L’avenir de l’épargne retraite en France
« Il faut se constituer sa propre retraite car il n’y aura plus d’argent dans les caisses lorsque nous parviendrons à l’âge de la retraite ». La simplification de ce lieu commun trahit la conviction justifiée des Français que les seuls régimes actuels par répartition ne permettront pas à un horizon proche le versement de pensions de retraite suffisantes. Pour autant, l’épargne retraite ne décolle pas en France.
Quels sont les enjeux autour de l’anticipation du financement de nos retraites, qui s’il est anxiogène à titre individuel est également source de nouveaux relais de croissance pour les Assureurs et les Instituts de Prévoyance ?
La situation actuelle des retraites en France
L’inquiétude des actifs cotisants actuels est justifiée : mécaniquement, le vieillissement de la population (2.5 actifs pour 1 retraité en 1970 et 1,5 actif pour 1 retraité en 2020) et l’évolution économique qui réduit la période de cotisation creusent le déficit des régimes obligatoires par répartition de base et complémentaire (« premier pilier »). L’ensemble des mesures des réformes successives de financement des retraites, dont l’allongement progressif et régulier de la période de cotisation au régime retraite obligatoire, ne suffit pas à équilibrer les caisses des régimes par répartition, et contraint notamment à la baisse progressive du taux de remplacement (ratio montant de la pension de retraite/salaire). Même en travaillant plus longtemps, en cotisant plus et en payant plus de prélèvement sociaux, entre autres efforts, les Français ne parviennent pas à maintenir le montant des pensions de retraite par répartition qui baisse progressivement. De 60 % en 2004, le taux de remplacement moyen passera à 45 % en 2045. Or actuellement, en France, les cotisations versées aux régimes obligatoires constituent 95 % de l’ensemble des cotisations de retraite.
Compléter son revenu de retraite par des dispositifs facultatifs, une épargne retraite à titre individuel (« troisième pilier ») comme le PERP ou en adhérant à un contrat collectif d’épargne salariale proposé par son entreprise (contrats dits article 82, article 83 ou article 39, « deuxième pilier ») devient la seule alternative pour maintenir son niveau de pension de retraite.
La France et ses voisins
Si les dispositions de la réforme des retraites de 2010 assouplissent les mécanismes de l’épargne retraite collective et sa complémentarité avec les régimes obligatoires par répartition, la France reste un pays où la prise de conscience est très lente comparée à ses voisins Européens et mondiaux, et où la part de l’épargne retraite dans le PNB est la plus faible de tous les pays de l’OCDE : 0,2 % en 2013 (contre, par exemple 5 % en Allemagne et 135 % aux Pays-Bas).
L’évolution démographique et économique est à peu près identique dans tous les pays de l’OCDE, et tous ont entrepris la refonte de leurs dispositifs de retraite, en commençant notamment par retarder l’âge de départ à la retraite. L’urgence des mesures à prendre varie selon les pays en fonction de leur système de retraite actuel, et notamment le caractère obligatoire de cotisation au « deuxième pilier » et, plus globalement, de la tradition d’épargne retraite du pays.
Quelles perspectives ?
Pour revenir au cliché évoqué en début d’article, ce n’est pas tant l’effondrement brutal du « premier pilier » des retraites (système par répartition) qu’il faudrait anticiper que son inéluctable érosion progressive et les mesures corollaires à prendre pour la pallier. Après tout, en poursuivant les réformes d’ajustement entamées, une pension moyenne de retraite atteindra dans 30 ans encore à peu près la moitié du salaire de référence. Plus pernicieuse est en revanche la menace d’une prise de conscience trop tardive des actifs actuels français des impacts précis et chiffrés de l’évolution démographique et économique sur le niveau de vie auquel ils s’attendent lorsqu’ils seront retraités s’ils n’adhèrent à aucun contrat d’épargne retraite au cours de leur vie professionnelle. Survalorisant culturellement le « premier pilier », les Français peinent à admettre la nécessité inévitable de cotiser au titre des deux autres piliers… et pas le moindre début de campagne de sensibilisation n’est en vue.