La loi de consommation, appelée également loi « Hamon » a été adoptée le 13 février 2014 par le Sénat. Cette loi, qui modifie les rapports entre professionnels et consommateurs dans l’objectif de donner plus de pouvoir d’achat à ces derniers, impacte fortement le modèle stratégique jusqu’à présent connu du secteur de l’assurance français.

Focus sur les changements que cette nouvelle loi va entraîner pour les assureurs français : quels avantages et quels bénéfices à tirer de ce texte qui ne fait pas l’unanimité ; des parlementaires UMP ayant décidé de déposer un recours auprès du conseil constitutionnel.

La loi Hamon appliquée au secteur de l’assurance

La loi de consommation, mise en place pour garantir les intérêts des consommateurs face aux professionnels, cible directement les acteurs du monde de l’assurance et particulièrement les conditions de résiliation des contrats d’assurance. Le principe est simple : permettre aux assurés de faciliter la résiliation de leur contrat, sans préjudice financier.

Ainsi, pour les contrats automobile, moto, MRH[1] et pour les contrats affinitaires (associés à l’achat d’un bien ou d’un service comme la téléphonie mobile par exemple), l’assuré peut maintenant résilier son contrat à tout moment de l’année, après un an d’ancienneté et sans désavantage financier : on parle alors de résiliation infra-annuelle.

Cette loi vient bouleverser les pratiques existantes sur le marché de l’assurance, car auparavant, l’unique moment de résiliation était la date d’anniversaire du contrat. Le modèle de l’assurance automobile et MRH français en tant que tel se trouve donc déstabilisé ; au profit de l’intérêt du consommateur.

Des bénéfices pour les consommateurs…

Le but recherché par cette facilité de résiliation prévue dans la loi de consommation est de limiter l’augmentation des prix pratiqués par les assureurs ainsi que les contraintes qui lient les assurés à leur assureur, en augmentant les possibilités pour le consommateur de se tourner vers la concurrence. Toutefois, ce n’est pas dans les habitudes des Français de changer constamment de contrat ; ils préfèrent établir un lien avec un interlocuteur expert afin d’échanger sur les garanties couvertes par les contrats et les modalités de remboursement. Ce qui est d’autant plus vrai dans le domaine de l’assurance dont la complexité n’est plus à démontrer.

Quant à savoir si les consommateurs ne se lasseront pas de changer tous les deux ans d’assureur pour prendre le risque de souscrire à des contrats qui ne correspondraient pas à leur besoin (choix précipités, peu ou mal conseillés,…), il faudra attendre le bilan de fin d’année qui sera très suivi pour en vérifier les conséquences.

Les comparateurs de prix sur Internet seront probablement les grands gagnants de cette loi. Lors d’un désaccord avec un assureur ou dans l’optique de trouver un contrat plus avantageux, l’assuré ira comparer les prix du marché sur Internet, qui affiche des prix jusqu’à 40 % moins chers mais sans aucune relation de proximité avec l’assureur.

Concernant les contrats santé, une transparence de la couverture est obligatoire. Pour ce faire, le remboursement en euros et le montant explicite du reste à charge de l’assuré devront être affichés aux assurés pour les actes et frais de soins les plus couramment pratiqués, et non plus en % BR ou FR-SS, comme actuellement.

Mais les professionnels restent inquiets

Il est à noter que l’assurance de dommages dont fait partie l’automobile et la MRH* est déficitaire pour l’année 2013, le montant des sinistres versés étant supérieur aux primes perçues. À partir de ce constat, il faut s’attendre à un bouleversement de son modèle et de sa stratégie, auquel vient s’ajouter maintenant la loi de consommation. Le business model de l’assurance dommage devrait donc inéluctablement évoluer : l’assureur devra veiller à sécuriser son portefeuille existant en accentuant sur la qualité du service client tout en allant à la conquête de nouveaux adhérents.

Les assureurs devront également faire face à de forts mouvements au sein de leur portefeuille ; habitués à un faible turnover, ils seront amenés à prendre certaines mesures pour faire face à ces changements afin de segmenter leur portefeuille et proposer des contrats ciblés : mesures tarifaires plus sophistiquées, étude du niveau de fidélité, individualisation des primes, adaptation aux offres concurrentes, … Par exemple, une augmentation des primes automobile est à prévoir pour l’année 2014.

Si nous ne sommes pas encore au même stade que les pays anglo-saxons où le taux de résiliation avoisine les 60%, en raison de leur modèle avec tacite non-reconduction du contrat (clôture du contrat si l’assuré ne se manifeste pas) ; en France, selon l’argus de l’assurance, il faut s’attendre d’ici deux ans à un turnover sur les contrats automobile de 25% au lieu de 14% actuellement.

Enfin, l’actualité brûlante du moment au sujet de ce texte revient au secteur de l’optique que la loi vise à libéraliser en vue d’en diminuer les tarifs et faire entrer plus de concurrence via Internet. Si la France accuse des prix des lunettes très supérieurs à ses voisins européens, les opticiens voient malgré tout d’un très mauvais œil l’accord d’ouverture des fonds de commerce prévu dans le cadre de la loi à des personnes non diplômées ; qui se traduirait selon eux par des pertes d’emplois en masse. Pourtant cette mesure pourrait favoriser l’essor des ventes de lunettes sur internet et ainsi baisser significativement les prix pour les consommateurs.

 

La loi de consommation risque bien de changer en profondeur les pratiques des assureurs, toutefois il faudra attendre la fin d’année avant de voir les impacts concrets. À quand une extension de la résiliation infra-annuelle de cette loi sur les contrats individuels santé et prévoyance des consommateurs afin de leur donner plus de liberté ?



[1] Multirisque Habitation