuvent alors jouer un rôle clé dans la surveillance de l’état des sportifs et la prévention de pathologies liées à la pratique de sport de haut niveau et plusieurs initiatives vont dans ce sens. Aux États-Unis, les chercheurs du Children’s National Medical Center (Washington DC) et de l’Université de Caroline du Sud ont développé l’application « Concussion Recognition & Response », capable de reconnaître les symptômes de commotion chez les sportifs. Par ailleurs, la Ligue américaine de football (NFL) envisage d’équiper de capteurs les casques et tenues des joueurs pour faciliter l’évaluation des chocs et la détection des commotions cérébrales. Néanmoins le développement de cette traçabilité pose la question de la vie privée : tout comme dans le marché des particuliers, à partir de quel moment un objet devient-il trop « intime » pour servir à un assureur ? Cette question est d’autant plus compliqué dans le cas des sportifs puisque leur outil de travail n’est autre que leur propre corps