Lors de sa réunion du 22 février dernier, l’International Accounting Standards Board (IASB) a estimé que son projet sur les contrats d’assurance était suffisamment abouti pour que celle-ci soit publiée avant l’été 2017. Dès le mois de mai, la norme IFRS 17, plus connue sous la désignation « IFRS 4 phase 2 » viendra compléter le paysage réglementaire du secteur de l’assurance.

Un premier pas avec IFRS 4

À partir de 1997, l’IASC (futur IASB) initia le projet d’une norme spécifique pour le secteur de l’assurance qui mena à la publication en 2004 de la norme IFRS 4. Cette nouvelle norme n’avait pas pour vocation de « révolutionner » le secteur, mais plutôt d’apporter un premier cadre de référence.

Parmi ses principales mesures, IFRS 4 introduisait notamment des précisions sur la méthode à employer pour valoriser les éléments composant l’actif du bilan (actifs uniquement dans le cadre d’IFRS 4). Ces instruments financiers, n’ayant pas vocation à être détenus jusqu’à leur échéance, devaient désormais se baser sur la « fair value » (ou la juste valeur). La juste valeur implique une valorisation selon une base d’estimation de la valeur du marché ou de la valeur d’utilité. Si cette méthode a été retenue pour l’actif, l’IFRS 4 prévoyait une comptabilisation en norme locale pour le passif (coût historique).

Cette asymétrie des valorisations dans le bilan crée des déséquilibres, appelés « mismatch », qui nécessitent de passer des provisions d’égalisation rendant ainsi difficile la compréhension des états financiers et la comparaison des compagnies d’assurance.

L’IASB a poursuivi ses travaux en publiant des projets de la norme en 2010 et en 2013 sous la forme d’Exposés-Sondages  permettant aux assureurs de se maintenir informés des orientations prises par l’organisme.

Une harmonisation des pratiques avec IFRS 17

Face à des pratiques comptables diversifiées et à la complexité croissante des produits d’assurance, il devenait primordial d’harmoniser les pratiques comptables internationales, d’où le projet IFRS 4 phase 2, ou IFRS 17.

De nombreuses questions se posent concernant le texte qui sera publié à l’été 2017. En effet, l’IASB n’a diffusé que peu d’informations sur le contenu de la norme IFRS 17. Selon des experts, l’un des principaux changements introduit par le texte devrait concerner la valorisation des engagements d’assurance. En effet, IFRS 17 devrait imposer aux assureurs l’obligation de valoriser leurs engagements en valeur de marché, plus adaptée que la valeur historique. Pour cela, le passif serait valorisé sur la base de la valeur actuelle des futurs flux de trésorerie (prestations actualisées au taux d’intérêt) en y incluant une marge  de risque afin de prendre en compte l’incertitude relative à ces flux.

D’autre part, la norme IFRS 17 pourrait introduire le concept de marge de service contractuelle – (Contractual Service Margin ou CSM). La CSM correspond au profit attendu du portefeuille des contrats. Inscrite au passif du bilan, cette marge sera amortie durant la période couverte du contrat de telle sorte que les profits dégagés soient comptabilisés dans le compte de résultat au fil de l’eau et en fonction du service rendu par l’assureur à l’assuré.

Un accueil mitigé par le secteur

Les assureurs ont bien conscience que l’implémentation de cette nouvelle réglementation nécessitera de lancer des chantiers de taille. En effet, les changements introduits par la norme devraient impacter aussi bien la comptabilité que les processus et le système d’information, entre autres.

En s’orientant vers une valorisation en valeur de marché, les assureurs redoutent la « volatilité » résultant de la prise en compte imparfaite du lien économique entre les placements et les produits d’assurances. Les contrats d’assurance-vie en sont une illustration. Le principe de l’actualisation repose en effet sur l’utilisation d’un taux d’intérêt. Le niveau significativement bas des taux d’intérêt depuis plusieurs années pourrait potentiellement impliquer une augmentation de la part des engagements. Ceci laisserait supposer des changements importants des états financiers et par conséquent, une refonte de la communication des compagnies d’assurance avec leurs actionnaires.

Pierre THEROND, président de la Commission comptabilité de l’Institut des Actuaires , précise que « le découpage de l’IASB ne correspond ni au business model, ni à la manière dont sont gérés les contrats d’assurance-vie en France » et le risque est que cette classification ne représente que partiellement la mutualisation intergénérationnelle des contrats d’assurance-vie.

Avec une entrée en vigueur de la norme IFRS 17 dès le 1er janvier 2021, l’IASB placera le modèle actuariel au cœur de la comptabilité des assureurs.