À l’heure de la montée en puissance du digital, la désintermédiation et la réappropriation d’outils sociaux semblent constituer un nouveau sujet d’envergure pour les assureurs. L’économie dite collaborative, ou sharing economy, liée à l’expansion d’internet, cristallise justement ces nouveaux besoins et crée un nouvel éco-système.
L’essor de l’économie collaborative
75% des français ont eu recours au moins une fois à une forme d’économie collaborative. Ce chiffre vient corroborer ce que d’autres études ont déjà montré : l’économie collaborative est dans une phase de croissance forte. D’ailleurs, les estimations de Forbes soulignent le potentiel financier de cette nouvelle forme d’économie : son chiffre d’affaire mondial de 3,5 milliards de dollars en 2013, serait passé à 15 milliards en 2014 et pourrait attendre 335 milliards dans 10 ans selon des études récentes.
Née de la culture de partage de logiciel, teintée d’un caractère contestataire et portée tout à la fois par des objectifs économiques mais aussi sociaux, l’économie collaborative se compose de deux grandes tendances : la consommation collaborative (AMAP, couchsurfing, co-voiturage, auto-partage, vélo-partage, cojetage) et la création collaborative, le financement participatif et la connaissance « ouverte ». Dans tous les cas, et quelque soit la forme d’économie collaborative envisagée, de nombreuses initiatives très différentes les unes des autres voient le jour et ajoutent à la complexité du sujet.
Assurer l’économie collaborative : nouvelles opportunités et nouveaux risques pour les assureurs
La fonction historique d’un assureur est d’agréger des données sur les souscripteurs pour mutualiser les risques et optimiser les coûts. Or, cette fonction est aujourd’hui au moins en partie contestée. En effet, en proposant un mode nouveau de consommation, qui privilégie l’usage et le partage sur la propriété, l’économie collaborative invite à repenser en profondeur la manière de s’assurer.
Ce nouvel écosystème représente un défi économique en remettant en cause le business model de l’assurance traditionnelle. D’une part, parce que l’économie collaborative touche à la question – cruciale pour tout assureur – du pricing. Les assureurs doivent en effet continuer d’assurer les nouveaux besoins émergents avec deux systèmes coexistant (économie traditionnelle et économie collaborative) en évitant des situations de sur-assurance ou de sur-tarification. Pour ce faire, certaines entreprises proposent d’ores et déjà de combiner l’assurance individuelle souscrite par les consommateurs et l’assurance de la plate-forme collaborative. Par exemple, aux États-Unis, le partenariat entre Metromile et Uber répond à cette problématique en permettant aux conducteurs de soustraire le nombre de kilomètres faits dans le cadre d’Uber, afin de baisser le coût de leur assurance individuelle. L’économie collaborative permet en effet l’émergence de l’assurance Peer to Peer (P2P) qui consiste, pour une communauté, à prendre en charge elle-même ses petits sinistres. Assortis bien souvent de système de money back insurance, remboursant une partie des primes versées en fonction de la sinistralité de la communauté, ces nouveaux modèles font donc directement concurrence aux assureurs historiques.
D’autre part, parce que la consommation collaborative transforme les risques traditionnels couverts par les assureurs.
Il faut enfin également ajouter que la sharing economy pose un problème de données statistiques. Celles-ci, au cœur du travail d’actuaire, est un nouvel obstacle à la visibilité des assureurs sur leur manière de s’engager sur ce nouveau marché.
Néanmoins l’économie collaborative peut présenter de multiples vertus, comme par exemple une diminution des risques de fraudes, une meilleure sélection des risques, une diminution des coûts de gestion et une diminution des coûts de prise en charge des sinistres.
Aux assureurs donc de faire preuve d’agilité et de créativité pour s’adapter à ces nouveaux défis.