Le paysage mutualiste a connu de profonds bouleversements ces dernières années.

En effet, selon l’ACP, le nombre des mutuelles est passé de 1 000 à environ 630 entre 2005 et 2012 ; l’objectif premier étant de réaliser des économies d’échelle.

Comment expliquer l’accélération de ces phénomènes de rapprochement (absorption, fusion, union) touchant les mutuelles ?

Les phénomènes de concentration des mutuelles ne sont pas nouveaux. Les principales raisons de ces mouvements sont rappelées ci-après :

  • La réforme du code de la mutualité favorisant la coopération entre les structures : mise en place en 2001 de l’Union de groupe mutualiste (UGM) permettant une simple coordination de l’activité des membres sans solidarité financière ; depuis 2008, l’Union mutualiste de groupe (UMG) permettant aux membres affiliés de nouer des liens de solidarité financière,
  • La croissance externe, afin de dégager des synergies en mutualisant leurs risques,
  • Les évolutions des réseaux de soins,
  • La recherche de la taille critique pour faire face aux enjeux concernant : les systèmes d’informations, les services, le conventionnement et solvabilité 2,
  • La pression des entreprises, rassurées par le côté « sécurité financière » des plus grosses structures.


De nouveaux rapprochements ont d’ailleurs marqué la fin d’année 2013, avec notamment :

  • La Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) et le Groupe Pasteur Mutualité créent Orsane, une structure commune pour diffuser des contrats collectifs dans le secteur de la santé,
  • La fusion d’Eovi et de la MCD, paru au Journal officiel en octobre 2013,
  • La fusion d’Harmonie Mutualité, Mutuelle Existance, Prévadiès, Santévie et Sphéria Val-de-France.

 Que nous réserve l’année 2014 ?

Il est fort probable que la signature de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) le 11 janvier 2013, qui prévoit la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés, accélère également les mouvements.

En effet, l’entrée en vigueur de l’Accord National Interprofessionnel à l’horizon du 1er janvier 2016 bouleversera le secteur de l’assurance santé en déclenchant une nouvelle concurrence en assurances collectives.

Le monde mutualiste, premier acteur sur ce segment, est impacté directement par ce basculement du marché de l’individuel vers le collectif. Aussi, les acteurs sont mis à l’épreuve dans :

  • Leur capacité à approcher les entreprises de types TPE et PME, segment principalement touché par l’ANI : 470 000 entreprises à équiper en assurances collectives d’ici 2016, dont la majorité représente des TPE/PME (selon les études menées par la Dafsa),
  • Leur capacité à récupérer en collectif la perte des portefeuilles individuels.


Les grandes mutuelles se sont engagées dans une course au rapprochement pour atteindre une dimension nationale et gagner en compétitivité.

Les petites mutuelles sont souvent spécialisées dans l’individuel : une transition de l’individuel vers le collectif difficile. De plus, la plupart des mutuelles sont mono produits, bien que la diversification de l’offre « produit » soit un passage obligé pour réduire les risques.

Pour un bon nombre d’observateurs du monde l’assurance, la généralisation imposée par l’ANI, sera le coup de grâce pour les petites mutuelles, déjà condamnées par la réforme du code de la mutualité, puis par Solvabilité II. Le rapprochement pour les petites mutuelles semble donc inéluctable dans les prochaines années.

Toutefois, deux éléments déterminants pourraient leur être favorables :

  • Leur capacité à mobiliser des commerciaux, afin de démarcher les TPE/PME touchés par l’ANI,
  • L’abandon des clauses de recommandations ; remplaçant de façon masquées les clauses de désignation (identifiant l’organisme assureur qui assurera le régime mis en place pour toutes les entreprises du secteur), à l’avantage des institutions de prévoyance jusqu’à alors.

 Miser sur LA stratégie gagnante

Le monde mutualiste risque de connaitre une profonde restructuration du marché, et ce, quel que soit la typologie de rapprochement choisie… C’est pour quoi, la différenciation devient le maître mot pour gagner la partie.

En effet, dans le cadre de la mise en vigueur de l’ANI, les entreprises se contenteront certainement du panier de soin minimum imposé par le législateur.

Aussi, les mutuelles ont tout intérêt à développer leur gamme de produit sur la sur-complémentaire, pour renforcer les postes de garanties des salariés et conquérir de nouvelles parts de marché.

De plus, il est indispensable d’investir sur les services innovants, la prévention, la qualité des réseaux de soins et la mobilisation des forces de vente pour assurer sa pérennité.

Enfin, pour affronter la généralisation de la complémentaire santé, le choix de partenaire reste un élément stratégique et différentes options sont envisageables :

  • S’associer à des alliées ; mutuelles de fonctionnaires, mutuelles interprofessionnelles, mutuelle d’entreprise…
  • Se rapprocher des institutions de prévoyance, acteurs importants en assurance collective et séduites par les agences de proximité des mutuelles,
  • Miser sur leur indépendance, en renforçant la mobilisation des commerciaux.

Mais une chose est sûre, il n’y aura pas de place pour tout le monde…