Objets connectés : quels enjeux pour l’assurance de personnes ?
Entre 2010 et 2012, les objets connectés sont passés de 4 milliards d’unités à 15 milliards. En 2020, ils seront au nombre de 80 milliards d’après une étude d’Idate pour un marché estimé par le cabinet Gartner à quelques 1900 milliards de dollars. Ces chiffres vertigineux confirment la tendance actuelle du tout connecté. Dans l’univers de l’internet des objets, ceux destinés au domaine de la santé tiennent une place conséquente. Comment les assureurs pourront-ils tirer parti de ces innovations dans les années à venir ?
Les objets connectés au service de la santé de leurs propriétaires
De la balance aux lentilles de contact, de nombreux dispositifs connectés fleurissent afin d’analyser nos données physiologiques au jour le jour.
Un des derniers produits en vogue nous provient de Withings, pionnier français des objets connectés. Smart body analyser est une balance connectée. Elle vous permet d’analyser l’évolution de votre poids, votre fréquence cardiaque, votre pression artérielle ou la qualité de l’air de votre domicile. D’autres dispositifs surfent également sur le « Quantified Self ». Ce mouvement regroupe l’ensemble des systèmes de captation et d’analyse de données biométriques personnelles. Parmi eux, on peut citer les lentilles de contact connectées, projet de Google pour aider les diabétiques en analysant leur taux de glucose directement dans les yeux. De nombreux acteurs (Fitbit, Jawbone, Nike et maintenant Samsung) se sont lancés dans le marché des bracelets ou montres connectés ou autres « wearable devices » pour permettre à leurs utilisateurs de tracer leur activité physique quotidienne et d’analyser leur mode de vie. Withings a même sorti cette année le dispositif de sommeil Aura qui surveille vos phases de sommeil afin d’optimiser vos nuits.
Leurs points communs ? Tous ces dispositifs sont connectés à une application pour smartphone ou tablette afin d’accéder facilement à l’analyse de ses données physiologiques.
Stars du CES Las Vegas 2014, ces objets connectés feront demain notre quotidien. En France, la moitié des propriétaires d’objets connectés en font usage afin de surveiller ou d’améliorer leur santé. Et les applications de ces dispositifs sont infinies, la santé 2.0 arrive à grands pas dans nos modes de vies.
Quels usages pour l’assurance ?
Un des axes stratégiques des assureurs pour les années à venir est la gestion du risque. Cela s’explique par le contexte de crise, la concurrence de plus en plus rude et les importantes contraintes économiques.
Prévenir plutôt que guérir. Tous les acteurs du monde de la santé mènent des campagnes de prévention afin de réduire leurs risques donc le nombre de prestations. Les objets connectés, par leur simplicité d’utilisation, leur précision et leur côté ludique sont un formidable outil de sensibilisation auprès de leurs utilisateurs. Un mode de vie plus sain est synonyme d’un risque moindre pour l’assureur.
Une fois « connecté », chaque assuré peut faire l’objet d’un suivi personnalisé. Dans l’exemple de la balance Withings, on pourrait imaginer un système d’alertes et de recommandations en cas de comportements qui dégraderaient l’état de santé de l’assuré où même un diagnostic plus rapide à partir des données physiologiques déjà récoltées.
À cela s’ajoute la possibilité pour l’assureur, en communiquant sur ces nouveaux usages, de promouvoir son image : à la fois moderne et soucieuse de ses clients. Cibler une population technophile, donc jeune, a aussi l’avantage de présenter des risques moindres.
On peut également citer l’émergence du « Big data » qui, jumelé avec les grandes quantités de données récoltées sur ces dispositifs pourraient fournir aux assureurs des données statistiques pertinentes pour détecter par exemple la diffusion d’épidémies et en contrôler les risques.
L’assurance de personnes se rapprochera-t-elle du « Usage-Based Insurance » beaucoup utilisé dans l’assurance auto ? Ce concept permet à chacun de payer son assurance auto en fonction de l’utilisation qu’il fait de son véhicule. Peut-on mettre en place une tarification qui dépend de la sanité du mode de vie de chaque assuré ?
Enjeux et obstacles
Ces pistes soulèvent néanmoins un certain nombre de défis de taille.
Le premier est celui du respect de la vie privée des utilisateurs. La mise en place de systèmes de monitoring de l’état de santé des assurés n’est pas sans embuches. D’une part, la CNIL encadre et contrôle fortement la communication de données de ce type aux assureurs. D’autre part, les clients peuvent être réticents à partager ces données avec un représentant du corps médical : aujourd’hui 61% des Français possédant un objet connecté se disent prêts à échanger ces données selon l’Atelier BNP Paribas. Enfin, ce changement d’usage constituerait une véritable révolution dans la relation entre le médecin et son patient. Sur son terrain, le corps médical pourrait représenter un frein à l’évolution des usages.
Du point de vue de l’assureur, la mise en place d’un suivi personnalisé pour chaque assuré présente d’abord des contraintes techniques pour l’analyse massive et l’hébergement des données, mais aussi organisationnelles pour l’intégration de ces données dans les processus et le mode de fonctionnement de l’assureur.
C’est également d’un point de vue éthique et économique que l’usage de ces objets peut poser problème. Comment garantir l’égalité de l’accès aux soins ? Qui des mutuelles, assurances maladie ou acteurs privés financera le déploiement de ces équipements ? De même, dans quelle mesure pourra-ton considérer un objet connecté comme un « dispositif médical » ? Toutes ces questions viennent mettre en évidence une évolution nécessaire du modèle de santé actuel.
Comment les assurés vont-ils accepter l’utilisation de ces dispositifs ?
Malgré les défis décrits ci-dessus, ces systèmes existent déjà. Prenons l’exemple de l’offre Vitality de l’assureur sud-africain Discovery. Le système propose aux assurés de gagner des points « Vitality » à chaque fois qu’ils enregistrent une activité physique via leur objet connecté. Ces points donnent ensuite accès à des réductions ou des cadeaux, il s’agit là d’un bon moyen de fidéliser la clientèle et de faire facilement adhérer l’assuré à l’amélioration et au contrôle de son mode de vie.
Aetna, assureur américain, a lancé après plusieurs acquisitions en 2013 CarePass, plateforme web et mobile qui centralise les données de différents objets connectés ou applications de suivi alimentaire tierces de façon à suivre l’ensemble de ses données physiologiques personnelles via une seule application. La plateforme permet également à l’assuré de transmettre facilement ces données au corps médical.
L’objet connecté doit donc être vendu comme un service pour l’assuré, qui doit considérer que le bénéfice qu’il retire d’un tel dispositif est supérieur aux inconvénients qu’il représente pour sa vie privée.
L’objectif est double pour les assureurs : réduire les risques et les coûts de prise en charge des assurés, mais aussi renforcer la relation assureur assuré. A l’instar de ces deux précurseurs, les acteurs de l’assurance ne devront pas rater le coche de l’internet des objets et adapter leurs offres et relation client à cette nouvelle tendance.