En 2001, l’onde de choc provoquée par les attentats du 11-septembre à New-York (40 milliards de dollars de pertes assurées) a créé une véritable prise de conscience concernant l’impact du « méga-terrorisme » sur l’économie d’un pays, voire d’une partie du monde. Qui doit payer pour les coûts liés à l’indemnisation des victimes, à la destruction matérielle, aux pertes d’exploitation… ? Comment couvrir un risque dont l’impact peut être humainement et matériellement dévastateur et dont la probabilité d’occurrence est difficilement modélisable ?

Des mécanismes de couverture du risque terroriste très diversifiés

A partir de 2001, compte tenu de l’absence de règlementation internationale et des disparités culturelles nationales concernant le risque terroriste, chaque pays a mis au point (ou perfectionné) son propre mécanisme d’indemnisation. Certains États (comme la Suisse et l’Autriche) ont préféré une solution uniquement fondée sur le secteur privé, justifiée par leur faible exposition au risque terroriste ; les montants couverts (plusieurs centaines de millions d’euros) sont toutefois inférieurs aux pays ayant privilégiés des modèles incluant l’État (plusieurs milliards d’euros, voire sans limite). C’est notamment le cas d’Israël qui a préféré couvrir ce risque uniquement à travers l’État. Le risque d’attaque terroriste y étant en effet si important qu’il pourrait mettre le secteur privé en grande difficulté financière si celui-ci devait le couvrir. La majorité des États (États-Unis, France, Allemagne…) qui ont mis en place une couverture pour le risque terroriste ont néanmoins privilégié une solution publique/privée, avec des modalités de mise en œuvre parfois très différentes. Ce mécanisme permet à la fois de responsabiliser les acteurs privés, tout en assurant la participation financière publique en cas de pertes trop importantes.

Le rôle primordial de l’État

Pour illustrer le rôle de l’État et la diversité des modèles mis en œuvre dans le cadre de la solution publique/privée, prenons l’exemple des modèles de couverture des États-Unis et de la France.

Aux États-Unis, c’est en 2002 qu’est apparu le Terrorism Risk Insurance Act (TRIA) mettant en œuvre un système de partage des risques entre les assurés, les assureurs et l’État fédéral (les réassureurs ne sont pas impliqués). Les assureurs couvrent uniquement les entreprises qui ont souhaité se prémunir contre le risque terroriste, en échange d’une prime qu’ils fixent librement. En cas d’acte de terrorisme, le gouvernement fédéral rembourse 85% des pertes assurées au-delà d’une franchise appliquée aux assureurs, celle-ci étant fixée à 20% des cotisations commerciales directes en dommages perçues par les sociétés d’assurance. Ce remboursement est toutefois limité à 100 milliards de dollars.

En France, c’est également en 2002 qu’un pool de co-réassurance dédié au risque terroriste a été mis en place, sous l’égide du GAREAT. Les assureurs et réassureurs français et internationaux (répartis en 3 tranches) couvrent des pertes allant jusqu’à 2 milliards d’euros, en contrepartie de 90% des primes collectées par les assureurs. Au-delà, c’est l’État, à travers la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), qui apporte une garantie illimitée. L’État touche pour cela 10% des primes collectées par les assureurs. Contrairement aux États-Unis, la couverture terroriste est obligatoire pour les entreprises en France.

En étudiant les différents modèles de couverture du risque terroriste, on s’aperçoit rapidement que plus un pays est exposé à un risque terroriste, plus l’État sera amené à jouer un rôle important dans la couverture des pertes occasionnées. En effet, seuls les États ont la capacité d’assurer la continuité économique et sociale d’une nation en offrant une couverture illimitée des conséquences financières. Mais au delà de la couverture financière, l’État peut jouer un rôle majeur dans la prévention de ce type d’événements majeurs. Cela peut notamment passer par l’animation d’exercices de crise à grande échelle, conjointement avec le secteur privé, comme ce qu’il est prévu de faire dans un autre type de sinistre majeur, la crue de Seine.

A économie globale, menace globale

À la suite des attentats de New-York (2001) les marchés de la couverture terroriste se sont rapidement structurés en Europe et dans les pays anglo-saxons, mais seulement à une échelle nationale. Pourtant, du fait de la globalisation, les conséquences économiques de ces attentats n’ont pas été cantonnées aux pays concernés mais se sont propagées à d’autres parties du monde. Se pose donc pour les États, non plus seulement la question de couvrir les pertes engendrées à l’échelle nationale, mais également la question de se prémunir contre les répercussions économiques causées par un acte terroriste en dehors du territoire national.

C’est pour pallier cette faiblesse que l’OCDE s’est emparée du sujet fin 2010, en créant une plate-forme internationale dédiée à la couverture du risque terroriste. L‘heure n’est bien évidemment pas encore à la mutualisation globale du risque via un système supranational. Il s’agit avant tout de réaliser une veille réglementaire sur l’évolution des systèmes nationaux d’assurance du terrorisme, en identifiant l’implication des gouvernements et les tendances des marchés de l’assurance et de la réassurance. Cette plate-forme a également pour objectif d’identifier et de diffuser les bonnes pratiques en termes de prévention et de réparation du risque. Enfin cette structure doit également permettre, en cas d’attaque majeure, de réunir les directeurs de programme d’assurance du terrorisme pour identifier les actions les plus adéquates, tant sur le plan national qu’international.