Depuis 2007, nous assistons à l’essor de l’économie collaborative. Omniprésente, elle apparaît sous diverses formes telles que la consommation partagée (co-voiturage, couchsurfing, auto-partage), les modes de vie collaboratifs (colocation, coworking) ou le financement participatif (crowdfunding). Ce développement répond aux besoins et problématiques du moment dont l’augmentation du coût de la vie et l’intensification des relations via les réseaux sociaux ou sites spécialisés. Une nouvelle voie d’échanges entre particuliers (peer-to-peer), sans intermédiaire, aux coûts les plus justes apparaît alors.

Arrivée dans le domaine de l’assurance, l’économie collaborative lève le voile sur un domaine dominé par de grands acteurs et aux nombreux intermédiaires.

Même si l’assurance collaborative est encore marginale, elle mérite que l’on s’y intéresse pour l’alternative qu’elle propose et les modèles mis en œuvre.

 

Les différentes formes d’assurance collaborative

Pratique commune dans la négociation de prêts immobiliers ou la souscription d’abonnements de gaz et électricité, l’achat groupé permet à une communauté de souscrire une offre spécifique adaptée à son besoin et/ou de négocier un tarif de gros. Guère plus engageante qu’une souscription habituelle, la pratique s’est développée en 2012 au Royaume-Uni grâce à la plateforme Bought By Many. Fort d’une communauté de 65000 adhérents, le site promet un rabais d’environ 20% sur les assurances souscrites (santé, auto, habitat…). A plus petite échelle, la commune de Caumont-sur-Durance, dans le Vaucluse, a mis en œuvre en 2013 une mutuelle communale permettant à 293 de ses administrés de percevoir une mutuelle santé à prix négocié.

Deuxième forme innovante, la franchise collaborative apparaît dans le domaine de l’assurance auto et habitat. Lancée début 2015, la plateforme française Inspeer permet à une communauté responsable et solidaire de couvrir après sinistre, une partie des frais de franchise du sinistré. Ainsi, chaque membre peut sans changer de contrat baisser le coût de son assurance et éviter les imprévus de trésorerie. (Cf. article INSPEER : le Blablacar de l’assurance !)

S’attaquant davantage au modèle conventionnel, la micro-mutuelle est un modèle encore plus ambitieux. Créée en 2010 à Berlin, Friendsurance a développé son modèle en promettant économies et transparence. La méthode repose sur un comparateur d’offres conventionnelles. Une fois l’offre sélectionnée, le souscripteur s’entoure d’une communauté dans laquelle chaque membre s’engage à reverser une somme en cas de petit sinistre d’un des membres. Plus la communauté est grande, plus la somme engagée au remboursement des petits sinistres est élevée et plus le prix de la cotisation auprès de l’assureur est faible. Pour une communauté de 10 personnes, le coût de l’assurance conventionnelle est ainsi divisé par deux.

Schéma 4

Sur un modèle similaire, jFloat promet de sortir au Royaume-Uni une micro-mutuelle au principe novateur. Une communauté d’environ 100 individus se réunit et cotise sur deux fonds distincts : 80% dédié au fond de garantie des petits sinistres, 20% permettant la souscription d’une assurance conventionnelle pour couvrir les sinistres lourds.

Bien que différentes, ces deux micro-mutuelles offrent une souplesse quant à la couverture des petits sinistres, souvent synonymes de démarches fastidieuses, paiements de franchises élevées et couvertures faibles. Mais les assureurs conventionnels n’en sont pas moins gagnants. En effet, le regroupement en communauté responsabilise les membres et diminue le risque de fraudes. De plus, les assureurs ne gèrent que les sinistres importants, ce qui a pour conséquence d’en amoindrir le coût de prise en charge.

Étape ultime contre l’intermédiation, l’assurance individuelle promet à tout individu de devenir son propre assureur. L’auto-assurance consiste à verser une prime sur une plateforme collaborative pour assurer des biens divers. Cette dernière calcule notamment la prime suivant la couverture choisie, la valeur du bien. Le site PeerCover lancé en 2013 aux États-Unis en est un des précurseurs.

 

Innovation, risques : un constat mitigé

Bien qu’innovants, les trois premiers modèles s’appuient sur des assureurs conventionnels. La contractualisation rassemble un individu, ou un groupe d’individus, et un assureur. Seul le degré de couverture et les frais sont adaptés. De plus, le métier de l’assurance n’est pas bousculé pour autant. En effet, le calcul des cotisations repose sur l’estimation du bien, la proposition de couvertures graduées, et un algorithme adapté.

Enfin, l’implication du particulier dans l’assurance est le propre de l’assurance collaborative. Sur la franchise collaborative ou la micro-mutuelle, les membres responsables et solidaires d’une communauté peuvent, dans la limite de leur engagement, subir les sinistres des autres membres.

 

L’avancée sur le secteur français

L’arrivée d’Inspeer est une première étape dans l’émergence de l’assurance collaborative en France. Comme le démontre les modèles cités, les compagnies d’assurance peuvent trouver un intérêt à accompagner son développement via des partenariats ou en développant elles-mêmes des plateformes collaboratives. Notons l’exemple de Generali qui en 2009 a lancé la plateforme kontsurnous.fr dont le principe était d’assurer à prix avantageux une « tribu » de deux à quinze personnes. N’ayant pas trouvé son public et arrivant certainement en avance sur son temps, le site a fermé.

Néanmoins, le développement des modèles alternatifs est freiné par les limites juridiques. Contrairement au crowdfunding, l’assurance collaborative n’est pas encore contrôlée par les pouvoirs publics français, et son développement s’opère dans un flou juridique.

De plus, nous sommes encore aux balbutiements de l’assurance collaborative, nous pouvons alors nous interroger sur les conclusions en cas de litige ainsi que la conséquence du développement important de ce modèle alternatif dans le calcul des provisions des assureurs.