Les mutations rapides de l’environnement amènent les organisations à repenser leur modèle de développement. La distribution, en tant que vecteur de production et de livraison de la valeur, occupe une place stratégique. Alors que la mise en synergie des canaux physiques et digitaux met en lumière la complexité inhérente à ces enjeux, il apparaît que les principaux défis à relever ne sont pas tant organisationnels que culturels. Les acteurs doivent pourtant trouver des relais de différenciation, dans un contexte où les opportunités d’innovation ne manquent pas !

Un marché qui subit la pression d’importants facteurs environnementaux

La crise financière et économique, les évolutions règlementaires, les nouveaux usages : autant de facteurs qui ont contribué à transformer les modes de distribution. Après avoir opéré un recentrage sur leur activité de détail, puis procédé à de multiples concentrations, les opérateurs bancaires s’attaquent à leur réseau de distribution. En effet, l’heure est avant tout à la recherche d’authenticité et de transparence, afin de s’inscrire dans une logique de croissance durable. Une étude réalisée par l’IFOP pour la FBF a d’ailleurs mis en évidence le degré important d’attente en matière de transparence, d’accompagnement des clients en difficulté ponctuelle, et de risque produit. Ceci est aujourd’hui d’autant plus vrai que les nouvelles technologies ont engendré une dématérialisation et une virtualisation de nos relations, nous amenant à revoir la notion même de proximité.

L’agence physique occupe un rôle central dans le dispositif relationnel. Aujourd’hui, elle doit s’interconnecter avec les autres canaux dans le but de fluidifier le parcours client. L’optimisation des circuits de distribution permet alors la mise en œuvre d’une relation client répondant aux défis de l’environnement. Le principal challenge d’une banque est donc de remettre le client au centre des orientations. Plus précisément, il s’agira d’offrir le choix du canal au bon moment, en fonction du besoin, avec un service adapté, voire sur mesure. Dans certains cas, la démarche de co-construction semble si aboutie que le client devient lui-même le producteur du service qu’il consomme !

Une complémentarité du digital et du physique à appréhender

Cette transformation ne date pas d’hier : les banques anglo-saxonnes ont parié dès le début des années 2000 sur la multiplication des nouveaux canaux à des fins d’optimisation et de rentabilité[1]. L’objectif principal de cette démarche était de fournir via le web des services à faible valeur ajoutée à « la clientèle de masse », de façon à ce que les agences libèrent du temps pour proposer des services personnalisés à la clientèle haut de gamme.

Les conséquences de cette stratégie de distribution ne furent pas celles escomptées par les banques anglo-saxonnes, bien au contraire. La clientèle haut de gamme a peu à peu délaissé les agences au profit d’internet pour ses opérations courantes. Trouvant les offres de service en ligne pas assez sophistiquées, son niveau d’insatisfaction a augmenté. La clientèle classique, quant à elle, a continué à se rendre en agence pour effectuer ses virements…

Une pression concurrentielle accrue sur le secteur bancaire

Depuis les années 2000, la concurrence s’intensifie[1]. La multi-bancarisation se développe ; les clients sont à la recherche des meilleurs tarifs et services. Les nouvelles technologies, en favorisant un accès à l’information et la distanciation de la relation ont contribué à accroître ce phénomène. Le pouvoir de négociation du client vient donc faire pression sur l’environnement. Bien sûr, l’omniprésence de la technologie et le développement des canaux numériques a aussi eu pour conséquence une baisse de fréquentation des agences : selon une étude de la FDF, 17 % des Français se sont rendus plus d’une fois par mois en agence en 2012 contre 62 % en 2007. Par ailleurs, les nouvelles réglementations (Bâle I, Bâle II, puis Bâle III) sont venues contribuer à cette nouvelle donne, en mettant en priorité numéro un la captation de l’épargne. Enfin, de nouveaux entrants (Carrefour, …) viennent concurrencer les banques sur leur propre terrain et s’attaquer à leurs parts de marché.

Dans le domaine de l’assurance, un défi avant tout culturel

Observons maintenant le phénomène dans le domaine de l’assurance. Bien sûr, nous retrouvons les mêmes principaux facteurs à prendre compte : appropriation d’internet par le consommateur, distanciation de la relation, omniprésence des réseaux sociaux, ou encore arrivée massive de nouveaux entrants. Il est aussi aujourd’hui de plus en plus difficile de générer du trafic en agence car les comparateurs permettent aux clients et prospects de se renseigner de manière plus autonome. De plus, Les assureurs sont soumis à une forte pression du marché : notamment de la part des bancassureurs, qui ne se contentent plus être présents sur l’IARD et proposent aujourd’hui aussi des assurances santés et dommages. Enfin le contexte règlementaire est venu également augmenter l’intensité concurrentielle, en permettant plus de volatilité, notamment par le biais de la Loi Hamon, prévoyant que l’assuré est libre de résilier son contrat d’assurance à tout moment au bout d’un an, sans pénalité ni frais.

Sur ce marché aussi, il est plus que nécessaire aujourd’hui de remettre le client au centre de la relation, rester à l’écoute, sortir d’une logique de distribution en silos pour viser une imbrication des différents canaux. Ce dernier point reste crucial : il suppose aujourd’hui pour les acteurs de ce marché d’opérer d’importantes transformations au sein de leurs organisations et de leur système d’information.

Mais bien plus qu’un défi organisationnel, l’implémentation de véritables stratégies cross canal, reposant sur la synergie et les complémentarités entre les canaux, s’impose avant tout comme un défi culturel et managérial[3], nécessaire à l’évolution des modèles de développement. Cependant, cette exploitation des nouveaux canaux ne doit pas se résumer à une simple extension des fonctionnalités et services. Elle suppose aussi de réinterpréter et d’accorder les valeurs de la marque, qui en fonction des canaux, adresseront via une stratégie d’offre spécifique et complémentaire des segments de clientèle et prospects différents.

Une capacité d’évolution à relier au modèle de distribution des acteurs

La manière dont internet est intégré dans les dispositifs de relation client dépend des modèles de distribution. Les compagnies traditionnelles (Axa, Generali, Allianz, etc.) ont fait d’internet un canal de soutien à leur réseau d’agents généraux, mais ces évolutions se heurtent à d’importantes barrières organisationnelles. Les mutuelles d’assurance quant à elles (Maaf, Macif, GMF…), dont l’orientation client semble bien imprégnée au sein des équipes et des processus, doivent néanmoins faire évoluer simultanément leur stratégie de marque, dans une logique de distribution cross canal. Les groupes de prévoyance (Malakoff-Médéric, AG2R-La Mondiale), pour leur part, ne bénéficiant pas des atouts que peuvent offrir les réseaux physiques importants de certains de leurs concurrents, ont ici des possibilités offertes d’innovation en combinant approche physique et digitale.

Quel nouveau rôle de l’agence physique ?

En résumé, nous assistons bien à une rupture des modèles organisationnels, où la distribution, en prou à de profondes mutations, occupe une place de premier rang. Les modèles de développement évoluent et tendent vers un repositionnement du client au centre du dispositif, avec pour ambition parallèle de mieux prendre en compte le caractère systémique de cette approche, et d’innover afin de se différencier. Nous savons par exemple aujourd’hui que l’intégration des réseaux sociaux à la stratégie digitale s’impose comme un levier incontournable d’amélioration d’une relation dite « cross canal »[5]. Dans ce contexte de mise en synergie des moyens, qu’advient-il alors de la place que doit occuper l’agence physique dite « traditionnelle » ? Comment s’intègre-t-elle dans un parcours client remodelé, interactif et digitalisé ? Et surtout, quelle place demain pour le conseiller, toujours pierre angulaire d’une relation client complexe à appréhender ?

[1]Loic PLE ; « La coordination d’un réseau de distribution multicanal : le cas de la banque de détail » ;

[2]http://www.culturebanque.com/agence-bancaire-intuitive/

[3]http://www.xerfi.com/Etudes-Assurance/Xerfiprecepta-Strategies_multi_canal_dans_l_assurance_2ABF21_2ABF21.awp#.U2pmXfl_sVZ

[4]http://www.xerfi.com/Etudes-Assurance/Xerfiprecepta-Strategies_multi_canal_dans_l_assurance_2ABF21_2ABF21.awp#.U2pmXfl_sVZ

[5]http://www.solucominsight.fr/2014/03/banque-et-reseaux-sociaux-vers-une-evolution-programmee-des-strategies-digitales/