« La rente viagère, idéale pour toucher des revenus supplémentaires ? »
La rente viagère est-elle réellement une solution judicieuse pour toucher des revenus toute sa vie ou simplement un miroir aux alouettes dressé aux futurs rentiers ?
Précisons tout d’abord qu’il s’agit ici de rentes viagères exclusivement financières, à l’exclusion donc de celles issues d’une vente en viager d’un bien immobilier.
Les rubriques financières des magazines spécialisés et le Web foisonnent de conseils vantant les mérites de la rente viagère, lui prédisant même un grand succès dans les années à venir. Sur certains sites très sérieux, des calculateurs vous permettent de simuler le montant annuel que vous toucherez au moment de votre retraite, en fonction du capital épargné dont vous disposerez.
Surgissent alors de tous côtés des chiffres qui parfois se contredisent, parfois ne citent pas leurs bases de calcul. Nous avons voulu en avoir le cœur net et pris notre calculette.
Une espérance de vie qui s’allonge, des rentes qui diminuent ….
Nous avons calculé actuariellement le montant d’une rente annuelle (on dit aussi montant des arrérages), viagère (on la touche sa vie durant), prise à 65 ans en disposant à cet âge-là d’un capital de 100 000 euros, de façon à ce que le lecteur profane sache à quoi s’attendre l’heure venue.
On a supposé que la rente était sur une tête, et non sur deux (le conjoint survivant touche alors une fraction de la retraite atteinte au moment du premier décès), pour faire simple, la présence de deux têtes ne faisant que rabaisser drastiquement le montant des arrérages.
Les 100 000 euros peuvent correspondre à vos économies ou à votre épargne personnelle accumulée sur un contrat d’assurance. Pour certains contrats d’épargne collectifs, c’est votre employeur qui pourra payer les 100 000 euros, voire plus.
Une rente, lors de son initialisation (appelée liquidation), se calcule en fonction d’une table statistique dite de mortalité et d’un taux technique (i.e. taux d’intérêts qui anticipe la revalorisation annuelle ultérieure des arrérages).
Une table de mortalité donne pour une population de 100000 personnes le nombre de survivants pour chaque âge. Les tables de mortalité changent régulièrement pour tenir compte de l’accroissement de l’espérance de vie. Les tables les plus récentes prennent aussi en considération la date de naissance. Ainsi pour la dernière (TGF05), si vous êtes né en 1985, on estime que 156 personnes (sur 100000) vivront jusqu’à 120 ans ; si vous êtes né en 2005, 516 auront atteint l’âge vénérable de 120 ans.
Reste le taux technique. On a retenu le taux de 2,5%, proche des taux en vigueur. Les montants sont alors les suivants :
Période de liquidation | Montant annuel de la rente prise à 65 ans |
Rente liquidée dans les années 70 | 7408 € par an |
Rente liquidée en 1988 ou plus tard (table de mortalité TV8890) | 6634 € par an |
Rente liquidée en 1993 ou plus tard (table de mortalité TPRV93) | 5646 € par an |
Plus récemment, avec la table actuelle (2014) : | |
Si on est né en 1949 (65 ans atteints en 2014) | 5154 € par an |
Si on est né en 1985 | 4539 € par an |
Si on est né en 2005 | 4302 € par an |
Bien sûr, pour ceux prenant leur retraite après disons 2015, le changement de table, tous les 8-10 ans à peu près, ne peut que faire baisser ces derniers montants. En 2050, sauf catastrophe sanitaire, on est à peu près sûr de passer allègrement sous les 4000 euros par an.
Si l’on part plus tard à la retraite, à 70 ans au lieu de 65, les montants d’arrérages de 4539 € et 4302 € augmentent de 10 à 11% pour atteindre respectivement 5057 € et 4747 €.
Comment faire face à l’érosion monétaire?
Voyons maintenant la revalorisation du montant de la rente. L’assureur verse chaque année un montant de participation aux bénéfices exprimé en pourcentage. Si ce taux est par exemple de 2%, votre rente ne bougera pas car il est inférieur au taux technique (2,5%). Cette situation pourrait perdurer toute votre vie, érodant votre revenu chaque année. On vous laisse imaginer son montant en bout de course si vous vivez jusqu’à 120 ans.
Si l’inflation repart, le taux de participation devrait augmenter. Supposons qu’il soit de 3,5%. La rente ne sera revalorisée que de 1% (3,5% – 2,5%), car on déduit toujours le taux technique du taux de participation.
Mais, direz-vous, les assureurs revalorisent habituellement les rentes ?
Dans ce cas, c’est une rente avec un taux technique de 0% qui vous permettrait de bénéficier pleinement du taux de participation chaque année. Mais la rente citée plus haut de 4302 € par an au taux de 2,5% ne sera plus que de 2798 euros au taux de 0%.
Enfin n’oubliez pas que les montants de rente évoqués sont presque toujours imposables (la fiscalité se durcit au fil des ans), et que la rente elle-même est en général inaliénable : si on a des regrets (vous ou vos héritiers), on ne peut revenir en arrière et récupérer une partie de son capital.
Quels produits offrir ?
On comprend le peu de succès de produits d’épargne dont la sortie n’est possible qu’en rente. On pense notamment au PERP, dont la collecte connait malgré tout un certain regain grâce aux avantages de déductibilité fiscale des primes versées.
D’autres produits offrent plus de souplesse, comme les « article 83 » (épargne dans le cadre de l’entreprise avec participation de l’employeur) qui donnent la possibilité de conserver un capital au moment du départ en retraite sans obligation de conversion en rente.
Il reste que les assureurs travaillent à améliorer le dispositif : les « Variable Annuities », contrats d’épargne permettant de bénéficier notamment des performances boursières, sont annoncés comme une réponse plus adaptée à la perception de revenus complémentaires au moment de la retraite.