Quel financement pour les retraites en France ?
Tenter de répondre à cette question tourne vite au débat idéologique dans une France fière de sa tradition de solidarité dans laquelle s’inscrit le système de retraite par répartition, et qui se cabre volontiers lorsqu’elle est acculée à des réformes qu’elle sait pourtant imposées par les évolutions démographiques et économiques (voir ici).
L’objectif de cet éclairage est d’aider à mieux comprendre les dispositifs de retraite existant en France, afin de tenter d’appréhender avec plus d’objectivité ce grand défi qu’est l’avenir du financement des retraites.
Deux grands systèmes de retraite… sur trois piliers
Si le terme de « pilier » est plus utilisé en Belgique ou en Suisse qu’en France, les trois piliers y existent bel et bien.
Le premier pilier couvre le régime général de la sécurité sociale, obligatoire, dit « de base », qui est un système par répartition. Il a été mis en place en France entre 1941 et 1946. Les contrats collectifs de retraite complémentaire et supplémentaire, appartenant à la catégorie de l’épargne retraite entreprise, constituent le 2ème pilier. Le 3ème pilier, enfin, couvre les contrats individuels de retraite complémentaire. Les 2ème et 3ème piliers appartiennent au système de retraite par capitalisation.
Les dispositifs de retraite par répartition (1er pilier)
Reposant sur la solidarité et l’équité, la retraite par répartition comprend deux niveaux :
- le régime général de base, obligatoire et concernant l’ensemble des salariés du secteur privé ; il est financé par les cotisations salariales, les cotisations patronales et est subventionné par l’Etat.
- les différents régimes de retraite complémentaire obligatoires regroupant des catégories de travailleurs et gérés par différentes caisses ou fédérations : l’IRCANTEC (agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques), l’ARRCO (salariés du secteur privé), l’AGIRC (cadres du secteur privé), les Caisses des Professions libérales, etc. Ils assurent un complément de retraite aux crédirentiers de la retraite de base, financé par les cotisations et abondé par l’Etat. Leur fonctionnement en points (conversion des cotisations en nombre de point) les classe de facto dans la catégorie « à cotisations définies » : le cotisant connaît la valeur du point en phase de cotisation, mais pas encore la valeur qu’il aura atteint lors du calcul du montant de la pension de retraite (sa valeur dite « de service »).
Son principe est qu’à un instant t, les cotisations des actifs financent les pensions des anciens cotisants à la retraite. Le montant d’une pension est calculé sur la base des salaires de référence du cotisant et est soumis à conditions (durée de la période de cotisation, événements de carrière, par exemple). Pour autant, la mutualisation reste le principe régissant ce régime basé sur la solidarité intergénérationnelle, et qui garantit un montant minimum de pension de retraite aux personnes ne pouvant bénéficier d’une retraite à taux plein (Allocation de Solidarité aux Personnes Agées, anciennement « minimum vieillesse »). Le risque est mutualisé : pour simplifier, les cotisations d’une personne qui décède le jour de sa retraite restent acquises au fonds qui servira à régler les pensions des retraités en vie (et la pension de réversion de son conjoint le cas échéant).
Les dispositifs de retraite par capitalisation (2ème et 3ème piliers)
L’adhérent à un contrat d’épargne retraite constitue au cours de sa vie professionnelle (soit la « phase de constitution ») un capital en versant des primes régulières ou exceptionnelles qui seront investies sur des supports financiers. Lorsqu’il atteint l’âge de la retraite (soit la « phase de restitution »), son capital valorisé est converti en revenu sous la forme d’une rente qui peut être viagère et réversible à son conjoint survivant ou ses héritiers, ou sous la forme d’un versement unique, en fonction des modalités prévues au contrat. L’épargne acquise peut également être débloquée avant l’âge de la retraite en cas de survenance d’évènements, là encore prévus au contrat.
Ces contrats d’épargne retraite peuvent être collectifs (2ème pilier) ou individuels (3ème pilier) et sont commercialisés et gérés par les Compagnies d’Assurance, les Instituts de Prévoyance ou les Mutuelles. Ils sont régis par le Code Général des Impôts et le Code des Assurances qui en fixent le cadre : modalités de versement des cotisations et des primes ; conditions, forme et fiscalisation des prestations ; avantages fiscaux ; enfin l’ensemble des modalités d’adhésion et de sortie.
Les contrats collectifs de retraite supplémentaire (2ème pilier)
Régis par les articles 82, 83 et 39 du Code Général des Impôts (auxquels ils doivent leur nom : on dira « mon entreprise a souscrit un contrat article 83 »), auxquels s’ajoutent les contrats d’Indemnités de Fin de Carrière (IFC), ils appartiennent à la catégorie des contrats collectifs d’épargne retraite entreprise. Ils sont souscrits par une Entreprise pour le compte de ses salariés, ou une partie d’entre eux, qui en sont les adhérents et qui alimentent un fonds collectif placé en valeurs mobilières et auquel l’Entreprise abonde et duquel seront désinvesties les prestations dues aux adhérents sortants (capital et rentes de retraite, capital en cas de rachat, …). Ces contrats fonctionnement à la fois sur le principe de la capitalisation avec un lien mécanique entre le montant des primes versées par un adhérent et celui des prestations dont il bénéficiera, mais avec une dose de mutualisation puisque le risque est partagé au niveau d’un groupe avec une gestion du risque de type assurantiel, avec en plus des garanties de prévoyance. Ils peuvent être à cotisations définies (l’adhérent connaît le montant de ses cotisations mais pas celui des prestations qu’il percevra) ou à prestations définies (le montant des cotisations est déterminé et éventuellement ajusté en cours de phase de constitution afin de garantir un montant de prestation défini à l’adhésion). L’adhésion par les employés peut être obligatoire (« Article 83 », « Article 39 ») ou facultative (« Article 82 »). Certains des contrats collectifs d’assurance de retraite supplémentaire accordent des avantages d’ordre fiscal et social aux Adhérents comme à l’Entreprise souscriptrice :
- sur les cotisations (art. 83 : exonération à l’Impôt sur le Revenu de l’Adhérent des primes versées par l’Employeur, exonération des droits de succession sur le capital acquis en cas de décès en phase de constitution, déduction du bénéfice imposable de l’Entreprise souscriptrice)
- sur les prestations (fiscalisation de certaines rentes viagères dans la catégorie des pensions à titre gratuit, montant des prélèvements sociaux, …)
Les contrats individuels d’épargne retraite (3ème pilier)
Ce sont des contrats d’épargne retraite par capitalisation, souscrits à titre individuel et facultatifs, dont les modalités sont régies, comme les contrats d’assurance retraite collectifs, par un cadre fiscal et par le Code des Assurances : types et conditions de versements en période d’activité, gestion de l’investissement, éventuelles conditions de sortie anticipée, régime fiscal appliqué aux cotisations et aux prestations.
Parmi eux, le Plan d’Epargne Retraite Populaire s’adresse à tous, quand les contrats de type loi Madelin sont dédiés aux professions libérales et ceux de la Préfon réservés aux agents de la Fonction publique et leurs conjoints.
Le PERCO ne se range ni dans la catégorie du 2ème pilier ni celle du 3ème pilier : il est de fait un contrat d’épargne retraite individuelle entreprise qui n’a de collectif que la mise en place par l’Entreprise. Nous le situerons entre le 2ème et le 3ème pilier.
Une évolution du dosage répartition/capitalisation est-elle en cours ?
Quels que soient les ajustements apportés au système de financement des régimes de retraite par répartition (hausse de l’âge de départ à la retraite, allongement de la période de cotisation, montant des cotisations, …) afin d’en limiter les déficits comptables et à terme en assurer la pérennité, le montant des pensions de ces régimes ne peut être maintenu à sa hauteur actuelle et son érosion se poursuivra : en € constants, elles auront perdu en moyenne environ ¼ de leur valeur actuelle dans 30 ans.
Cette diminution progressive du taux de transformation (le ratio montant de la pension de retraite/revenu de référence) est-elle inéluctable ? Oui, sauf à demander aux actifs de tels efforts pour le maintenir à son niveau actuel qu’ils seraient tentés de remettre en question le dogme tout français « défendre le système de la répartition est courageux et généreux, développer la capitalisation est le choix de libéraux sans cœur à l’égard des plus démunis ». Cet effort ne leur est et ne leur sera pas demandé. Le montant des pensions de retraite par répartition continuera à diminuer.
Mécaniquement, les personnes les plus exposées aux aléas économiques n’auront pas les moyens de s’offrir une retraite supplémentaire pour pallier la baisse du montant de la pension du régime général dont ils bénéficieront lorsqu’ils seront retraités. Les plus prévoyants et les plus favorisés économiquement adhèrent déjà à un ou plusieurs contrats d’assurance retraite par capitalisation, notamment à un contrat d’épargne retraite entreprise rendu très attractif par les avantages fiscaux et sociaux mis en place par les gouvernement successifs alarmés par l’aggravation des déficits de la plupart des régimes de base et l’impact sur ces régimes des crises économiques successives. Même si, en 2013, la part des dépenses publiques consacrée aux retraites par la France représentait encore 13,7 % de son PIB (l’une des plus fortes des pays de l’OCDE où la moyenne était de 7,8 %), la part de la capitalisation dans les retraite des Français augmentera, lentement certes, mais inexorablement.
L’avenir de la retraite en France ? C’est La Cigale et la Fourmi.