La publication du décret sur l’ANI semblait promettre l’émergence des produits surcomplémentaires, en favorisant pour l’assuré le choix d’une couverture à la carte. Dix-huit mois après, constate-t-on un décollage des produits surcomplémentaires ?

 

Pourquoi des surcomplémentaires ?

Les contrats collectifs remboursent mieux que les contrats individuels. Partant de ce constat, l’Accord National Interprofessionnel (ANI) qui prendra effet le 1er janvier 2016 vise à assurer une meilleure protection sociale des salariés, 19 millions dans le secteur privé, en généralisant à l’entreprise l’assurance collective en santé et prévoyance. En réalité cet accord concerne environ 4 000 000 de salariés qui ont un contrat individuel et qui travaillent principalement dans les TPE/PME.

La tendance des entreprises sera probablement de privilégier un contrat complémentaire avec des garanties « a minima » et laissera aux salariés le soin de souscrire des garanties supplémentaires afin d’être mieux remboursés. Ce contrat dit sur-complémentaire interviendrait donc pour rembourser en troisième niveau, après le quittancement du régime obligatoire et complémentaire. Une possibilité s’offre alors aux entreprises, négocier des produits surcomplémentaires à ses salariés.

 

Le bouleversement du marché de l’assurance

Avec l’ANI, le secteur de l’individuel se trouve fortement impacté et il résulte chez les organismes assureurs le basculement du portefeuille individuel vers le collectif. Les assureurs et institutions de prévoyance ont déjà leurs marques dans le secteur collectif, ils possèdent des réseaux de distribution et de produits individuels concurrentiels contrairement aux mutuelles ou bancassureurs qui se sont positionnés principalement sur le secteur individuel. Ces derniers temps, on assiste à des rapprochements entre acteurs de secteurs disjoints, afin de transférer de façon contrôlée le portefeuille individuel dans celui collectif de leur partenaire.

 

Pour les organismes assureurs, le changement c’est maintenant

Si les assureurs souhaitent être prêts, ils doivent dès à présent analyser les changements qui s’opéreront dans le secteur et définir leur stratégie de rentabilité. D’autant plus que cette surcomplémentaire échappe aux contrats responsables et en contrepartie sera taxée deux fois plus, à hauteur de 14 %.

La rentabilité de ces contrats surcomplémentaires seuls pour les acteurs n’apparaît pas évidente à moins de les coupler aux contrats collectifs et ainsi diminuer les coûts de gestion en mutualisant. Actuellement les acteurs ont déjà commencé à commercialiser ou à refondre leurs produits individuels dans l’objectif d’attirer les assurés de leur portefeuille collectif.

En parallèle, les contraintes techniques liées à leur système d’information et à la gestion spécifique de la surcomplémentaire sont des chantiers complexes à analyser.

Le virage d’être ANI compatible est d’autant plus risqué qu’il n’arrive pas seul, les contrats responsables et les catégories objectives sont également à mettre en place.

 

Quels avantages pour les salariés ?

Au vue de la situation économique actuelle, les dépenses pour les frais de santé des ménages est l’un des premiers budgets réduits. Il est à prévoir que peu d’entre eux souscriront à des contrats supplémentaires. A moins qu’ils ne soient pris en charge partiellement par l’employeur, et deviennent alors attractifs. Ce qui est certain est la prolifération des contrats modulaires pour attirer le futur assuré sur les garanties spécifiques propres à son besoin, une famille ayant besoin de lunettes privilégiera un fort remboursement en optique. Cependant, cette tendance n’aidera pas à stabiliser les résultats techniques des acteurs du marché ni à conserver les valeurs mutualistes véhiculées et régies par le principe de l’Assurance. D’autant plus qu’il est à supposer que les assurés souscriront à ces garanties sur une période courte, correspondant à leur situation.

De plus, au sein des entreprises, les surcomplémentaires pourraient être considérées comme un moyen de récompenser les meilleurs collaborateurs suivant certains critères RH (mérite, ancienneté, etc…).

 

Un décret mitigé

L’objectif de l’ANI est d’obliger les entreprises à assurer une meilleure protection à leurs salariés. Cependant il apparaît très nettement que celle-ci ne résout en rien les inégalités entre les salariés et tend même à les accroître. En effet les grandes entreprises, de par leur taille, leur poids et le chiffre d’affaire qu’elle rapporte aux organismes assureurs, ont déjà négocié un contrat d’assurance complémentaire avantageux pour leurs salariés et pourront également proposer des surcomplémentaires privilégiées.